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Elle lutte et tire comme une acharnée sur le long câble que des policiers armés, en casque et gilets pare-balle, finissent par arracher du sol et confisquer : cette connexion illégale était le seul moyen pour cette habitante d'un bidonville miséreux du Cap d'avoir de l'électricité.
Dans une Afrique du Sud en proie à une grave pénurie d'électricité, les raccordements sauvages au réseau sont fréquents. Certains quartiers informels ne sont tout simplement pas reliés et les occupants des cabanes en tôle ondulée font appel au système D, parfois hasardeux. Dans d'autres cas, il s'agit de trouver les moyens d'éviter de payer la facture.
Selon les autorités, ces méthodes aggravent la crise de l'énergie. Après une accalmie ces derniers mois, les coupures d'électricité ont repris de plus belle cette semaine dans la première puissance industrielle africaine, au climat économique et social morose. Et 60 millions de Sud-Africains sont à nouveau privés de courant pendant des durées record, jusqu'à près de douze heures par jour, pendant des délestages imposés et programmés.
Mercredi, des dizaines de policiers et de fonctionnaires ont lancé une vaste opération de déconnexion dans plusieurs banlieues du Cap. Selon la ville, la consommation illégale d'électricité a coûté l'équivalent de près de 200 000 euros lors du trimestre dernier. Pendant des heures, les forces de l'ordre ont débusqué les câbles enfouis, armés de pelles, de grandes cisailles et de gants. Certains ont tenté de les arrêter, d'expliquer.
Attendre de mourir ?
"Au bout du compte, qu'est-ce qu'on fait ? On s'allonge et on attend de mourir ? Ou on essaie comme n'importe quel être humain, animal, de se battre pour survivre", lance Fernando Williams, un habitant du bidonville. "Dans notre cas, la survie consiste à se connecter au réseau illégalement", assène l'homme de 58 ans.
Certains reconnaissent le danger potentiel. "Quand il pleut, on voit de la fumée sortir de terre là où les fils sont enterrés. C'est très dangereux", soupire un voisin, qui n'a pas souhaité donner son nom. En fin de journée, des kilomètres de câbles multicolores ont quoi qu'il en soit été emportés à l'arrière de camionnettes. Et de nombreux foyers sont retombés dans l'obscurité.
L'entreprise publique Eskom fournit la grande majorité de l'électricité. Mais plombée par des centrales à charbon vétustes et criblée de dettes après les années de corruption de la présidence Jacob Zuma (2009-2018), la compagnie est incapable de répondre à la demande. Dans les quartiers aisés, de nombreux Sud-Africains se sont équipés depuis l'aggravation de la crise énergétique fin 2021. Ils peuvent compter sur d'autres sources d'énergie avec par exemple l'installation de panneaux solaires.
Le ministre de l'Électricité, Kgosientsho Ramokgopa, a promis lors d'une conférence de presse dimanche, pour la énième fois, une amélioration. Il a cette fois évoqué une augmentation des capacités de production d'ici la fin de l'année et la poursuite de travaux sur une centrale à charbon. La résolution de la crise de l'électricité est un enjeu crucial à moins d'un an d'élections générales où l'ANC risque, pour la première fois de son histoire, de perdre sa majorité.