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Maisons détruites par un ouragan, cultures victimes de sécheresses, chaleur extrême difficile à supporter... Répondant à l'appel des ONG portant "l'Affaire du siècle", plus de 25 000 Français ont raconté leur vision personnelle des dérèglements climatiques.
Impact sur la vie quotidienne, l'emploi ou l'état psychologique, une centaine de ces témoignages écrits ont été joints au dossier judiciaire qui sera examiné pour la première fois jeudi par le tribunal administratif de Paris.
Une vie « bouleversée »
Début septembre 2017, l'ouragan Irma ravage les Caraïbes, dont l'île de Saint-Martin, où vit Magali, 49 ans. Alors en métropole, elle rentre quelques jours plus tard.
"L'état de sidération qui m'a saisie à mon arrivée m'a accompagnée, tous les jours, en tous lieux et en toutes circonstances, pendant des mois. Il m'est souvent arrivé de rester plantée dans les ruines de lieux auparavant fréquentés ou encore dans les ruines de ma maison, au milieu des gravats et de mes effets personnels déchiquetés, entassés dans un coin, mélangés à des effets personnels d'autres personnes inconnues et de me répéter que ce n'est pas possible, que ça n'existe pas dans les pays développés ce genre de choses".
Glaciers fragilisés
"Je suis guide de haute montagne, je vois au quotidien l'impact des changements climatiques", raconte Pol, 41 ans, dans l'Isère, qui s'inquiète pour ses "revenus, de plus en plus aléatoires".
"De nombreux éboulements rocheux et de glace se produisent en montagne au cours de l'été, avec une accélération évidente lors des premières fortes chaleurs. Les ponts de neige qui permettent d'évoluer sur glacier en sécurité se fragilisent. Les températures élevées, même la nuit, empêchent la neige de regeler. Cela rend la pratique de l'alpinisme et mon activité de guide de haute montagne de plus en plus risquée".
Lavande asséchée
"Depuis trois générations", la famille de Maurice, 73 ans, fait pousser de la lavande dans la Drôme.
"En 10 ans, mes revenus ont chuté de 44% à cause des sécheresses à répétition. Et la lavande qui s'assèche ne reviendra plus : nous ne perdons pas seulement notre travail mais nous perdons nos traditions et notre culture en Provence".
Angoisse et culpabilité
"Je frémis à l'idée d'imaginer l'avenir. C'est une pensée qui me stresse au quotidien. Je ressens une forte impression de rouleau compresseur que rien n'arrête et qui chaque année détériore un peu plus la nature autour de moi et le cycle des saisons", raconte Sidonie, 32 ans.
"J'ai un sentiment de culpabilité constant, sur ma consommation, sur mes choix de vie, mon contact avec mon entourage sur le sujet. J'étais prête à avoir un enfant, à l'élever et le faire grandir dans le respect de la nature, mais comment fermer les yeux sur ce qui se passe ? (...) Je suis tiraillée par mon envie réelle de fonder une famille et la conscience de la crise climatique dans laquelle nous sommes."
Degré d'alcool
"Avec les viticulteurs du Médoc, nous constatons un changement important dans l'arrivée à maturité des raisins depuis une vingtaine d'année, en particulier sur le cépage Merlot. Ceci conduit à une augmentation non maîtrisable du degré d'alcool des vins dans le Bordelais et pousse les producteurs à rechercher de nouveaux cépages plus adaptés à la hausse rapide des températures moyennes de la région", explique Francis, 73 ans.
Punition caniculaire
"Je vis les périodes de canicule comme une punition, cloîtrée derrière mes volets, avec des malaises quand je sors, et des angoisses. L'été est devenue la pire des saisons : inactivité, abandon du potager (même en permaculture), arbre tombé au sol, invasion de moustiques tigres, allergies solaires, aoûtats et tiques en campagne... La nature devient hostile", s'inquiète Sabine, 48 ans, dans le Tarn.
Foin « à prix d'or »
"Nous sommes paysans, éleveurs de vaches charolaises en agriculture biologique. Nous étions autonomes pour l'alimentation de nos bêtes, pâturage d'avril à décembre, puis foin l'hiver. Les sécheresses successives depuis 3 ans nous obligent à acheter de plus en plus de foin bio à prix d'or. L'avenir de la ferme devient plus qu'incertain. (...) Nous nous épuisons à lutter contre ce changement climatique... pas certains d'aller jusqu'au bout...", s'alarme Christine, 54 ans, en Saône-et-Loire.