Dans l'est de l'Allemagne, la raffinerie de Schwedt se languit du pétrole russe

  • AFP
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Dans l'est de l'Allemagne, les habitants de Schwedt n'en finissent pas de regretter le pétrole russe qui abreuvait leur raffinerie prospère. À tel point que les appels se multiplient pour lever l'embargo européen décidé après l'invasion de l'Ukraine.

Près de 1 200 employés

Mis en service dans les années 1960 pour acheminer en Allemagne du brut d'Union soviétique, l'oléoduc "Droujba" - amitié en russe - a marqué l'histoire de cette ville frontalière de la Pologne, à une centaine de kilomètres de Berlin.

Depuis janvier 2023, dans le sillage de l'embargo décidé au niveau européen, la raffinerie a cessé de s'approvisionner en pétrole russe. Mais le réchauffement des relations russo-américaines, amorcé par Donald Trump, ravive les espoirs et délie les langues dans la commune de 30 000 habitants.

"Beaucoup de gens estiment souhaitable que le pétrole puisse à nouveau circuler par l'oléoduc", assure à l'AFP, Hans-Joachim Höppner, qui préside le conseil municipal.

Principal employeur de la ville, la raffinerie de Schwedt, un ancien combinat est-allemand, emploie quelque 1 200 personnes qui craignent pour leur avenir depuis le déclenchement de l'offensive russe contre l'Ukraine, en février 2022.

"Si les choses changent dans notre relation avec la Russie", le retour du pétrole russe est "tout à fait possible", juge M. Höppner, membre du parti conservateur CDU du futur chancelier Friedrich Merz.

L'embargo « nous fait plus de mal à nous qu'aux Russes »

Ce n'est pas la position des dirigeants allemands opposés à tout allègement du régime de sanctions contre Moscou et qui n'envisagent pas de restaurer les liens commerciaux avec la Russie de Vladimir Poutine, dont l'Allemagne a longtemps dépendu pour une grande partie de son approvisionnement énergétique.

Mais la détermination du gouvernement Merz, qui entrera en fonction début mai, sera mise à rude épreuve par la crise industrielle que traverse la première économie européenne et par la montée en puissance du parti d'extrême droite AfD qui souhaite la fin des sanctions liées à la guerre en Ukraine.

"Levez l'embargo car il nous fait plus de mal à nous qu'aux Russes", affirme ainsi à l'AFP Peggy Lindemann, conseillère municipale AfD à Schwedt et membre du comité d'entreprise de la raffinerie.

Plus surprenant, le président social-démocrate de la région du Brandebourg, où se trouve l'usine, a joint sa voix aux revendications. "Je serais heureux si nous pouvions retourner à des relations économiques normales avec la Russie", a déclaré Dietmar Woidke, figure du parti du chancelier sortant Olaf Scholz. Ces propos ont fait des remous dans le parti de centre gauche qui va intégrer le gouvernement de coalition dirigé par les conservateurs.

Sous tutelle du gouvernement allemand depuis septembre 2022

La raffinerie fonctionne actuellement avec des solutions alternatives au brut russe, se faisant livrer via le port allemand de Rostock (nord) et celui de Gdansk en Pologne.

Les coûts de production ont augmenté en raison du raffinage de 25 produits différents. L'usine tourne à environ 80% de ses capacités et ses résultats financiers sont "dans le rouge", constate Danny Ruthenburg, président du comité d'entreprise qui représente les salariés. Il faut trouver une solution pour sauver les emplois, en faisant venir davantage de pétrole soit par Rostock, soit par l'oléoduc Droujba si la guerre avec l'Ukraine cesse, ajoute-t-il.

Majoritairement détenu par Rosneft Deutschland, filiale allemande du géant pétrolier russe, la raffinerie PCK est sous tutelle du gouvernement allemand depuis septembre 2022. Ce contrôle de Berlin a été prolongé en mars avec la promesse que Rosneft vendrait sa participation. Mais trouver un acquéreur s'avère difficile.

Selon le média d'investigation allemand Correctiv, le cas de la raffinerie de Schwedt a été mentionné lors de récentes discussions entre Moscou et Washington. De même, le sujet d'une autre infrastructure énergétique majeure, les gazoducs Nord Stream, reliant la Russie à l'Allemagne par la mer Baltique, a été évoqué.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré en mars que des discussions avaient eu lieu entre des responsables américains et russes sur la relance des gazoducs, même s'il semble exclu que Berlin donne son feu vert à un tel projet.

La reprise d'exportation de gaz russe vers l'Europe serait dans l'intérêt de tous, fait valoir Moscou. Un scénario similaire pourrait-il s'appliquer à Schwedt ? "En principe, estime M. Höppner, cela pourrait être une solution (...)"

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