Électricité : face aux canicules, Paris met ses vieux câbles « en papier » à la retraite

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Des hommes en orange s'affairent sur un chantier méconnu mais essentiel pour que Paris reste la ville Lumière: après 60 ans de service, de vieux câbles électriques isolés "au papier" sont remplacés par des modèles plus résistants aux vagues de chaleur.

"On anticipe le renouvellement de ces câbles qui commencent à être sensibles à la chaleur de façon à continuer à avoir une très bonne résilience du réseau à Paris", explique Olivier Lagnel, le directeur régional délégué d'Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité en France, devant une longue tranchée creusée à 1 m sous terre.

A quelques pas de la gare Montparnasse, casque sur la tête, il montre ce qui est d'ordinaire invisible: des mètres de câbles épais qui alimentent les Parisiens 24h/24.

Enedis veille sur 9 200 km de câbles dans la capitale, répartis à moitiés égales entre basse et moyenne tension. Particularité presque oubliée : le réseau y est enterré à "100%" - 99% à Lyon et 85% à Marseille - une question de gain de place. Au moins, "ça ne craint pas le vent", dit M. Lagnel.

Mais avec le temps, sous l'asphalte plombée par les chaleurs intenses l'été, "certains réseaux peuvent être sensibles", "particulièrement les réseaux avec des câbles à isolation papier imprégné d'huile (ou CPI), une technologie qui a été posée jusqu'en 1981" en France, souligne le responsable.

D'où l'objectif du chantier de plusieurs mois à Montparnasse: "on remplace ces câbles par des câbles à isolation synthétique (en plastique) qui durent mieux dans le temps", explique Sébastien, de la société de travaux ERTP mandatée par Enedis. Enedis en profitera pour retirer les anciens modèles de boîtes de jonctions - sortes de dominos, qui elles aussi deviennent sensibles aux chaleurs.

Outre Paris, "à Chicago, Londres, Shanghai, Hong Kong, Osaka, Tokyo, Singapour ou encore Sydney, dans les villes anciennes, électrifiées depuis longtemps, nos homologues distributeurs nous indiquent également être amenés à déposer des câbles CPI", précise-t-on chez Enedis.

Les réflexions se multiplient pour adapter les immeubles à de futures canicules à 50 degrés, mais la question de la résilience climatique des 80 millions de kilomètres de lignes électriques qui alimentent le monde reste méconnue, en dépit de problèmes récents: des câbles aériens d'alimentation de tramways qui avaient fondu à Portland en 2021; des centaines de milliers de Siciliens privés d'électricité en raison de dommages sur des câbles enterrés.

Enrubannés de papier

Les câbles à isolation papier représentent 5% du réseau électrique souterrain moyenne tension en France mais encore un tiers à Paris - soit 1.590 km, le plus ancien du pays.

Dans la tranchée excavée, ces câbles de moyenne tension - qui font le lien entre les postes de transformation et les clients, ont été posés en 1965. "Le problème principal c'est que l'isolant peut venir à sécher, et dans ce cas-là on peut avoir une sensibilité du câble", décrit M. Lagnel.

"L'idée c'est donc d'éviter les coupures au maximum" et de "désensibiliser le réseau (...) puisque les vagues de chaleur reviennent de plus en plus souvent, sont de plus en plus fortes", ajoute M. Lagnel.

Utilisés depuis la fin du 19e siècle et demeurés un standard international jusque les années 1970, ces câbles réputés très fiables étaient enrubannés de couches de papier imprégné d'une matière huileuse destinée à isoler "l'âme du câble" qui chauffe au passage des électrons.

Les câbles sont conçus pour résister à une température de 90°C. Mais quand les chaleurs s'accumulent pendant des jours et des nuits sous le bitume, ils peuvent chauffer jusqu'à 120-130°C, ce qui augmente leur vieillissement et in fine, le risque de "claquage", surtout pour ces vieux modèles.

Lors de la canicule de 2003, ces câbles avaient montré des faiblesses avec "un taux d'incident multiplié par huit sur le réseau souterrain moyenne tension", selon un rapport de la Cour des comptes de mars 2024.

Enedis a depuis, en 2009, défini sa stratégie de remplacement de ces câbles, qui devraient avoir tous disparu en 2050. "Environ 700 km de CPI moyenne tension sont remplacés chaque année en France, avec une accélération prévue dans les prochaines années", assure le l'entreprise qui cible des villes comme Marseille et Lyon.

A Paris, elle en remplace environ 70 km par an, l'équivalent de "deux fois le tour du périphérique parisien".

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