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À l'image de Grenoble et de son réseau de chaleur, la France de 2050 se chauffera moins au gaz. Elle devra cependant entretenir autant de conduites gazières, forçant à innover dans les tarifs pour éviter une explosion des factures.
"Même dans un scénario très volontariste, avec peu de gaz, on a globalement toujours besoin de réseaux gaz", a observé la présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), Emmanuelle Wargon, en présentant mardi un rapport sur l'avenir des infrastructures gazières.
Même en cas de baisse prononcée de la consommation, le réseau de transport du gaz restera "en très grande partie nécessaire", y compris pour la desserte des voisins européens, indique l'étude.
Si des bouts de réseau de distribution sont abandonnés, cela devrait être "dans une proportion très limitée", ajoute-t-elle.
Le réseau aura même besoin d'un effort d'investissements supérieur à ce qu'il est actuellement, compris entre 6 et 9,7 milliards d'euros d'ici 2050 selon les scénarios, pour injecter le gaz vert ou biogaz issu des fermes, des déchets ou d'autres sources non fossiles.
Moins de clients, mais autant voire davantage d'infrastructures à long terme : "Cela veut dire que le coût des réseaux devra être mutualisé différemment", souligne Mme Wargon, qui prévoit des changements dès 2024.
"L'idée est de prendre un virage dans la construction des tarifs et dans la régulation qui tienne compte du fait qu'on va avoir, en gros, les mêmes besoins d'infrastructures avec (...) un volume de térawattheures consommé qui va baisser", selon l'ancienne ministre.
"Il faut qu'on commence maintenant à se poser la question (...)", dit-elle, en suggérant qu'à l'avenir, les abonnés du gaz auront à supporter "une forme de forfait" pour l'accès au réseau même s'ils consomment peu, comme pour les utilisateurs de pompes à chaleur hybrides qui se chauffent en utilisant du gaz seulement en appoint.
Problème à Paris
Trois taxes (distribution, transport, stockage) sont aujourd'hui prélevées pour le réseau gaz (37.000 km de conduites pour le transport, plus de 200 000 km pour la distribution chez le client).
La Commission de régulation de l'énergie en fixe le mode de calcul une fois tous les quatre ans. 2024 sera l'occasion d'enclencher un nouveau mécanisme, peut-être relativement indolore au départ mais qui s'accentuera par la suite.
En matière de baisse de consommation de gaz, Grenoble, cité dans le rapport, est un cas d'école. Depuis 2017, la ville a étendu son réseau de chaleur urbain pour consommer moins de gaz fossile, nocif pour la planète.
La baisse de la demande de gaz a été "rapide" (-16% sur 2017-2020), relève le régulateur de l'énergie dans son rapport. Cela a alimenté une spirale tarifaire qui n'avait pas été anticipée pour les derniers usagers du gaz.
La Commission de régulation de l'énergie insiste donc sur le besoin de coordonner les projets, de les accompagner mais aussi de ne pas hâter une éventuelle interdiction nationale d'usage. Elle cite comme exemple réussi la ville de Zurich en Suisse où la sortie du gaz a été planifiée très progressivement depuis 1992.
Les propriétaires de chaudière au gaz ont eu dix ans pour les démonter à partir de 2011, moyennant des compensations.
En France, la transition du chauffage au gaz vers d'autres énergies ne sera pas une mince affaire.
Les premiers à être convertibles sont les usagers habitant en maison individuelle ou en immeuble doté d'un chauffage collectif.
Dans les grandes villes comme Paris où les bâtiments sont collectifs mais avec une chaudière par appartement, "ce sera beaucoup plus compliqué", souligne Anne-Sophie Dessillons, directrice des réseaux adjointe.
Dans tous les cas, dans son rapport, la commission table sur une baisse de la consommation du gaz d'ici 2050. Elle tomberait à 320 TWh voire 165 TWh selon le plus frugal des trois scénarios examinés, contre 450 TWh aujourd'hui. Le volume de gaz pour le chauffage diminuerait aussi dans de fortes proportions (-43% à -85% selon les scénarios).
En 2022, la France a consommé 450 TWh de gaz, servant majoritairement à chauffer les bâtiments et constitué à 98% de gaz fossile importé. En 2050, le régulateur part du principe que la France n'importera plus de gaz fossile mais équilibrera sa consommation avec du biogaz.