Dissuasion nucléaire: l'armée fait appel à EDF pour la production de tritium

  • AFP
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Le ministère des Armées a annoncé lundi une "collaboration" avec EDF afin d'utiliser la puissance des deux réacteurs nucléaires de la centrale de Civaux pour produire avec le CEA du tritium, "un gaz rare indispensable aux armes de la dissuasion".

Cette annonce, présentée comme un projet de long terme, fait suite à une visite du ministre de la Défense Sébastien Lecornu à Civaux, dans la Vienne.

Dans un communiqué, son ministère annonce une "collaboration entre EDF et la Défense consistant à installer un service d'irradiation de matériaux sur le site. Il s'agit d'exploiter la puissance des deux réacteurs de Civaux pour, en marge d'une production d'électricité inchangée, irradier dans le coeur des réacteurs des matériaux particuliers contenant du lithium".

"Une fois irradiés, ces derniers seront transférés vers un site du CEA", le Commissariat à l'énergie atomique, "afin de produire du tritium, un gaz rare indispensable aux armes de la dissuasion", détaille le communiqué.

"Cette collaboration était à l'étude depuis les années 1990 et fait partie d'une planification de longue date, habituelle des outils industriels de la Défense", affirme le ministère, qui précise qu'une convention entre l'État, le CEA et EDF "sera signée, fixant le périmètre des activités, les droits et obligations de chacune des parties dans le respect des règles de gouvernance".

La mise à contribution de la centrale n'est pas pour tout de suite, a prévenu lors d'un point presse Etienne Dutheil, directeur de la division production nucléaire chez EDF.

"Le fait d'amener de la matière à irradier dans le coeur du réacteur va modifier très légèrement les paramètres de fonctionnement du réacteur et il faudra réaliser une évaluation de sûreté comme pour toute autre modification" de ce type, a-t-il prévenu.

Afin de procéder aux premiers essais, EDF va déposer un dossier de modification à la rentrée 2024 "auprès de l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire, le gendarme du secteur) qui l'instruira avec l'IRSN (son expert technique), et à l'issue nous donnera ou pas l'autorisation de réaliser cette opération", a-t-il expliqué.

- Difficile à produire -

EDF vise un premier test à petite échelle lors d'un des deux arrêts programmés en 2025 dans la centrale.

Le tritium est un "gaz difficile à produire, qui se désintègre et disparaît spontanément", rappelle le ministère des Armées, qui ajoute que "tout stock est réduit de moitié au bout de 12 ans, les trois quarts au bout de 25 ans, 99,5% au bout d'un siècle".

Il faut donc "en produire régulièrement". Les installations utilisées précédemment pour en produire, à Marcoule (Gard) dans les années 60, ont été démantelées en 2009, ce qui a conduit à "planifier dès les années 1990 une deuxième génération d'outils de production" impliquant donc le recours à des réacteurs non dédiés d'EDF pour irradier la matière.

Cela permet, selon le ministère, de donner de nouveaux moyens "pour un coût raisonnable en évitant des investissements lourds".

"Le projet qui est engagé aujourd'hui vise à permettre aux gens qui seront responsables de la dissuasion française dans 15 ou 20 ans, de continuer à disposer de toutes les options possibles", a déclaré M. Dutheil.

"On ne procède pas à ce service d'irradiation parce qu'on a des besoins maintenant tout de suite", a-t-il insisté.

"Cette activité nouvelle, qui contribue à la souveraineté à la fois de notre industrie et de notre Défense, est une bonne nouvelle pour le tissu industriel local dont l'excellence est reconnue", résume le ministère.

"Cette activité complémentaire annexe viendra s'ajouter à la mission principale de production d'électricité. Cette demande de l'État n'a pas d'impact sur l'exploitation de la centrale de Civaux et sa finalité" et "il n'est pas prévu d'étendre cette activité complémentaire à d'autres réacteurs du parc", a indiqué EDF.

La centrale de Civaux a été choisie parce qu'il s'agit "de la centrale en service la plus jeune du parc et qu'elle présente donc une capacité de poursuite de sa durée d'exploitation qui est maximale", a conclu M. Dutheil.

kd-ngu/dch

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GERARD
Stop au nucléaire

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