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Avec le message "Vous avez toutes les cartes en main" inscrit sur le tee-shirt de l'animateur, les futurs initiés comprennent d'emblée : si la "fresque du climat" donne des clés pour comprendre le dérèglement climatique, elle invite aussi à agir. Signe du succès grandissant de cet atelier ludique gratuit de sensibilisation à la crise environnementale, plus de 400 personnes y ont consacré samedi trois heures de leur temps à Toulouse, lors d'une "fresque géante" comme il s'en organise de plus en plus en France.
Le principe de l'exercice: répartis en groupes de cinq à six, les participants manient 42 cartes thématiques et illustrées qu'un animateur leur transmet par étapes, avec pour mission d'organiser les interactions entre elles... jusqu'à composer une fresque. Certaines cartes sont simples : "activités humaines", "sécheresses", "fonte de la banquise", d'autres plus complexes : "effet de serre additionnel", "puits de carbone", "acidification de l'océan", avec toujours, au dos, des explications pour guider la réflexion.
La crise climatique, "ça nous concerne tous maintenant", explique Hélène, responsable de communication de 43 ans, qui souhaite rester anonyme, venue "comprendre mieux des processus scientifiques très, très complexes".
« Accessible »
Sous le toit de verre et de métal de "la Cité", la halle qui accueille l'évènement et abritait autrefois les chaînes de montage des avions Latécoère, les "fresqueurs" placent et déplacent sur leurs tables les petits cartons plastifiés et partagent leurs connaissances.
"J'ai tout de suite trouvé ça génial et accessible", se souvient Arielle Razat, 32 ans, l'une des coorganisatrices de la fresque géante toulousaine. "Si tu veux te former sur le climat et comprendre, ce sont des heures de lecture ou d'internet, tandis que là, ça te donne une bonne base de connaissances", explique-t-elle. "Je ne suis pas ingénieur et j'avais aussi besoin de quelque chose qui soit à ma portée", ajoute-t-elle.
C'est pourtant un ingénieur qui a créé la fresque en avril 2015 : Cédric Ringenbach, 51 ans. Sensible aux enjeux climatiques, il forme alors amis et connaissances professionnelles mais se rend vite compte que le cours magistral sur les rapports du Giec, les experts climat mandatés par les Nations Unies, ne suffit pas. "J'ai essayé de trouver un format un peu plus interactif qui permette à tout le monde de participer", explique-t-il à l'AFP.
L'idée était aussi de faire sortir le sujet climat de la "bulle des experts" pour "parler au reste de la société", complète à Toulouse un autre ingénieur, Nicolas Gourdain, 43 ans, professeur à Supaéro, l'école d'ingénieurs locale spécialisée dans l'aérospatiale et l'un des cofondateurs en 2018 de l'association de la fresque avec M. Ringenbach.
« Au bon moment »
Cinq ans plus tard, plus d'un million de personnes ont participé à l'atelier, a annoncé début avril l'association, qui compte plus de 40 000 animateurs. La fresque, qui commence à se déployer à l'étranger, s'est également déclinée en d'autres ateliers "amis" : fresques de la biodiversité, des déchets, du numérique, océane, etc.
Par ailleurs, l'atelier a été retenu pour former les directeurs d'administration de l'État, a été diffusé dans les cabinets ministériels, et va peut-être être choisi en mai pour initier plusieurs milliers de cadres de la fonction publique.
La fresque est "arrivée au bon moment", assure M. Gourdain : "beaucoup de personnes" "cherchaient une façon de s'engager sur ces questions sans forcément aller sur du militantisme, nous on n'est pas sur ce créneau-là, on est sur de la diffusion de connaissances scientifiques".
Non loin de lui, sur les tables, les fresques sont presque complètes, elles se remplissent de flèches, de dessins et auront bientôt leurs titres, choisis par les équipes : "Nous sommes la cause, réagissons", "tous concernés sinon ça va chauffer", "le pire n'est jamais sûr" ou "mieux comprendre pour mieux agir".
Les participants se photographient avec leurs fresques mais pour certains, le constat est très dur : Ghyslaine Delcourt, 61 ans, employée à la mairie de Toulouse, en a les larmes aux yeux. Elle veut croire que les petites actions qu'elle peut mener aideront à "éloigner l'angoisse". Et à une autre table, Isabelle de Brito, assistante de direction de 55 ans, résume le sentiment exprimé par beaucoup : "on a un sacré boulot".