Centrale solaire de l’Oncopole (15 MWc) à Toulouse. (©Urbasolar)
Après un démarrage lent et un retard par rapport aux grandes nations occidentales, la France investit désormais massivement dans le solaire, bénéficiant d'une baisse continue des prix des panneaux photovoltaïques, en partie due aux investissements importants réalisés par d'autres pays au cours des dernières années.
Cette baisse des coûts, combinée à des politiques incitatives et à des objectifs ambitieux en matière d'énergie renouvelable, permet à la France de rattraper son retard et de renforcer sa transition énergétique vers des sources d'énergie plus durables et moins polluantes.
Le déploiement de l'énergie solaire s'est accéléré en 2023 en France, avec 3,125 gigawatts de nouvelles capacités installées via plus de 200 000 installations, soit 30% de plus que l'année précédente. La filière table sur plus de 4 GW en 2024, le secteur ayant déjà 8 à 9 GW de projets dotés de permis.
A l'origine de ces chiffres, le succès de l'autoconsommation auprès des particuliers, mais aussi des commerces ou de l'industrie.
Au 30 juin 2023, 224 opérateurs collectifs locaux étaient recensés dans le pays, l'accélération du rythme de progression revenant surtout aux collectivités locales qui portent 60% des projets. Ces chiffres sont toutefois loin de combler le retard français en matière photovoltaïque, notamment en ce qui concerne les grandes installations de champs solaires.
Production solaire en France
La production d'électricité d'origine solaire photovoltaïque s'est élevée à 23,26 TWh en 2023, représente 4,52% de la production électrique française sur l'année.
Source : RTE - Graphique : Selectra
La production photovoltaïque française a plus que doublé en cinq ans.
Production d'électricité solaire en France (en GWh) - source RTE
Année | Production | Part du solaire |
---|---|---|
1999 | 0,00 TWh | 0 % |
2000 | 0,01 TWh | 0,001 % |
2001 | 0,01 TWh | 0,001 % |
2002 | 0,01 TWh | 0,001 % |
2003 | 0,01 TWh | 0,001 % |
2004 | 0,01 TWh | 0,001 % |
2005 | 0,01 TWh | 0,001 % |
2006 | 0,01 TWh | 0,001 % |
2007 | 0,02 TWh | 0,003 % |
2008 | 0,04 TWh | 0,007 % |
2009 | 0,17 TWh | 0,032 % |
2010 | 0,62 TWh | 0,11 % |
2011 | 2,33 TWh | 0,41 % |
2012 | 4,43 TWh | 0,78 % |
2013 | 5,19 TWh | 0,89 % |
2014 | 6,39 TWh | 1,13 % |
2015 | 7,75 TWh | 1,35 % |
2016 | 8,66 TWh | 1,55 % |
2017 | 9,59 TWh | 1,72 % |
2018 | 10,81 TWh | 1,88 % |
2019 | 12,18 TWh | 2,15 % |
2020 | 13,20 TWh | 2,50 % |
2021 | 15,37 TWh | 2,79 % |
2022 | 19,64 TWh | 4,18 % |
2023 | 23,26 TWh | 4,52 % |
Capacités de production solaire en France
La France avait un parc solaire de 20,6 GW en 2023, et a ajouté 3,2 GW de capacités supplémentaires par rapport à l'année précédente, après une hausse de 2,7 GW en 2022.
C'est l'équivalent de la production d'un à deux réacteurs EPR.
Année | Capacité |
---|---|
2000 | 0,01 GW |
2001 | 0,01 GW |
2002 | 0,01 GW |
2003 | 0,01 GW |
2004 | 0,01 GW |
2005 | 0,01 GW |
2006 | 0,02 GW |
2007 | 0,03 GW |
2008 | 0,08 GW |
2009 | 0,28 GW |
2010 | 1,04 GW |
2011 | 3,00 GW |
2012 | 4,36 GW |
2013 | 5,28 GW |
2014 | 6,03 GW |
2015 | 7,14 GW |
2016 | 7,70 GW |
2017 | 8,61 GW |
2018 | 9,67 GW |
2019 | 10,82 GW |
2020 | 12,06 GW |
2021 | 14,82 GW |
2022 | 17,42 GW |
Les centrales photovoltaïques de plus de 1 MW comptent pour près de la moitié des capacités solaires photovoltaïques raccordées aux réseaux de RTE et Enedis à fin juin 2020. (©Connaissance des Énergies, d'après France Territoire Solaire.
Ces capacités sont réparties de façon inégale sur le territoire : sans surprise, le parc photovoltaïque métropolitain s'est principalement développé dans la partie sud de la France. Quatre grandes régions possèdent une capacité photovoltaïque installée bien supérieure aux autres régions françaises (à fin septembre 2020) :
- Nouvelle-Aquitaine avec 2 705 MW de capacités photovoltaïques installées à fin septembre 2020 (et une production annuelle de 3 428 GWh d'octobre 2019 à fin septembre 2020) ;
- Occitanie avec 2 132 MW installés (2 701 GWh) ;
- Provence-Alpes-Côte d’Azur avec 1 422 MW installés (1 966 GWh) ;
- Auvergne-Rhône-Alpes avec 1 161 MW installés (1 372 GWh).
Ces quatre régions bénéficient du taux d’ensoleillement annuel le plus important en France : au-dessus de 2 500 heures par an, contre près de 1 500 heures en Haute-Normandie(1). Les performances des panneaux photovoltaïques dépendent principalement de la luminosité (de la lumière nous parvient de façon directe mais également de façon diffuse lorsque le ciel est nuageux). Rappelons ici que ce ne sont donc théoriquement pas les régions les plus « chaudes » mais les plus « lumineuses » qui présentent le plus grand potentiel photovoltaïque : les performances des panneaux photovoltaïques baissent lorsque les températures deviennent élevées.
D'octobre 2019 à fin septembre 2020, le solaire photovoltaïque a produit 12,9 TWh en France métropolitaine. (©Connaissance des Énergies)
Développement et objectifs
Dans les années 2010, le photovoltaïque avait dû encaisser le recul du soutien de l'Etat français. "Le gouvernement a estimé que le solaire coûtait trop cher", décrit Enerplan. La bulle avait attiré des acteurs peu scrupuleux, les déboires techniques étaient nombreux...
In fine, "le marché a été totalement cassé, pour ne reprendre que dans les années 2020", avec le Covid, les préoccupations climatiques, géopolitiques et énergétiques, qui nourrissent un besoin d'autonomie.
Retards et lenteurs
"La progression actuelle n'est pas en phase avec le rythme demandé par la programmation pluriannuelle de l'énergie" sur la période 2019-2023, soulignent la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et l'Ademe.
« Le développement d’un projet de centrale solaire au sol requiert aujourd’hui une durée de 4 ans en France, contre à peine plus d’un an en Allemagne », explique France Territoire Solaire. Pour le think tank, la cause est « bien identifiée : la lourdeur des procédures administratives et un goulot d’étranglement au niveau de l’instruction », ce qui renchérit le coût des projets solaires et peut « constituer un obstacle dissuasif pour les acteurs privés qui entreprennent » d’en développer.
Le solaire est soumis à trois Codes - de l'environnement, de l'énergie, de l'urbanisme - qui peuvent se contredire entre eux et il y a de telles couches d'obligations que cela aboutit à des blocages.
La publication de France Territoire Solaire rappelle les différentes étapes (et coûts associés) que doit suivre une centrale solaire au sol pour obtenir un permis de construire « soumis à étude d’impact environnemental et enquête publique ». Les différentes autorisations et procédures dont il peut faire l’objet sont détaillées : « mise en compatibilité des documents d’urbanisme (PLU notamment), autorisation de défrichement, Loi sur l’Eau, dérogation à la protection des espèces protégées (avec avis du Conseil National de Protection de la Nature - CNPN, ou du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel - CSRPN), arrêtés ICPE pour un grand nombre de sites dégradés, etc. »
Souhaitant éviter tout « choc de simplification inapplicable en pratique », France Territoire Solaire présente différentes recommandations concrètes pouvant être mises en œuvre rapidement, entre autres :
- faire évoluer la qualification des centrales solaires, « en les considérant par principe comme ne relevant pas de l’artificialisation ou de l’urbanisation, mais plutôt comme relevant de l’intérêt général » ;
- clarifier les échelons décisionnels (« qui doit décider ? ») au sein des services instructeurs ;
- mettre en place « un système d’instructeur unique par typologie de projet ou par localisation (ou segmentation) afin de gagner en efficacité dans l’instruction et d’assurer une meilleure cohérence entre les avis ».
Il est rappelé qu’en France, « la variable d’ajustement la plus importante reste les volets urbanisme et environnement tandis dans les autres pays européens la majeure partie du processus de développement du projet est consacrée aux enjeux d’acquisition de terrains et d’obtention de l’accès au réseau électrique ».
En Allemagne, les projets solaires bénéficient en particulier d’une procédure « plus intégrée qui ne démultiplie pas les contraintes et les interactions avec différents niveaux de gouvernance ». France Territoire Solaire note tout de même une éclaircie au milieu du « parcours du combattant » des porteurs de projets en France, par rapport aux pays voisins : « l’absence de contraintes d’enregistrement lourdes qui impactent le processus de développement, au contraire de l’Italie et de l’Espagne ».
Il demeure des contraintes spatiale et d'acceptabilité des nouveaux projets par la population. Parmi les endroits visés pour installer des centrales solaires en France figurent les bords d'autoroute, les bords de voies ferrées, les friches, les anciennes carrières, anciennes mines, les zones de déchets enfouis, autour des aéroports, sur les parkings et les toits... soient des milliers de mètres carrés disponibles, tout en préservant la beauté des paysages. L'agrovoltaïsme" - l'installation de panneaux solaires sur des terres agricoles - représente aussi un potentiel très important de complément de revenus pour les agriculteurs
Une ambition grandissante
La loi d'accélération des énergies renouvelables votée en mars 2023 fixait le cap à plus de 100 gigawatts (GW) d'énergie solaire à l'horizon 2050, cinq fois plus qu'aujourd'hui.
En novembre 2023, le gouvernement avait avancé à 2035 cet objectif de parvenir à 100 GW de production solaire.
La France a ensuite lancé un "plan de bataille" en avril 2024 pour doubler le rythme de déploiement des capacités d'énergie solaire sur son territoire d'ici 2030 et soutenir la production de panneaux solaires made in Europe face à l'ultra-domination industrielle de la Chine.
Pour accélérer, la profession propose de se concentrer d'abord sur les terrains dégradés, avec une simplification de la procédure d'instruction pour ces sites aujourd'hui soumis aux mêmes contraintes administratives que les sites naturels sensibles.
Avec les prix de l'électricité qui s'envolent, le marché européen n'a jamais été aussi porteur.
Production française de panneaux solaires
La fabrication de panneaux en France est le chaînon manquant de la filière solaire photovoltaïque. La capacité actuelle de fabrication en France est limitée à quelques centaines de megawatts, bien loin des besoins d'installation qui se sont élevés à 3,2 GW en 2023.
En France comme en Europe, les usines ont été laminées par une intense concurrence internationale, aujourd'hui chinoise, demain peut-être américaine avec l'Inflation Reduction Act.
La Chine réalise déjà 95% des panneaux photovoltaïques distribués en Europe. L'Asie, en général, réalise aussi la majeure partie de la première étape de fabrication des panneaux solaires, à savoir la production dans des fours très chauds du cristal de silicium qui, une fois épuré et découpé en fines tranches, donne naissance à des cellules capables de transformer des photons provenant de la lumière en électrons.
La dernière étape de fabrication, l'assemblage du module dans lequel les cellules sont protégées par des couches de colles liquides, un verre de face et un cadre aluminium, est encore effectuée sur le sol européen.
Les fabricants européens préviennent que "si les législateurs restent sur la position d'avoir un marché totalement ouvert, à l'inverse de ce que font les Etats-Unis, on restera sur le schéma d'aujourd'hui, avec des fabricants européens qui seront doublés sur les gros volumes par des fabricants plus attractifs en terme de prix".
Pour inverser cette tendance, le gouvernement a proposé un pacte solaire, avec comme objectif de produire 40% des panneaux photovoltaïques en France d'ici 2030. En échange d'achats en France, l'Etat s'engage à soutenir massivement le développement du solaire en France en renforçant dans les appels d'offres les critères sur le "contenu carbone" des panneaux - un panneau produit localement sera ainsi mieux noté.
Le projet est d'autant plus important que le pays attend l'installation d'ici fin 2025 de deux giga-usines de panneaux solaires : Carbon à Fos-sur-mer et HoloSolis à Sarreguemines. Ces deux usines vont permettre de produire 15 gigawatts (GW) de panneaux solaire.
Pour le président d'Enerplan Daniel Bour, "la crise a surenchéri le coût du transport, s'installer en Europe devient rentable. La Chine a inondé le marché car elle disposait d'un grand marché intérieur. Si ici il y a plus de volume, tout naturellement les industriels viendront".
Boom de l'autoconsommation solaire
Les canicules estivales à répétition et la flambée des prix de l'électricité l'hiver 2022 ont conduit les Français à installer de plus en plus de panneaux solaires sur leurs toits pour la consommer : le nombre d'installations en autoconsommation individuelle a plus que doublé entre 2021 et 2023.
Avec l'autoconsommation, on achète de la production sur une longue durée, avec une garantie de 25 ans, un rachat du surplus pendant 20 ans, peu de frais de maintenance.
Au total, au 30 juin 2023, la France comptait 325 939 autoconsommateurs d'électricité individuels, soit une progression de 77% par rapport à mi-2022, et un nombre d'installations particulières plus que doublé par rapport à celui de la mi-2021 (121 346). En termes de puissance installée, la progression est de 88% sur un an, à 1 629 MW au 30 juin, indique Enedis, contre 868 MW au 30 juin 2022 et 535 MW au 30 juin 2021.
Source : Enedis - Graphique : Selectra
Sur 842 000 producteurs d'énergies renouvelables en France, 437 000 sont aujourd'hui des particuliers et petits professionnels autoconsommateurs équipés de panneaux de moins de 36 kilovoltampères (kVA), selon Enedis. C'est près de deux fois plus qu'à la fin 2022, quatre fois plus qu'à la fin 2020. Mais cela représente seulement environ 1% des foyers français.
Quatre départements du sud du pays se distinguent, avec des puissances installées supérieures à 50 mégawatts : Haute-Garonne, Hérault, Bouches-du-Rhône et Isère, indique l'Observatoire français de la transition écologique, relayé par Enedis, le réseau de distribution de l'électricité aux particuliers. Mais des départements industriels comme le Nord, la Loire-Atlantique ou le Rhône sont aussi en forte progression avec des puissances installées comprises entre 36 MW et 47 MW chacun.
L'autoconsommation collective, pour un partage d'électricité local entre un ou plusieurs producteurs au niveau d'un immeuble, d'une copropriété, d'un quartier ou d'une zone industrielle par exemple, se développe aussi : en 2018, la France comptabilisait six opérations de ce type, elles sont 305 fin 2023 (+220% par rapport à 2022), dont 181 portées par des collectivités, 43 par des bailleurs HLM.
Les chiffres du solaire thermique en France
La décarbonation n’est pas soluble dans la seule électrification. Pour rappel, les différents usages de la chaleur (chauffage, eau chaude sanitaire, procédés industriels, etc.) comptent en France pour près de 45% de la consommation finale d’énergie. Et les énergies renouvelables et de récupération ne comptaient encore que pour 22,3% de la consommation finale de chaleur en France en 2021.
La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 fixe pour objectif de porter cette part à 38% à l'horizon 2030.
Plus de 100 000 m2 de nouveaux capteurs solaires thermiques installés en 2022.
Le bois énergie occupe actuellement une place centrale au sein de la chaleur renouvelable (63% de la consommation primaire d’énergies renouvelables pour usage de chaleur corrigée des variations climatiques en 2021), devant les pompes à chaleur (23%) et loin devant les autres filières (gaz renouvelables, géothermie, etc.). Parmi ces dernières, la solaire thermique a fourni 1,27 TWh de chaleur renouvelable en France en 2021 (à l'origine de 0,8% de la chaleur renouvelable et donc de près de 0,2% de la chaleur consommée en France en 2021).
En 2022, près de 106 175 m2 de capteurs solaires thermiques ont été installés en France métropolitaine, pour une puissance cumulée de près de 74,3 MW. La dynamique est « très forte dans le résidentiel individuel avec l’effet de Ma Prime Rénov : + 113% pour les chauffe-eaux solaires ; + 171% pour les systèmes solaires combinés », souligne Enerplan, le syndicat des professionnels de l’énergie solaire, qui attend toutefois « un changement de braquet dans le soutien à la filière » pour atteindre l’objectif de 6 TWh de chaleur solaire à l'horizon 2030 fixé par la PPE.
Selon Richard Loyen, délégué général d’Enerplan, « la chaleur solaire devrait représenter 2% de la chaleur renouvelable en 2030, soit plus de 1% de la chaleur consommée en France ». La filière envisage de multiplier par 10 le rythme d'installation de capteurs solaires thermiques en France d'ici 2027 (> 1 million m² installés cette année-là) et par 30 à l'horizon 2035 (> 3 millions m²).