L'hydrogène naturel : une ressource reconnue et un potentiel « pressenti »

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Exploitation d'hydrogène naturel

Site de forage d'hydrogène naturel dans le Kansas par Natural Hydrogen Energy (Photo courtesy of Viacheslav Zgonnik)

L'hydrogène naturel, également qualifié d'hydrogène « blanc » ou « natif », désigne le dihydrogène (H2) présent dans le sous-sol terrestre ou marin. 

L'Académie des technologies y a consacré une note, présentée ce 16 juillet, visant à « relever les points qui pourraient permettre de développer plus rapidement ce potentiel pressenti et de positionner notre industrie dans ce nouvel écosystème ».

D'où vient l'hydrogène naturel ?

Sur Terre, « on trouve essentiellement le dihydrogène (H2) sous forme combinée - à l’oxygène dans l’eau (H2O), au carbone (CH4, C2H6, etc.) - mais aussi directement sous forme gazeuse », soulignait déjà sur notre site en 2020 Isabelle Moretti, experte de l'hydrogène natif à l'Université de Pau.

L'Académie des technologies mentionne 3 principales réactions permettant la production de dihydrogène (communément qualifié d'hydrogène) dans le sous-sol :

  • la réduction de l’eau en présence de roches riches en fer (celui-ci s’oxyde) ;
     
  • la radiolyse par la radioactivité naturelle des roches qui casse la molécule d’eau ;
     
  • la maturation tardive de la matière organique, en particulier des charbons, libère aussi, au-dessus de 200°C, de l’hydrogène en profondeur, tout comme les processus industriels de gazéification du charbon.

Quel potentiel en France ?

Une reconnaissance comme ressource

La France a reconnu début 2022 l’hydrogène naturel comme une ressource dans le code minier(1) et les premiers permis d’exploration ont été déposés. « La géologie de certaines régions de France est propice à la présence de cette ressource », souligne l'Académie des technologies (notamment dans les Pyrénées où la présence d'hydrogène a été mise en évidence).

Ont été attribués à ce jour un permis hydrogène au sud d'Orthez dans les Pyrénées-Atlantiques à TBH2 Aquitaine et deux permis hélium (ces gaz sont parfois liés dans le sous-sol, l’hélium est beaucoup plus cher que l'hydrogène mais son marché en volume est plus restreint) à 45-8 Energy dans la Nièvre et le Doubs.

Plusieurs demandes de permis et projets de recherche sont par ailleurs en cours. 

« Les candidats aux permis d’exploration souhaitent un raccourcissement des délais d’obtention des permis exclusifs de recherche (PER) et une simplification des procédures actuelles qui imposent des demandes distinctes pour l’hydrogène et pour l’hélium, ces dernières étant traitées par deux guichets différents. Le délai de dix-huit mois est jugé trop long d’autant plus qu’il semble être dû à un manque de personnel. Les demandes de concession de production sont réputées encore plus lentes, pouvant aller jusqu’à trois ans. En comparaison, en Allemagne, les réponses pour l’hélium sont fournies en moins de trois mois », note entre autres l'Académie des technologies.

Une évaluation en cours

La Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a formulé une première demande d’état des lieux auprès de l’IFPEN pour une durée d’un an, avec un budget de 300 000 € alloué à cette mission.

Selon l'Académie des technologies, « quelques millions suffiraient pour faire une évaluation à grande échelle des zones prospectives. Par exemple, une somme équivalente aux 500 000 € investis en Nouvelle-Aquitaine pour chaque région permettrait de compléter les cartes et d’avancer significativement dans cette exploration ».

Financements

Les sociétés demandant des permis sont actuellement « pour la plupart de petites compagnies et elles n’ont pas une force de frappe suffisante, ni en personnel ni en fonds propres, pour commencer massivement les acquisitions une fois les permis octroyés ».

Le coût des puits à forer est toutefois « relativement bas (en comparaison de puits profonds en mer). Quelques dizaines de millions d’euros suffiraient à les aider à évaluer les zones prospectives ».

L'Académie des technologies appelle les banques comme la BPI à apporter un soutien à ces sociétés. « La labélisation au niveau de la Commission européenne de l’hydrogène naturel comme hydrogène décarboné est évidemment essentielle pour accéder à des subventions potentielles et pour faciliter la commercialisation en cas de découverte ».

Et ailleurs dans le monde ?

Des pays « historiquement plus à l’aise avec l’exploitation des richesses du sous-sol ont pris conscience du potentiel des ressources en hydrogène sur leur territoire et accélèrent le développement de cette nouvelle filière », en premier lieu les États-Unis et l'Australie (où deux premiers puits forés près de la ville d'Adélaïde en octobre et novembre 2023 ont en particulier permis une importante découverture d'hydrogène et d'hélium), indique l'Académie des technologies.

Mais c'est au Mali que de l'hydrogène naturel est extrait depuis près de 10 ans, dans des quantités modestes (1 400 m3 par jour) mais de façon continue, souligne Isabelle Moretti.

Hydrogène vert, blanc, gris... quelle différence ? 

« Par souci de clarification, il est courant d’attribuer une couleur symbolique à l’hydrogène en fonction de son mode de production », rappelle l'Académie des technologies. On distingue ainsi traditionnellement :

Mais « ces qualifications peuvent conduire à des ambiguïtés : par exemple l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau avec les caractéristiques du mix électrique mondial actuel émet plus de CO2 que celui produit par vapocraquage », souligne l'Académie des technologies.

La note mentionne également l’Advanced Research Project Agency-Energy (ARPA-E) aux États-Unis qui a dédié un budget de 20 millions de dollars essentiellement affecté à des projets de recherche sur la génération d’hydrogène par injection d’eau dans des roches riches en fer. Cet hydrogène non naturel est dit « orange ».

Comment est produit l'hydrogène actuellement ?

Actuellement, plus de 95% de l’hydrogène utilisé dans le monde est produit à partir des hydrocarbures et du charbon (vaporeformage du méthane, gazéification du charbon). 

L’hydrogène « bas carbone » ou « vert », généré par électrolyse de l’eau en utilisant de l'électricité provenant d’énergies renouvelables compte pour moins de 0,5% des volumes d'hydrogène consommés.

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