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Comment mettre à contribution les énergéticiens pour boucler le budget sans alourdir la facture des Français ni peser sur la transition énergétique ? C'est l'équation que tente de résoudre le gouvernement, mais rien ne dit qu'il y parviendra.
Un coût d'environ 2,7 milliards d'euros pour EDF
Parmi les pistes évoquées ces dernières semaines figure une nouvelle taxe sur les centrales de production. L'idée a été avancée par l'ex-ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, peu avant son départ de Bercy, mais elle est vigoureusement combattue par les acteurs du secteur, y compris les représentants des énergies renouvelables, qui y voient une menace sur leurs capacités d'investissement.
Cette nouvelle "contribution sur les rentes inframarginales" (Crim) qui vise les centrales électriques dépassant 260 mégawatts (nucléaire, barrages, éolien, gaz) pèserait en premier lieu sur les finances d'EDF, en raison de l'importance de son parc nucléaire. Elle a fait l'objet de discussions entre les acteurs de l'électricité et le gouvernement depuis le printemps mais aucune annonce officielle n'est intervenue.
Selon une source proche du dossier, elle représenterait environ 2,7 milliards d'euros pour EDF, et pèserait dans une moindre mesure sur les autres grands acteurs de la production électrique, comme Engie et TotalEnergies.
Opposition de la ministre de l'Écologie et de l'Énergie
Interrogée mercredi, Agnès Pannier-Runacher, la ministre de l'Écologie et de l'Énergie, a redit qu'elle y était opposée, sur BFMTV : "Faire peser une taxe sur les énergéticiens, c'est prendre le risque qu'elle soit ensuite immédiatement reprise dans les factures des Français."
"Il est important, en matière de taxation de l'énergie, ça a été dit par le Premier ministre, d'être vigilant sur l'augmentation des prix de l'énergie. Les Français ont traversé trois ans de hausse des coûts de l'énergie. Nous sommes aujourd'hui à un moment où les marchés sont en train de revenir (les prix baissent, NDLR) (...) et ça doit finir par se voir dans la facture des Français", a-t-elle expliqué.
Dans sa déclaration de politique générale mardi devant les députés, le Premier ministre Michel Barnier a semblé aller dans ce sens. "La baisse de l'inflation est très nette dans les tableaux économiques", a-t-il dit. "Il faut maintenant la répercuter sur les factures d'électricité et à la caisse du supermarché".
La Crim fait l'unanimité contre elle dans le secteur
Le gouvernement précédent comptait revenir complètement en février prochain sur le bouclier tarifaire, en relevant à son montant maximum une taxe sur l'électricité à 32 euros du MWh qui avait été abaissée au minimum pour soulager les factures des Français pendant la crise énergétique.
Mais même avec la fin du bouclier tarifaire, les Français au tarif réglementé devraient, à la faveur du retournement des prix de l'électricité sur les marchés, s'attendre à une baisse d'au moins 10% de leurs factures à cette même échéance, comme annoncé par la Commission de régulation de l'énergie le mois dernier.
Dans le secteur, cette Crim fait l'unanimité contre elle. "La France a besoin de mettre en cohérence sa politique fiscale avec ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables et de décarbonation de son économie et des usages", estime Mattias Vandelbulcke, directeur de la stratégie de France renouvelables.
"Taxer les capacités de production installées sur le sol national enverrait un signal très négatif pour l'incitation à la décarbonation et pour la sécurité d'approvisionnement", abonde l'Union française de l'électricité (UFE).
Une dette de 54,2 milliards d'euros déjà pour EDF
Interrogé, le PDG d'EDF Luc Rémont a mis en garde fin septembre contre les "conséquences" pour les investissements du groupe, si cette Crim se concrétisait.
"Si une telle disposition était votée, il est clair qu'il y aurait des conséquences sur le plan d'investissement au moins d'EDF et peut-être sur davantage d'éléments de notre stratégie", a-t-il déclaré fin septembre en audition à l'Assemblée nationale.
Cela viendrait encore peser sur la trésorerie d'EDF, qui reste lesté d'une dette abyssale de 54,2 milliards. Le groupe est confronté par ailleurs à un mur d'investissements estimés à environ 25 milliards d'euros par an, notamment pour mettre un œuvre un ambitieux programme de relance du nucléaire en France, qui prévoit la construction de six réacteurs EPR2 et une option pour huit autres.
Une autre option, non confirmée à ce stade, est à présent avancée : prélever des dividendes sur les résultats EDF, dont l'État est actionnaire à 100%, ce qui serait une première depuis 2016.