En 2018, les émissions mondiales de CO2 devraient fortement augmenter alors qu’elles s’étaient stabilisées entre 2014 et 2016, rappelle le Global Carbon Project. (©Pixabay)
Les émissions mondiales de CO2 liées à la consommation d’énergie fossile et à l’industrie pourraient augmenter de 2,7% en 2018 selon les estimations du Global Carbon Project rendues publiques le 5 décembre(1), en pleine COP24.
Une hausse des émissions mondiale estimée à 2,7% en 2018
Alors que les rapports soulignant l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique se succèdent (GIEC, ONU, AIE, etc.), les dernières estimations du Global Carbon Project – qui réunit une cinquantaine d’organisations scientifiques – rendent de plus en plus incertaine la perspective d’atteindre les objectifs fixés lors de la COP21 à Paris fin 2015.
En 2018, les émissions mondiales liées à la combustion d’énergie fossile et à l’industrie(2) pourraient atteindre 37,1 milliards de tonnes de CO2, ce qui correspondrait à une hausse de 2,7% par rapport à 2017 (avec la « marge d’incertitude », la hausse pourrait être comprise entre + 1,8% et + 3,7% selon le Global Carbon Project). En 2017, ces émissions avaient déjà atteint un niveau record de 36,2 Gt CO2 et le pic de ces émissions n’est « pas encore en vue », déplore le Global Carbon Project.
Pour rappel, les émissions mondiales nettes de CO2 (c’est-à-dire la différence entre le volume de CO2 émis et capturé) devraient, selon le GIEC, être réduites d’environ 45% à l’horizon 2030 par rapport au niveau de 2010 pour espérer contenir à 1,5°C le réchauffement climatique d’ici la fin du siècle(3). Un « bilan nul » de ces émissions serait nécessaire « aux alentours de 2050 » (neutralité carbone).
Au regard des tendances actuelles, le réchauffement planétaire pourrait avoisiner 3°C d’ici à la fin du siècle (avec une augmentation continue des températures par la suite) selon un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement publié fin novembre.
En 2017, les émissions mondiales de CO2 liées à la consommation d’énergie fossile et à l’industrie étaient supérieures de 63% au niveau de 1990. (©Connaissance des Énergies, d'après Global Carbon Budget 2018)
40% des émissions dues à la consommation de charbon
Les émissions de CO2 liées à l’énergie et à l’industrie en 2017 sont imputées par le Global Carbon Project à 40% à la consommation de charbon, à 35% à celle de pétrole, à 20% à celle de gaz naturel, à 4% à la production de ciment et à près de 1% au « torchage » de gaz.
Cette année, la forte hausse des émissions de CO2 serait due à « une remontée de l’utilisation du charbon (ndlr : déjà repartie à la hausse en 2017 après 3 années de baisse), associée en même temps à une augmentation de la consommation de gaz et de pétrole », indique la climatologue Corinne Le Quéré, directrice du Tyndal Centre(4) contribuant au « Global Carbon Budget ». Pour rappel, la demande mondiale d’énergie continue d’augmenter (+ 2,1% en 2017) et repose toujours à plus de 80% sur les énergies fossiles(5).
Les énergies renouvelables sont « déployés massivement grâce aux investissements qui ont fait chuter les prix » mais à un rythme insuffisant pour renverser la trajectoire des émissions de CO2, constate Corinne Le Quéré. La climatologue, récemment nommée présidente du nouveau Haut Conseil pour le climat en France, appelle à accentuer leur déploiement « dans tous les secteurs de l’économie, soit la mobilité, les bâtiments et les industries »(6). Les énergies renouvelables ne comptaient encore que pour 10,3% de la consommation mondiale d’énergie primaire en 2017 selon l’AIE.
La consommation mondiale d'énergie primaire a approximativement doublé au cours des 35 dernières années. (©Connaissance des Énergies, d'après BP Statistical Review of World Energy)
Les crises économiques, seuls freins à la hausse mondiale des émissions ?
La baisse de l’intensité carbone (émissions de CO2 par point de PIB) au niveau mondial(7) n'a pas été suffisament importante jusqu'ici pour faire baisser les émissions globales de CO2. Les rares baisses de ces émissions au cours des dernières décennies sont dues à d'importantes crises (choc pétrolier, éclatement de l’Union soviétique, crise financière de 2008, etc.).
Selon les estimations du Global Carbon Project, la croissance des émissions en 2018 proviendra principalement de la Chine (+ 0,46 Gt CO2, soit une hausse de 4,7% par rapport à 2017)(8), de l’Inde (+ 0,16 Gt CO2, soit + 6,3%), et des États-Unis (+ 0,13 Gt CO2, soit + 2,5%)(9). Les émissions de l’Union européenne pourraient pour leur part baisser de 0,7%.
Rapportées à la population, notons que les émissions de la Chine et de l’UE ont atteint un niveau similaire de 7 tonnes de CO2 par personne en 2017, très loin des États-Unis (16,2 tonnes de CO2 par personne). Autrement dit, un Américain aurait émis en moyenne 9 fois plus de CO2 l’an dernier qu’un Indien(10).
Depuis 1990, les émissions de CO2 ont augmenté de 5% dans les pays membres de l’OCDE et elles ont plus que doublé dans les pays non membres de l’organisation (incluant la Chine, la Russie ou l’Inde). Dans une perspective historique plus large, le Global Carbon Project rappelle toutefois que les émissions mondiales cumulées entre 1870 et 2017 sont imputables à 25% aux États-Unis et à 22% aux pays de l’Union européenne, loin devant la Chine (13%).
L'intensité carbone mondiale a connu une forte baisse au cours des dernières décennies mais les émissions de CO2 continuent à augmenter. (©Connaissance des Énergies, d'après Global Carbon Project)
Précisons que le Global Carbon Project met en regard les émissions anthropiques de CO2 (liées à l’énergie, l’industrie mais aussi au « changement d’affectation des sols » incluant notamment la déforestation) avec la capacité d’absorption des puits de carbone(11). Il rappelle notamment que près de 51% des émissions mondiales de CO2 sur la période 2008-2017 ont été absorbées par les puits de carbone terrestres (forêts, tourbières, prairies, etc.) et par les océans.
À la COP24 à Katowice (Pologne), cette nouvelle alerte et l'état des négociations n'incitent pas à l'optimisme, Corinne Le Quéré estimant pour sa part « que l’on commence à comprendre l’urgence mais que les actions à l’échelle nécessaire sont très lentes à démarrer ».