Dune de sable dans le Sahara (©Pixabay-Konevi)
Les technologies envisagées pour réaliser le projet Desertec
Le projet consiste à connecter plusieurs grandes centrales solaires thermodynamiques au réseau de distribution d'électricité qui alimente l'Europe, mais aussi l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Dans un second temps, d'autres types d'énergies renouvelables seront probablement raccordées à ce réseau (ex : éolien, biomasse). Celui-ci pourra notamment être relié avec le réseau européen « Supergrid » d’éoliennes offshore.
Pour la production d’électricité
Plusieurs types de centrales thermodynamiques à concentration pourront être mises en place :
- des centrales à tour : positionnés au sol autour d’une tour, plusieurs centaines ou milliers de miroirs (héliostats) orientables réfléchissent les rayons du soleil au sommet de la tour. Le rayonnement solaire est directement concentré sur un absorbeur qui le transforme en chaleur à haute température ;
- des centrales à capteurs cylindro-paraboliques : de longs miroirs hémicylindriques alignés sur un axe horizontal tournent autour de celui-ci pour suivre la course du soleil. Les rayons solaires sont concentrés sur un tube dans lequel circule un fluide caloporteur servant à transporter la chaleur vers la turbine ;
- des centrales à miroirs de Fresnel : des miroirs plans dits « réflecteurs compacts linéaires » pivotent en suivant la course du soleil pour rediriger et concentrer en permanence les rayons solaires vers un tube absorbeur.
- des centrales paraboliques : centrales composées d’un moteur Stirling convertissant l’énergie solaire thermique en énergie mécanique et ensuite en électricité, le miroir parabolique réfléchit les rayons du soleil vers un point de convergence. Le rayonnement solaire est alors concentré sur le récepteur qui monte en température et en pression permettant ainsi au moteur de fonctionner.
Pour le transport de l'électricité
Un nouveau type de ligne à Haute Tension en Courant Continu (CCHT, ou HVDC pour High Voltage Direct Current) est envisagé pour le projet. Cette technologie de pointe devrait permettre de transporter les électrons sur de grandes distances avec beaucoup moins de pertes en ligne (3% pour 1 000 km), en comparaison avec les lignes classiques à courant alternatif, et presque sans pollution électromagnétique.
Pour le stockage d’électricité
Des solutions de stockage thermique permettront, à partir de sel de nitrates, de stocker la chaleur durant la nuit. Cette technique devrait assurer une production d’électricité en continu et une mise à disposition homogène.
Pour la production d’eau douce
Des usines de dessalement d’eau de mer seront alimentées par l’énergie solaire. Elles pourront fournir de l’eau douce à des régions soumises à un épuisement des réserves d’eau potable (ex : Yémen, bande de Gaza, etc).
Enjeux et ambition
Assurer la transition énergétique
Le projet Desertec peut être une des réponses à la nécessaire mutation énergétique mondiale, générée par trois facteurs majeurs :
- l’épuisement des ressources fossiles : Desertec s’implante dans une zone favorable au développement d’énergies alternatives au pétrole et au gaz ;
- la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre : pour les pays utilisant des centrales générant de fortes émissions, par exemples des centrales thermiques au charbon comme en Allemagne, le projet peut favoriser ou accompagner le déploiement à grande échelle d’énergies renouvelables ;
- la diversification des partenaires énergétiques : l’objectif est de pouvoir accroître l’indépendance des pays européens.
Coût
Le coût estimé par les études du Centre Aérospatial Allemand (CAA) pour la construction d’une centrale CSP de 250 MW avec un système de refroidissement par air serait d’environ 1 milliard d’euros.
Le coût de production du kWh thermosolaire saharien était estimé par les experts à environ 16 centimes d'euros en 2010. Pour une centrale à tour à cycle combiné de 12 MW, avec source chaude à 1000 K, il faut environ 43 MW d’énergie solaire, soit une surface d’environ 43 000 m2 de miroirs. A 1500 K, 28 000 m2 suffisent. Le rendement est estimé à 30%(3). Pour mesurer l’intérêt de ces productions rendues sur un marché de consommation et les comparer aux sources alternatives, il faudrait ajouter à ces dépenses le transport et les coûts des dispositifs de secours en cas d’interruption de production ou les coûts de stockage.
Selon un rapport du consortium Dii, les importations d'électricité renouvelable depuis la région MENA (« Middle East and North Africa») pourraient permettre à l'Europe d'économiser près de 33 milliards d’euros par an, soit 30 euros par MWh d’électricité importée(1).
Utiliser le potentiel énergétique du Sahara
Le projet Desertec repose sur le principe que l’ensoleillement de la surface totale des déserts sur la planète pourrait générer plus de 100 fois l'énergie utilisée dans le monde annuellement. A partir d’études satellites, le Centre aéronautique et spatial (DLR) a démontré qu’en équipant seulement 0,3% des 40 millions de km2 de déserts de la planète en centrales thermiques, les besoins électriques de la planète, sur la base de 2009 (environ 18 000 TWh/an) pourraient être couverts.
Pour cela, les partenaires du projet doivent surmonter plusieurs difficultés :
- trouver des sites sans dunes et assez proches de la mer et des futurs nœuds du réseau électrique ;
- construire un réseau électrique sûr et suffisamment interconnecté ;
- tester et entretenir des installations qui seront soumises à des tempêtes de sable et à des chocs thermiques importants ;
- veiller à étudier et régler ou compenser les impacts environnementaux en termes de consommation d'eau notamment.
Optimiser les ressources
Si le contexte géographique est favorable, le développement industriel et technologique du projet doit prendre en considération les impacts économique et environnemental pour les minimiser.
- Les centrales solaires thermodynamiques consomment de l’eau douce dans le processus de génération de vapeur destiné à actionner les turbines. L’eau est une denrée rare dans ces régions arides.
- Les nitrates de sels fondus, utilisés pour le stockage de la chaleur accumulée en journée, sont issus de la chimie lourde et leur production nécessite une quantité non négligeable d’énergie. De plus, ils sont souvent produits et mis en œuvre dans des installations classés SEVESO et sont donc considérés comme dangereux.
- L’énergie solaire est actuellement plus coûteuse que d'autres énergies comme l’éolien ou le nucléaire.
Acteurs participant au projet
Les membres fondateurs et principaux actionnaires de la société Desertec sont :
- La TREC (Transmediterranean Renewable Energy Cooperation) ;
- la Fondation Desertec Industrial Initiative ;
- 12 sociétés : ABB, ALBENGOA Solar, Cevital, Deutsche Bank, E.ON, HSH Nordbank, MAN Solar Millenium, Munich Re, M+W Zander, RWE, SCHOTT Solar et SIEMENS.
D’autres sociétés ont rejoint le projet en 2010 : Saint Gobain, Enel, Red Electrica, le marocain Nareva Holding, 3M Deutschland, Bilfinger Berger, Commerzbank, Evonik Industries, First Solar, FLABEG, IBM Deutschland, KAEFER Isoliertechnik, Lahmeyer International, Morgan Stanley Bank AG, Nur Energie, OMV, SchoellerRenewables, les italiens Italien et TERNA ENERGY.
D’un point de vue politique, le Plan Solaire Méditerranéen (PSM) développé par l’Union pour la Méditerranée pourrait créer le cadre nécessaire au développement du concept Desertec en EU-MENA (EUrope, Middle East, North Africa). A ce jour, les grands axes d’une politique de coopération énergétique entre les pays membres de l’Union Pour la Méditerranée (UPM) ont été définis.
Histoire : aux origines d'un projet ne s'étant jamais concrétisé
La TREC (Transmediterranean Renewable Energy Cooperation) a été créée en 2003 sur une initiative du Club de Rome, groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux. La TREC, en coopération avec le Centre aérospatial allemand (DLR), a développé le concept Desertec et réalisé les recherches nécessaires entre 2003 et 2007. Ces études ont notamment porté sur la sécurité de l’énergie, de l’eau et du climat en EU-MENA (EUrope, Middle East, North Africa) en vue d’une coopération entre les pays de la « ceinture solaire » et de la « ceinture technologique ».
Un projet méditerranéen
Le protocole d'accord du projet Desertec a été signé par douze sociétés basées en Europe, au Proche-Orient et en Afrique du Nord le 13 juillet 2009 à Munich. Il a abouti à la création d’un bureau d’études, Desertec industrial initiative (Dii), qui a pour objectif l’élaboration de plans d’exploitation concrets et les projets de financement associés.
Ce graphique souligne l’évolution envisagée des centrales à concentration solaire d'ici à 2050 sur tout le Sahara africain et du Moyen-Orient (source: www.desertec.org).
La Tunisie, représentée par la STEG (Société Tunisienne d’Electricité et de Gaz), et la fondation Desertec, représentée par Dii, ont signé le 4 novembre 2010 un mémorandum d’entente pour une étude de préfaisabilité d'un projet de production de 500 mégawatts d'électricité verte. Ces 500 mégawatts (MW) se divisent comme suit :
- 250 MW en solaire concentré ;
- 125 MW en photovoltaïque ;
- 125 MW en éolien.
En juillet 2013, la fondation Desertec s'est retirée du consortium Dii, suite à des conflits internes, notamment en matière d'objectifs stratégiques et de communication(2).
Défis rencontrés
Le projet Desertec, dont les coûts sont estimés en centaines de milliards d’euros, peut faire l’objet de critiques pour son ambition démesurée mais aussi pour son caractère presque exclusivement germanique. D’autres projets sont parallèlement à l’étude.
Mis en oeuvre à partir de 2009, le projet Desertec pâtit depuis de la crise économique ainsi que des soubresauts liés au Printemps arabe, ce qui rend ses avancées peu visibles.
Par exemple, le projet Transgreen (également appelé Medgrid) propose une alternative rassemblant un panel de partenaires de pays d’Europe et d’Afrique du Nord (ex : Areva, Veolia, Abengoa, One, Taqa Arabia, Siemens.).
Il y a également eu une longue phase de négociations politiques et commerciales.
Moins ambitieux, il envisage d’utiliser le câble sous marin existant reliant le Maroc au détroit de Gibraltar en vue de transporter de l’électricité produite à partir de fermes solaires et éoliennes situées près des côtes. Son coût estimé à 5 milliards d’euros lui confère un caractère plus réaliste qui pourrait faire de Transgreen une alternative ou un complément au projet Desertec dans les années à venir.
En août 2020, Arkab a exprimé son opinion selon laquelle le projet Desertec était "dépassé", en raison de "gros investissements" nécessaires, préconisant plutôt l'installation de "petites centrales solaires". Il n'est toujours pas démarré et ne verra probablement jamais le jour.
Le projet Desertec était un concept visant à utiliser la puissance et la fréquence de l’ensoleillement du Sahara afin de produire de l’électricité et de la distribuer, principalement vers les pays européens.
Ce projet avait pour objectif d’assurer la diversification des approvisionnements énergétiques européens à partir d’énergies renouvelables. Il ambitionne de couvrir près de 17% des besoins en électricité de l'Europe à partir de 2050.
Il était porté par la Fondation Desertec et soutenu, entre autres, par une vingtaine d’entreprises allemandes.
En août 2020, le ministre de l'Énergie algérien M. Arkab a déclaré que le projet Desertec était obsolète, arguant qu'il exigeait d'importants investissements et qu'il serait plus bénéfique pour le pays d'investir dans de petites centrales solaires.