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"Nous faisons la queue dès 6 heures du matin et nous n'aurons du carburant qu'à partir de 12, 13 ou 14 heures", s'impatiente Sola Adewusi, un chauffeur privé aux abords de l'une des stations-service de la mégalopole de Lagos, au Nigeria.
"C'est à cause de nos dirigeants, ils sont mauvais", ajoute l'homme de 36 ans, agacé par des semaines de pénurie de carburant, qui aggrave la crise du coût de la vie dans le pays le plus peuplé d'Afrique.
Olufemi Soneye, porte-parole de la compagnie pétrolière nationale du Nigeria (NNPCL), a imputé la pénurie à des problèmes financiers liés aux opérations de chargement du carburant, dans un communiqué publié au cours du dernier week-end.
Bien qu'il soit producteur de pétrole, le Nigeria importe la plupart de son carburant, car sa capacité de raffinage est très faible.
Le pays, l'un des principaux producteurs de pétrole en Afrique, membre de l'OPEP, connaît souvent des pénuries sporadiques de carburant qui provoquent de longues files d'attente devant les stations-service gérées par la NNPCL, qui vendent du carburant à des prix inférieurs à ceux des opérateurs privés.
La "situation financière" évoquée par le porte-parole de la NNPCL "a exercé une pression considérable sur la société et menace la durabilité de l'approvisionnement en carburant", a-t-il indiqué dans son communiqué.
Cette déclaration a été publiée après que la NNPCL a annoncé un bénéfice record de 3,3 trillions de nairas (soit un peu moins de 2 milliards d'euros) pour l'année 2023.
Outre leurs véhicules, la plupart des entreprises et ménages nigérians ont besoin d'essence et de diesel pour alimenter leurs générateurs, qui prennent le relais lorsque le réseau électrique public national, peu fiable, tombe en panne.
De longues files d'attente
"La pénurie de carburant est vraiment difficile à supporter", déplore auprès de l'AFP Ismael Abdullai, 36 ans, livreur à moto de produits alimentaires. "Il faut toujours chercher plus loin pour trouver du carburant", explique-t-il.
Le Nigeria est confronté à une grave crise économique à la suite de l'arrêt du contrôle des devises et des subventions pour les carburants, décidé par le président Bola Tinubu à son arrivée à la tête du pays en mai 2023. Cela permettait au gouvernement de verser des milliards de dollars par an pour maintenir le prix de l'essence à un niveau plus bas.
Depuis, le prix du carburant a plus que triplé dans certains États du Nigeria, provoquant une inflation généralisée notamment des prix des produits alimentaires.
"Le coût du transport est désormais très élevé. J'ai dépensé 1.100 nairas (environ 60 centimes d'euro) pour me rendre au bureau ce matin, au lieu des 750 nairas habituels (environ 40 centimes d'euro)", précise à l'AFP Hogan Samuel, un monteur vidéo.
De nombreuses stations-service étaient fermées lundi à Lagos, tandis que de longues files d'attente se sont formées devant quelques points de vente, provoquant des embouteillages.
Les automobilistes cherchent à économiser jusqu'à 15.000 nairas (8,50 euros) sur un plein de carburant en utilisant les stations-service de la NNPCL, où le litre est vendu environ 600 nairas (30 centimes d'euros), au lieu de 950 nairas (50 centimes d'euros) ailleurs.
La semaine dernière, Heineken Lokpobiri, ministre du Pétrole du pays, a déclaré lors d'un sommet des travailleurs du secteur de l'énergie à Abuja, capitale du Nigeria, que la NNPCL devait augmenter le prix des carburants qu'elle vend aux distributeurs indépendants, affirmant que le prix actuel de 600 nairas alimentait la contrebande du produit à l'extérieur du pays.
"La situation ne nous rend pas heureux", confie à l'AFP, à Abuja, Uzochukwu Christian, peintre. "Le gouvernement devrait nous aider."