De nouvelles techniques alternatives à la fracturation hydraulique apparaissent sans qu'aucune ne la supplante à ce jour. (©photo)
Interdiction de la fracturation hydraulique
La fracturation hydraulique à l’eau est la technique la plus répandue de fracturation de formations géologiques à faible perméabilité. Consistant à injecter à haute pression un fluide composé majoritairement d’eau dans des couches rocheuses, elle permet entre autres d’extraire des hydrocarbures dits non conventionnels comme les gaz et les pétroles de schiste.
Interdite en France par la loi du 13 juillet 2011, cette technique suscite de nombreux débats et la pertinence de recourir à des techniques alternatives se pose. Par ailleurs, la notion même de fracturation hydraulique n’est pas précisément définie puisque, d’une analyse à l’autre, elle peut ou non inclure des technologies de fracturation utilisant des fluides autres que l’eau.
Notons que cette analyse sémantique a des implications importantes :
- soit on considère la fracturation hydraulique (H2O) dans un sens restrictif, auquel cas la fracturation au propane ne serait pas interdite par la loi de juillet 2011, qui est restée vague sur ce point ;
- soit on considère la fracturation hydraulique de façon plus large dès qu'on injecte un fluide sous pression.
Nous qualifierons ici par la suite de fracturation hydraulique la seule technique ayant recours à l’eau comme fluide principal.
En tout état de cause, en dehors de cette technique, plusieurs procédés sont actuellement à l’étude dans le monde avec des degrés de maturité technologique différents. Les principaux d’entre eux sont traités dans cette fiche.
Techniques de fracturation alternatives utilisant un fluide autre que l’eau
Parmi les techniques alternatives à la fracturation hydraulique, on peut distinguer celles ayant recours à l’injection d’un fluide des autres procédés.
Le choix d’un fluide pour les techniques de fracturation implique de faire un compromis entre de nombreux paramètres de natures différentes. En effet, un tel fluide doit être :
- peu compressible afin d’éviter la consommation d’énergie qui serait nécessaire à une compression. Cela exclut de fait quasiment tous les fluides sous forme gazeuse(1) ;
- peu visqueux afin de pouvoir pénétrer dans les interstices de la roche de manière à la fracturer ;
- écologiquement acceptable ;
- non inflammable ;
- peu cher.
Le fluide « parfait » pour ce type d’application n’existe probablement pas mais différentes solutions présentant toutes des avantages et des inconvénients sont testées.
La fracturation au propane liquide
Des fracturations ont été réalisées depuis 50 ans par l’industrie en utilisant du propane liquide mêlé à un agent gélifiant. Le propane est injecté sous pression, à l’état liquide, en profondeur (à pression atmosphérique, il ne devient liquide qu’en dessous de -42°C). Sous le double effet de la température en hausse et de la pression en baisse, il remonte à l’état gazeux après avoir fracturé la roche.
Le propane liquide a le gros avantage d’être très peu visqueux, ce qui permet de l’utiliser sans les nombreux additifs propres à la fracturation hydraulique. Le fluide est uniquement mélangé à un « agent de soutènement » (proppant en anglais), généralement du sable ou des billes de céramique, qui maintient ouvertes les fissures provoquées dans la roche. Le gel permet de maintenir en suspension cet agent de soutènement, à le transporter dans les fissures les plus éloignées et à l’y maintenir. Cette technique de fracturation est la plus courante après la fracturation hydraulique.
La fraction récupérable de fluide est beaucoup plus importante avec le propane qu’avec l’eau : de l’ordre de 95% dans le cas du propane contre 30% à 80% dans le cas de l’eau. Le principal inconvénient de cette technique est le caractère très inflammable du propane qui rendrait les conséquences d’une fuite en surface (en présence de l’oxygène de l’air) très problématiques. Ce type de procédé nécessite donc des précautions particulières afin d’assurer la sécurité des biens et des personnes.
La société américaine ecorpStim a réalisé fin 2012 une expérimentation d’une technique de fracturation au propane liquide « pur » sans gélifiant ni aucun autre additif autre que l’agent de soutènement. Par ailleurs, les principaux opérateurs de cette technique travaillent actuellement sur un fluide à base de propane qui soit non-inflammable.
Or "le principe reste toujours la fracturation de la roche-mère. L'eau est remplacée par de l'heptafluoropropane, une molécule dont le potentiel de réchauffement climatique est 3 000 fois celui du CO2", précisait le ministère de l'Écologie français en 2013 pour lequel "en cas de fuite, l'effet sur le climat serait catastrophique". Et d'ajouter que "contrairement à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels, il est toujours nécessaire de multiplier les forages et les stimulations pour exploiter les gaz et les pétroles de schiste, ce qui augmente le risque de pollution du sous-sol et des nappes phréatiques, au cours de la phase d'exploitation".
Les autres fluides de fracturation
De nombreux autres fluides ont été envisagés pour procéder à des fracturations. A ce stade, aucun n’est parvenu à un niveau véritablement industriel. Citons :
- le méthanol et le diesel qui permettent d’éviter l’utilisation d’eau et qui nécessitent un faible nombre d’additifs. Ils présentent cependant des risques environnementaux tant en surface (déversement, explosion, etc.) que sous terre (contamination en cas de problème d’étanchéité du puits) ;
- le CO2, à l’état liquide ou idéalement en phase supercritique (état intermédiaire entre liquide et gaz, à des fortes conditions de pression et de température). Il est peu visqueux (10 fois moins que l’eau à l’état liquide) mais présente des inconvénients tant physico-chimiques (stabilité en température, réactivité avec certains produits présents naturellement dans le sous-sol) qu’économiques (coût). Le concept est cependant intéressant, d’autant qu’il permet de séquestrer une fraction du CO2 injecté. Des expérimentations ont été menées ;
- l’azote qu’il est possible d’extraire de l’air a également déjà été utilisé à l’état liquide mais a montré certaines limites en termes opérationnels (restriction de profondeur, emploi d’agent de soutènement impossible, etc.) et économiques ;
- l’hélium qui, injecté à l’état liquide à très faible température dans le sous-sol, s’y réchauffe et s’y détend puis remonte à l’état gazeux (comme le propane). La maturité technologique de cette technique est encore faible et le coût probablement extrêmement élevé ;
- la mousse (émulsion stable entre de l’eau et un gaz, CO2 ou azote) qui permet de réduire la quantité d’eau injectée et d’améliorer le transport du proppant. Cette technique nécessite toutefois des infrastructures importantes et l’usage de CO2 entraînant des émissions si celui-ci n’est pas capté en surface.
Autres techniques de fracturation
D’autres expérimentations de fracturation sont réalisées en exploitant une onde de choc ou un très fort chauffage de la roche.
- La fracturation par arc électrique (ou fracturation « hydroélectrique ») : cette technique consiste à générer des arcs électriques entre deux électrodes sous très haute tension positionnées dans un fluide (par exemple de l’eau) au fonds du puits. Ces arcs électriques génèrent des ondes de choc qui se propagent dans le fluide, puis dans la roche en la fragmentant. Comme cette onde de choc diverge à partir de l’arc, l’énergie se propage sur une distance limitée et la fracturation est nécessairement localisée. A proximité du puits et donc de l’arc, elle peut cependant être plus puissante que les technologies hydrauliques plus classiques. Par ailleurs, il est possible de répéter l’opération plusieurs fois en déplaçant éventuellement les électrodes pour traiter une autres partie du puits. Cette technique utilise peu d’eau mais est encore au stade de la recherche au laboratoire.
- La fracturation par explosifs : la détonation d’explosifs placés dans le sous-sol peut permettre de fracturer efficacement la roche mais l’effet restera local pour les mêmes raisons que ci-dessus. Par ailleurs, les impacts environnementaux peuvent être importants (risque pyrotechnique en surface et produits de détonation toxiques restant en sous-sol).
- La fracturation par procédé thermique (ou fracturation sèche) : le chauffage du sous-sol est parfois utilisé par l’industrie pétrolière afin d’accélérer la maturation de précurseurs du pétrole (kérogène) ou bien pour fluidifier le produit à récupérer et donc favoriser sa migration vers le puits d’exploitation. On peut chauffer la roche-mère pour la déshydrater, ce qui provoque sa fissuration et une augmentation de sa porosité (en raison de l’espace de l’eau laissé libre). Le chauffage de la roche peut être notamment réalisé en injectant de l’hélium chaud en profondeur. Par ailleurs, les autres effets cités ci-dessus (maturation et diminution de la viscosité) contribuent à augmenter le taux de récupération. Le niveau de maturité de ce concept est actuellement encore très faible et le bilan énergétique très défavorable.
Il existe encore d’autres techniques de fracturation que celles précédemment citées comme la fracturation pneumatique (consistant à injecter de l’air à forte pression dans la roche) ou les fracturations mécaniques (flambage, découpe, multi-drains). De nouvelles techniques sont encore susceptibles d’émerger et de présenter un meilleur équilibre en termes d’impact environnemental, de coût ou encore d’acceptabilité.
Fracturation hydraulique | Fracturation à base d'un fluide (autre que l'eau) | Autres types de fracturation |
---|---|---|
Eau | Propane Méthanol/Diesel Dioxyde de carbone (CO2) Azote Hélium Mousse | Électrique Explosion Mécanique Thermique |
Inventaire des techniques de fracturation (©CDE)
Intérêt de la recherche de méthodes alternatives
Pourrait-on concevoir une technique de fracturation qui crée le consensus ? Une technologie de fracturation « idéale » serait efficace, écologique, sûre et économique. A ce jour, aucune des technologies alternatives étudiées ne peut revendiquer d’être parfaite sur tous ces points. Le meilleur compromis dépendra probablement toujours d’un ensemble de paramètres dont certains sont liés aux caractéristiques mêmes du gisement et sont donc variables.
Notons que l’emploi de techniques de fracturation ne se limite pas à l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels. Des opérateurs y ont également recours pour améliorer la rentabilité de puits dits « conventionnels ». Par ailleurs, l’emploi de procédés de fracturation est également nécessaire pour stimuler des réservoirs géothermiques.
Notons que les techniques utilisées sont similaires dans le cas de l’exploitation des hydrocarbures fossiles et de la géothermie. Interdire totalement la fracturation hydraulique aurait condamné le développement de la géothermie, d’où la mention des « hydrocarbures liquides et gazeux » dans la loi de juillet 2011(2). C’est donc moins la technique de fracturation qui est mise en cause à l’origine que sa finalité. Dans le bassin de Paris où l'exploitation de la géothermie est bien développée, le niveau géologique exploité est le Dogger à une profondeur de 1 500 à 2 000 m alors que l'éventuelle exploitation des pétroles de schiste pourrait par exemple être effectuée dans le Lias près de 800 m plus profond. La fracturation hydraulique est ainsi parfois autorisée dans des couches plus proches des aquifères de surface que dans le cas de l’exploitation d’hydrocarbures de schiste.
En France, la recherche de techniques alternatives à la fracturation hydraulique fait l’objet de nombreuses recherches industrielles, cette dernière étant interdite par la loi du 13 juillet 2011. Toute exploration et exploitation est de fait bloquée à l’heure actuelle. Disposition inscrite dans la loi, la création d’une Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux doit permettre d'évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives.
La très grande majorité des fracturations alternatives réalisées jusqu’ici l’ont été avec du propane. La société canadienne GasFrac et la société américaine eCorp commercialisent des services de fracturation au propane. La société GasFrac a par exemple réalisé 2 000 opérations de fracturations au propane entre 2008 et 2013 en Amérique du Nord (principalement au Canada et au Texas).
Les autres technologies alternatives n’ont pas encore atteint un stade industriel mais font l’objet de recherches et d’expérimentations par des acteurs très divers : opérateurs pétroliers, sociétés de services pétroliers, laboratoires académiques, etc.
Passé
Dans le passé, la fracturation au diesel a été largement utilisée pour extraire des huiles conventionnelles, notamment parce que le coût en était faible. L’augmentation des coûts de l’huile et les risques environnementaux ont poussé à utiliser l’eau comme fluide de fracturation, ce procédé étant aujourd’hui largement dominant.