Le merit order est un principe d'optimisation utilisé par les réseaux d'électricité pour déterminer l'ordre dans lequel les différentes sources d'énergie sont sollicitées pour répondre à la demande.
Principes et définition
L’électricité ne se stockant pas à grande échelle, un parc électrique donné est plus ou moins sollicité en fonction de la demande.
La logique dite de « merit order » (préséance économique) consiste à faire appel aux différentes unités de production électriques, au fur et à mesure, en fonction de leurs coûts marginaux croissants. Le coût marginal est le coût supplémentaire induit par la dernière unité produite.
Sur le réseau européen, le coût marginal – « coût variable auquel l’électricité est produite (essentiellement le coût du combustible) » – des filières à production intermittente (éolien, photovoltaïque) est considéré comme nul et l'électricité produite par ces dernières est injectée en priorité sur le réseau. Leur pénétration dans le réseau a tendance à faire baisser les prix de gros, ce qui a conduit à développer un mécanisme de capacité pour rémunérer les centrales pilotables maintenues à disposition, mais moins fréquemment appelées.
Priorité à l'électricité fatale
Suivant cette logique :
- les premières unités de production appelées sont celles produisant l’électricité dite « fatale », c'est-à-dire l’électricité « perdue » si elle n’est pas utilisée à un instant donné : l'hydraulique au fil de l’eau, l'éolien et le solaire).
- Les centrales nucléaires, aux coûts marginaux faibles, sont ensuite appelées ;
- Avant les centrales thermiques (à charbon, à gaz, voire au fioul) qui produisent de l’électricité aux pics de consommation ;
- Enfin, les barrages hydrauliques dits « de retenue » qui stockent de l’eau, offrent une capacité de production électrique de réserve.
Il est d’autre part possible d’importer de l’électricité lorsque cela s’avère moins coûteux.
Facteurs d'impact
La logique de merit order :
- ne prend en compte que les coûts variables (essentiellement les coûts de fonctionnement et du combustible) ;
- intègre en permanence les retraits de capacité (ex : arrêt d’une centrale pour maintenance) ;
- est impactée par la politique énergétique nationale (ex : subventions à une source d’énergie).
Notons que l’ordre d’appel des unités de production varie également si leurs émissions de CO2 sont prises en considération (coût variable supplémentaire).
Faut-il revoir le mécanisme du merit order ?
Avec la libéralisation du secteur de l’électricité dans l'UE(1), la Commission européenne a fait de la promotion de la concurrence « un leitmotiv », estimant que celle-ci serait profitable au consommateur final. Mais le « téléscopage entre la recherche de la concurrence et celle de la promotion des EnR » (via des tarifs d’achat garantis) a engendré des dysfonctionnements sur le marché de gros(2), explique Jacques Percebois(3).
Dans l’étude ci-après publiée en novembre 2019 par le Centre Énergie-climat de l’Ifri, Jacques Percebois expose 3 grands défis auxquels est en particulier confronté le secteur européen de l’électricité : revoir le mécanisme du mérit order, anticiper l’impact du développement à grande échelle des technologies du numérique et arbitrer l’articulation entre micro-réseaux et méga-réseaux, en modifiant notamment en France la tarification d’accès aux réseaux (TURPE).
Pour « redonner un sens à la courbe du merit order », Jacques Percebois présente différentes solutions, la « bonne » consistant à intégrer dans le coût marginal des externalités négatives : coût de stockage-déstockage pour les filières renouvelables à production intermittente, prix du carbone pour les filières carbonées, coût de la gestion des déchets pour le nucléaire.
En intégrant différentes externalités négatives, Jacques Percebois montre que l'ordre du merit order est modifié entre les différentes filières. (©Connaissance des Énergies, d’après travaux de Percebois-Pommeret)