En Californie, les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie pourraient dépasser celles liées à la production d’électricité d’ici à 2020. (©Pixabay)
Après trois années de baisse, les émissions américaines de CO2 liées à l’énergie auraient augmenté de 3,4% en 2018 selon les dernières estimations du cabinet Rhodium Group. Explications.
Une hausse des émissions malgré la baisse de consommation de charbon
Les émissions américaines de CO2 liées à l’énergie auraient connu en 2018 (+ 3,4%) leur deuxième plus forte hausse annuelle des deux dernières décennies, après 2010 (+ 3,8% dans un contexte de reprise économique après la crise de 2008(1)) selon les dernières estimations de Rhodium Group publiées le 8 janvier(2).
La consommation de charbon a pourtant significativement baissé aux États-Unis en 2018 selon l’EIA. Dans le secteur électrique, le « King Coal » s’efface peu à peu au profit du gaz naturel, plus compétitif (avec l'exploitation du gaz de schiste) : la part du charbon dans la production nationale d’électricité aurait atteint 28% en 2018 (et pourrait encore diminuer à 26% en 2019), contre 35% pour le gaz naturel selon le Short-Term Energy Outlook de l’EIA publié en décembre dernier(3).
Malgré la fermeture de nombreuses centrales à charbon (- 11,2 GW entre janvier et octobre 2018), les émissions de CO2 du secteur électrique américain auraient augmenté de 1,9% en 2018 (+ 34 Mt), après plusieurs années de baisse(4).
Cette hausse est due à une croissance « significative » de la demande d’électricité dans le pays, satisfaite en très grande majorité par les centrales à gaz (+ 166 TWh durant les dix premiers mois de 2018, quand la production des centrales à charbon baissait de 52 TWh). Durant cette période, les productions éolienne et solaire photovoltaïque confondues ont pour leur part augmenté de 40 TWh.
La hausse des émissions liée à l’activité économique et aux baisses de températures
Dans les transports, la consommation américaine d’essence a diminué de 0,1% durant les neuf premiers mois de 2018 mais les consommations de carburants des poids lourds et de l’aviation (diesel et jet) ont en revanche fortement cru (respectivement de 3,1% et 3% durant cette période). Au total, les émissions de CO2 des transports (secteur le plus émetteur) auraient encore augmenté de près de 1% en 2018 – comme en 2017 –, selon les estimations de Rhodium Group.
La croissance des émissions américaines en 2018 provient toutefois principalement de deux autres secteurs « souvent ignorés dans les politiques énergétiques et climatiques » : l’industrie et les bâtiments. C’est de l’industrie que proviendrait la plus forte hausse des émissions en 2018 (+ 55 Mt), une hausse liée au dynamisme de l’activité économique.
Dans les bâtiments, les émissions directes liées à la consommation d’énergie a augmenté de 10% en 2018 (+ 54 Mt), ce qui constitue la plus forte hausse depuis 2004. Cette croissance des émissions est en grande partie due à la hausse de la consommation de chauffage pour faire face à un hiver très rigoureux (après une année 2017 particulièrement « douce »).
Les émissions de CO2 des bâtiments auraient augmenté de près de 10% en 2018. Celles-ci restent toutefois très inférieures aux émissions liées aux transports. (©Connaissance des Énergies, d’après Rhodium Group)
Des objectifs de réduction des émissions hors de portée
Entre 2005 et 2018, les États-Unis auraient réduit leurs émissions de CO2 relatives à l’énergie de 11,2% selon les estimations de Rhodium Group(5).
Pour rappel, ces émissions comptent « grossièrement pour les trois quarts de toutes les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis » (parmi les gaz à effet de serre hors CO2 figurent notamment le méthane au « potentiel de réchauffement global » bien plus important que le dioxyde de carbone). Précisons que l’Agence américaine de la protection de l’environnement (EPA) publiera en 2020 ses données officielles sur les émissions américaines de gaz à effet de serre (GES) de 2018(6).
Fin 2009, les États-Unis s’étaient engagés lors du sommet de Copenhague (COP15) à réduire leurs émissions de GES de 17% d’ici à fin 2020 par rapport à 2005. Ils devraient, selon Rhodium Group, réduire leurs émissions de CO2 d'au moins 3,3% en 2019 et 2020(7) pour atteindre cet objectif, soit bien plus vite que le rythme de baisse annuel moyen de ces émissions entre 2005 et 2017 (- 1,2% par an).
Dans le cadre de l’accord de Paris (COP21) fin 2015, les États-Unis s’étaient par ailleurs fixé pour nouvel objectif de réduire de 26% à 28% leurs émissions de GES d’ici à 2025 (toujours par rapport à l’année de référence 2005). L’atteinte de cet objectif exigerait, selon Rhodium Group, de baisser les émissions nationales de 2,6% par an au cours des 7 prochaines années. Une tendance qui nécessiterait « un changement de politique important dans un avenir très proche et/ou des conditions de marché et technologiques extrêmement favorables ».
L’administration américaine n’envisage pas une telle trajectoire, sachant que Donald Trump avait annoncé mi-2017 la sortie des États-Unis de l’accord de Paris (une procédure qui ne pourra aboutir que fin 2021). Rhodium Group se montre sans surprise pessimiste, jugeant l'écart avec les objectifs de la COP21 de plus en plus important en ce début d'année 2019.
La trajectoire actuelle des émissions américaines de CO2 s’éloigne de celle nécessaire à l’atteinte des objectifs américains annoncés au cours des dernières années. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)