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Le secteur pétrolier du Venezuela, pays qui dispose des plus grandes réserves dans le monde, est à nouveau secoué par un séisme avec l'arrestation de l'ex-ministre du Pétrole et ancien PDG du géant public vénézuélien Petroleos de Venezuela (PDVSA) Pedro Tellechea, près de trois mois après la présidentielle.
« De graves crimes contre les intérêts supérieurs de la nation »
"Pedro Tellechea ainsi que ses plus proches collaborateurs, ont été arrêtés pour avoir commis de graves crimes contre les intérêts supérieurs de la nation", dont "la livraison du système automatisé de commande et de contrôle" de PDVSA "à une société contrôlée par les services de renseignement des États-Unis", selon un communiqué lundi du procureur général Tarek William, sans citer l'entreprise ou le nom des autres personnes arrêtées.
Ces remous interviennent un peu moins de trois mois après la présidentielle controversée du 28 juillet qui a vu le président Nicolas Maduro, proclamé vainqueur alors que l'opposition crie à la fraude et revendique la victoire. Les Etats-Unis, l'Europe et de nombreux pays d'Amérique latine ne reconnaissent pas sa réélection. De source officielle, plus de 2 400 personnes ont été arrêtées lors des troubles post-électoraux qui ont fait 27 morts.
Lors de son émission hebdomadaire lundi soir, le président a lancé "À l'attaque ! Peu importe qui tombe", promettant qu'il n'y aurait "pas de répit dans la lutte contre (...)les corrompus et les traîtres". Sans toutefois citer nommément M. Tellechea.
Une production proche d'un million de barils par jour
M. Tellechea, colonel de 48 ans, avait quitté ses postes de ministre du Pétrole et de PDG de PDVSA à la surprise générale en août pour devenir ministre de l'Industrie et de la Production nationale, et remplacé au ministère par la vice-présidente Delcy Rodriguez. "Il a déjà relevé PDVSA et nous devons aller à la récupération du parc industriel", avait lancé le président Nicolas Maduro le félicitant lors de sa nomination en aout.
Vendredi, le président Maduro l'a remplacé - sans même le citer - au ministère de l'Industrie par Alex Saab, l'homme d'affaires colombien intermédiaire du pouvoir vénézuélien, libéré en décembre par les États-Unis dans le cadre de négociations entre les deux pays.
M. Tellechea, dont de nombreux observateurs estimaient qu'il a contribué à redresser en partie un secteur pétrolier en plein marasme, avait alors annoncé sur les réseaux sociaux renoncer à son poste "en raison de problèmes de santé".
Le Venezuela se rapproche d'une production d'un million de barils de pétrole brut par jour (Mb/j), niveau inégalé depuis plus de cinq ans en raison des sanctions américaines et de l'effondrement de son appareil d'extraction miné par la corruption et la mauvaise gestion.
Le Venezuela, dont la production a atteint 3,5 Mb/j en 2008, avait vu sa production tomber en 2020 sous la barre des 400 000 b/j, la plus faible en trois décennies.
« Nettoyer » le secteur
La remontée de la production a notamment été favorisée par les licences d'exploitation accordées par le Trésor américain à des multinationale telles que Chevron, Repsol ou Maurel et Prom, pour opérer dans le pays en dépit de ses sanctions. L'incertitude est grande quant aux sanctions et licences après la réélection contestée de Maduro ainsi que l'attente du résultat de la présidentielle américaine.
Promettant de "nettoyer" le secteur, M. Tellechea avait lui même pris en main le secteur pétrolier dans le cadre du scandale éclaboussant l'ex-ministre du pétrole Tareck El Aissami, arrêté le 9 avril dans le cadre d'une vaste affaire de corruption touchant PDVSA.
El Aissami, proche collaborateur du président Nicolas Maduro et de son prédécesseur Hugo Chavez (1999-2013), aurait procédé à d'importants détournements à travers notamment la vente de pétrole au noir et de l'utilisation de cryptomonnaie. La vente de pétrole à travers le réseau des cryptomonnaies était un pari de Caracas pour tenter de contourner les sanctions imposées par Washington. Le détournement avait été estimé à quelque 17 milliards de dollars. Plus de 60 personnes ont été arrêtées.
Le secteur pétrolier du pays est régulièrement touché par des scandales. L'année dernière, le procureur Saab avait indiqué que le parquet avait lancé 27 enquêtes anticorruption visant PDVSA depuis 2017, avec plus de 200 personnes arrêtées.
Parmi ces dernières figurent des dizaines d'employés de PDVSA et de deux ex-ministres du Pétrole, Eulogio del Pino et Nelson Martinez. Ce dernier est mort en détention.
Un autre ancien ministre du Pétrole et homme de confiance du défunt président Hugo Chavez, Rafael Ramirez, est également accusé de malversations par le Venezuela qui réclame, jusqu'à présent sans succès, son extradition d'Italie, où il s'est enfui.