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La justice allemande a condamné jeudi le gouvernement d'Olaf Scholz pour son action insuffisante dans la protection du climat, un verdict embarrassant pour le chancelier qui s'apprête à participer à la COP 28.
La Cour administrative de Berlin-Brandebourg l'a contraint à prendre des mesures "d'urgence" pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le transport et le bâtiment, qui génèrent respectivement 20% et 30% du CO2 rejeté en Allemagne.
"Le gouvernement fédéral est tenu de prendre une décision pour la mise en place d'un programme d'urgence" dans ces deux secteurs, ont indiqué les juges.
Ce jugement de première instance a été rendu après une requête des associations écologistes allemandes DUH et BUND. Il n'est toutefois pas applicable immédiatement, dans la mesure où le gouvernement peut faire appel.
Les ONG, qui accusaient le gouvernement d'Olaf Scholz d'inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique, se sont félicités de cette décision.
"Le tribunal a dit clairement que le gouvernement doit respecter ses propres objectifs climatiques", a déclaré Antje von Broock, porte-parole de BUND.
Programmes d'urgence
Dans le détail, les associations estimaient que le gouvernement n'avait pas mis en place des programmes d'urgence nécessaires ces dernières années pour réduire les émissions dans le bâtiment et le transport.
La législation allemande sur la protection du climat prévoit en effet un maximum d'émissions de CO2 autorisées pour chaque secteur.
Si ces plafonds sont dépassés, les ministères concernés doivent soumettre un programme d'urgence dans les trois mois pour réduire les volumes.
Dans le secteur des transports, les niveaux d'émission autorisés pour 2021 ont été par exemple dépassés de 3,1 millions de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre, ainsi que de 2,5 millions de tonnes dans le bâtiment.
Ces branches ont "dépassé les émissions annuelles autorisées dans le transport et la construction pour les années 2021 et 2022", ont confirmé jeudi les juges.
Les associations estimaient que les mesures mises en place par les ministères n'avaient "pas suffi". "Elles n'ont permis de combler que 5% de l'écart" entre les émissions réelles et le maximum autorisé par la loi, a déclaré à l'AFP Jürgen Resch, militant écologiste de la DUH.
Les associations demandent en conséquence la mise en place de mesures concrètes, comme une limitation de vitesse sur les autoroutes, dans un pays qui n'en dispose pas encore.
Le gouvernement estimait quant à lui avoir rempli ses obligations avec sa nouvelle loi climat, adopté en juin,contenant une multitudes de mesures, sur les pompes à chaleur et les éoliennes, en passant par l'expansion du réseau d'hydrogène.
Mais la Cour a estimé qu'un "programme d'urgence" doit contenir "des mesures efficaces à court terme" dans "le secteur concerné", et non un programme "multisectoriel et pluriannuel" comme la loi en question.
Désaveu
Cette décision est un sérieux désaveu pour le gouvernement d'Olaf Scholz, alors que le chancelier doit se rendre vendredi à la COP28 à Dubaï.
"Il est embarrassant et dommageable au niveau international qu'un jugement de justice soit nécessaire parce que le gouvernement allemand ne respecte pas" ses propres lois climatiques, a ainsi déclaré Stefanie Langkamp, porte-parole du réseau d'ONG allemandes Climate Alliance Germany.
D'autant que la coalition allemande est déjà aux prises avec une décision de la Cour constitutionnelle qui a annulé 60 milliards d'euros d'investissements, pour le climat en particulier, limitant d'autant plus sa marge de manoeuvre.
En 2021, la Cour Constitutionnelle avait déjà donné raison à des associations écologistes, jugeant la loi de protection du climat de 2019 insuffisante.
Ce jugement avait obligé le gouvernement, à l'époque dirigé par la conservatrice Angela Merkel, à adopter une loi climat plus ambitieuse.
L'Allemagne prévoit désormais de réduire de 65% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990, contre 55% auparavant, puis de 88% d'ici 2040, avec la volonté d'atteindre la neutralité carbone en 2045, cinq ans plus tôt que prévu. La coalition d'Olaf Scholz y a rajouté l'exigence d'atteindre 80% d'électricité renouvelable d'ici 2030.