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A rebours de l'ovation suscitée à Dubaï, l'accord de compromis auquel est parvenue la COP28 reçoit un accueil très réservé dans certains pays d'Asie et d'Océanie parmi les plus vulnérables au changement climatique.
L'accord, adopté mercredi par consensus et qualifié d'"étape historique" par le président américain Joe Biden, ouvre la voie à l'abandon progressif des combustibles fossiles, principaux responsables du réchauffement.
Pour Lavetanalagi Seru, militant du climat aux Fidji, le vocabulaire constitue "un pas supplémentaire dans la bonne direction". Mais "il ne va pas assez loin pour la justice climatique et l'égalité en ce qui concerne nos communautés sur la ligne de front".
Le texte "offre toujours de dangereuses lacunes et échappatoires", ajoute-t-il, "c'est profondément décevant".
Des représentants des pays les plus menacés par le changement climatique --les petits Etats insulaires-- n'étaient même pas dans la salle quand l'accord a été approuvé.
Le négociateur des Iles Marshall, John Silk, a décrit le texte comme "un canoé à la coque fragile et qui fuit, pleine de trous". Selon lui, "nous l'avons mis à l'eau parce que nous n'avions pas d'autre choix".
Au Bangladesh, régulièrement classé parmi les pays les plus exposés au changement climatique, le militant Sohanur Rahman s'inquiète également de tout ce que l'accord laisse en l'état.
"Alors que nous demandions la suppression progressive des combustibles fossiles, ils ont adopté (la formule) effectuer une transition hors" de ces combustibles, regrette ce coordinateur de YouthNet, principale organisation de jeunesse au Bangladesh pour la justice climatique.
"La manière dont ils vont mettre cela en oeuvre reste une question ouverte", ajoute-t-il, "il faut plus d'actions à ce sujet. Il y a beaucoup de failles".
« Ne pas perdre espoir »
L'une des inquiétudes exprimées par les experts concerne le manque d'objectifs clairement identifiés pour ce que les pays devront faire afin de s'éloigner des énergies fossiles et d'ici quelle date.
Le vocabulaire employé laisse leur place aux "énergies de transition", une expression perçue par les militants comme un nom de code désignant le gaz naturel. En outre, l'accord concerne le secteur de l'énergie et n'évoque pas des industries comme la production de plastiques ou d'engrais polluants.
Il préserve également une place pour le charbon s'il est "diminué" ce qui signifie selon les militants que ses émissions sont capturées ou limitées grâce à la technologie et constitue une porte ouverte à un permis de continuer à polluer, redoutent-ils.
"Le résultat final de la COP28 est insuffisant", pense Mitzi Jonelle Tan, militante de Youth Advocates for Climate Action aux Philippines.
"C'est un coup de poignard dans le dos, après la promesse que cela nous permettrait de rester en ligne avec l'objectif de 1,5°C" de réchauffement depuis le début de l'ère industrielle, juge-t-elle. "Cela nous blesse tous".
"Nous avons besoin d'une élimination progressive juste et équitable des combustibles fossiles qui soit financée", ajoute-t-elle.
La COP28 a lancé le fonds "pertes et dommages" pour aider les pays pauvres à faire face aux catastrophes climatiques, avec un financement de 792 millions de dollars. Mais jusqu'à présent les financements en direction de ces pays ont été insuffisants.
Pour Bill Bontigao, 24 ans, militant pour le climat dans la province d'Albay au centre des Philippines, ce fonds offre "une lueur d'espoir".
Mais il a vu depuis sa naissance la marée se rapprocher de plus en plus de sa maison sur l'île de San Miguel et espère déjà des propositions plus solides l'an prochain à la COP29 en Azerbaïdjan.
Il souhaite que "ce texte devienne plus ambitieux, plutôt que cette sorte de langage qui est si vague pour moi". "J'espère un langage plus ferme", insiste-t-il. "En tant que militant du climat et que jeune, je ne perds pas espoir mais je suis chaque fois déçu".