Ingénieur en génie atomique et membre de PNC-France
La France et l’Allemagne qui s’opposent sur la place du nucléaire dans la production d’électricité se rejoignent pourtant sur l’obligation de recourir au charbon afin de faire face aux possibles pénuries qui menacent l’Europe ce prochain hiver. Et si l’on rangeait les couteaux dans les placards ?
Alors que la centrale à charbon de St-Avold en Moselle avait cessé sa production d’électricité le 31 mars dernier, le gouvernement vient de décider son redémarrage dès l’hiver prochain. Tant pis pour le climat, cette centrale contribuant au réchauffement climatique avec des émissions de près de 1 000 grammes de CO2 pour chaque kWh produit contre seulement 4 g de CO2 par kWh produit par les centrales nucléaire comme celle de Fessenheim arrêté prématurément il y a deux ans. Confronté aux conséquences de l’une des pires crises de l’énergie que le monde ait connue, c’est pourtant un premier geste de l’exécutif en direction d’une politique de l’énergie qui se veut pragmatique.
C’est la même situation en Allemagne, où l’on va massivement remettre en route des installations similaires. Mais aussi où, mangeant leurs chapeaux, nos amis d’outre-Rhin envisageraient enfin de reporter l’arrêt annoncé de leurs derniers réacteurs, l’essentiel étant bien d’éviter des coupures l’hiver prochain.
La situation actuelle démontre que la politique énergétique de ces dernières années ne permet pas de garantir la disponibilité d’une électricité répondant à tout moment à la demande et cela malgré une envolée de son prix. Alors qu’en France la filière nucléaire doit faire face à des problèmes de corrosion sur ses derniers réacteurs, la mise en œuvre d’un programme de construction de 6 à 14 réacteurs nucléaires permettrait de reconstituer des marges de production absolument nécessaires pour satisfaire aux besoins qui doubleront d’ici 2050. On attend maintenant que le gouvernement mette autant d’empressement à lancer concrètement ce programme, qu’il en met pour limiter les recours qui s’opposent à l’implantation des éoliennes.
En Europe, la dérive des prix du gaz et de l’électricité oblige la Commission européenne à réagir. Elle promet une « intervention d’urgence et une réforme structurelle du marché de l’électricité », dont le fonctionnement est très critiqué par une partie des États membres de l’UE face à l’envolée de ses prix. Alors que la rentrée se dessine sur fond de tension énergétique, que le compteur du réchauffement climatique s'emballe, ne serait-il pas temps de refonder la politique de l’énergie de l’Europe et de tout faire pour éviter le « chacun pour soi », synonyme de menace mortelle pour l’UE ? Ne serait-ce pas le moment de tenter une approche faisant la part belle à la solidarité entre les États, oubliant une démarche fondée sur la libre concurrence peu adaptée au marché de l’électricité comme on peut en faire le constat à l’occasion de cette crise hors normes ?
Ainsi, la Pologne avec son charbon, l’Allemagne avec ses éoliennes où les pays scandinaves aves leur panel d’énergies renouvelables pourraient rejoindre la France avec son nucléaire, les interconnexions rendant possible techniquement cette mise en commun de moyens de production. Resterait à trouver une nouvelle conception du marché de l’électricité européen.
Un rêve un peu fou mais aussi un projet qui, à défaut de constituer une solution miracle, mériterait d’être étudié par les éminents spécialistes qui vont avoir mission de se pencher sur ce grand corps malade en passe de sombrer.
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