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Pour le village allemand de Lubmin, au bord de la Baltique, la suspension du gazoduc Nord Stream II, reliant la Russie à l'Allemagne, est un coup dur qu'il espère surmonter en trouvant une solution de remplacement dans le domaine de l'énergie.
Défendu pendant des années par l'Allemagne d'Angela Merkel puis d'Olaf Scholz, ce gazoduc controversé, d'un coût de 10 milliards d'euros et censé doubler la capacité d'approvisionnement de l'Allemagne en gaz russe, a fait les frais de l'invasion de l'Ukraine.
Sa certification a été suspendue sine die par le gouvernement allemand et la société qui l'exploite, qui a licencié une centaine de salariés, est au bord de la faillite.
À Lubmin (Mecklembourg-Poméranie), les conséquences de la suspension sont très limitées en terme d'emploi : seule une douzaine de salariés travaillaient à ce projet "hautement technologique". Mais pour le village côtier près duquel aboutissent les conduites métalliques sous-marines, l'abandon du chantier, tout juste terminé, oblige à se réinventer.
« Gaspillage" -
"Je ne peux pas imaginer qu'un projet aussi énorme et surtout aussi coûteux puisse simplement tomber en ruines industrielles", explique à l'AFP le maire Axel Vogt.
Cet investissement de 11 milliards "n'est plus qu'un morceau d'acier, reposant au fond de la mer", s'était au contraire félicité le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, après des années d'opposition acharnée de Washington au gazoduc germano-russe.
Dans le paisible village d'un peu plus de 2 000 habitants, dans le nord-est de l'Allemagne, les habitants sont, eux, toujours aussi partagés.
Kerstin Ahrens, 60 ans, se dit ainsi contre la suspension de Nord Stream 2 malgré la guerre de Vladimir Poutine contre l'Ukraine.
Ce serait "un tel gaspillage d'argent", confie-t-elle à l'AFP sur une plage de sable blanc, non loin de l'immense pipeline. "Tout est horrible avec la Russie mais je ne trouve pas bien qu'on l'arrête maintenant".
"Tout le monde avait espéré que le gaz serait moins cher et maintenant tout est plus cher, et il n'y a pas tant d'argent que ça dans cette région", fait elle également valoir.
Une autre habitante, Heike Schulte, est d'un avis contraire : le gazoduc devait bel et bien être stoppé, "simplement parce que la dépendance à l'égard de la Russie est trop importante".
Cette femme de 66 ans se dit même prête à débourser davantage si c'est le prix à payer pour renoncer à l'énergie russe, moins chère. "C'est le prix de la civilisation, nous devons vivre avec", assène-t-elle.
Les conséquences fiscales du gel du projet pour la commune n'ont pas encore été évaluées.
« Sujet majeur »
Le maire du village lorgne lui, pour rentabiliser l'installation pharaonique, vers l'hydrogène, "un sujet majeur, pas seulement ici en Allemagne, mais dans toute l'Union européenne et aussi dans d'autres pays hors de l'UE".
Il serait en effet techniquement possible, selon M. Vogt, que le pipeline transporte de l'hydrogène.
Une telle évolution prendra cependant beaucoup de temps au vu des recours et procédures juridiques à venir dans ce dossier qui a empoisonné les relations entre Berlin et Washington ces dernières années.
Et les controverses incessantes qui ont entouré le chantier depuis son démarrage ont échaudé certains investisseurs potentiels, selon le maire.
Nord Stream 2, projet piloté par le géant russe Gazprom, a en effet suscité un tollé parmi les alliés de l'Allemagne dès sa planification.
Les États-Unis mais aussi les pays de l'Union européenne issus de l'ancien bloc de l'Est ont dès le départ dénoncé ce gazoduc dont le tracé contourne l'Ukraine et qui menaçait, selon eux, d'accroître la dépendance énergétique de l'Europe vis-à-vis de la Russie.
Mais le gouvernement d'Angela Merkel a vaille que vaille soutenu le projet, l'estimant indispensable à la transition énergétique de l'Allemagne, et les travaux de construction se sont achevés en septembre 2021.
Il a fallu la reconnaissance par Moscou des provinces ukrainiennes prorusses pour que M. Scholz se résolve, le 22 février, à suspendre le projet, peut-être définitivement.