Plateforme d'exploitation de gaz de schiste dans l'Oklahoma (©Devon Energy)
Définition et caractéristiques
Le gaz de schiste ou shale gas en anglais, se trouve sous terre, occlu dans des roches-mères argileuses. Sa composition, essentiellement du méthane, est semblable à celle des gaz dits « conventionnels » mais la technique utilisée pour l'extraire diverge : emprisonné dans des roches très peu perméables et très peu poreuses, le gaz de schiste ne peut être exploité comme ceux qui sont piégés dans des structures géologiques. On doit les extraire par fracturation des roches qui les retiennent.
Les schistes sédimentaires argileux sont généralement structurés en bancs horizontaux épais, entre 2 et 4 kilomètres de profondeur, longs de plusieurs centaines de mètres. Présent en faible concentration dans un important volume de roche, le gaz peut être piégé dans les pores ou les fractures de la roche. Il peut également être adsorbé, ce qui signifie que le gaz a imprégné la matière constituant la roche.
A l’instar du gaz conventionnel, le gaz de schiste est principalement utilisé pour le chauffage et la production d’électricité.
Les gaz dits « non conventionnels » ont connu un développement massif aux États-Unis depuis 2006. Leur production constituait près de 59% de la production américaine de gaz en 2010 et pourrait poursuivre sa croissance au-delà de 2035 selon certains scénarios de l'AIE. Parmi ces différents gaz, les ressources recouvrables de gaz dits « de schiste » seraient les plus importantes.
Les gaz de schiste font un retour en force avec la guerre en Ukraine et le tarissement de gaz russe qui ont poussé l'Europe a diversifier leurs approvisionnements pour passer l'hiver, notamment en important du gaz américain sous forme liquéfiée (GNL).
La France interdit l'exploitation du gaz de schiste (shale gas en anglais) depuis 2017, mais pas son importation. Au nom de sa sécurité énergétique, le gouvernement britannique vient de lever un moratoire sur la fracturation hydraulique, suspendue en 2019 en raison des risques sismiques.
Découverte et extraction
La valorisation du gaz de schiste nécessite des techniques spécifiques. Elle se subdivise en deux étapes : L’exploration et l’exploitation
L’exploration
Les techniques d’exploration utilisées pour rechercher les gisements de gaz de schiste sont comparables à celles utilisées pour les gisements de gaz conventionnel. Géologues et géophysiciens étudient le sous-sol, sa composition et sa structure grâce à des techniques de cartographie et de sismographie. Le gaz de schiste est généralement présent dans les zones souterraines composées d’argile litée : c’est une argile schisteuse contenant des sédiments à grain fin.
L’exploitation
Faiblement concentré et piégé dans des roches imperméables, le gaz est difficile à extraire. La remontée du gaz vers la surface nécessite donc d’être stimulée.
La fracturation (le fracking)
Solidement coincé dans la roche, le gaz ne peut pas remonter à la surface. Il faut alors briser la roche, afin de libérer le gaz et lui assurer une meilleure circulation dans le sous-sol avant de remonter à la surface grâce aux puits. La fracturation permet de maintenir les fissures ouvertes et d’augmenter la perméabilité des roches. Elle peut être réalisée avec des fluides sous très haute pression (eau additivée, azote, dioxyde de carbone, etc.) : on parle alors de fracturation hydraulique.
Des explosifs peuvent parfois être utilisés localement pour créer des orifices dans le tubing. La fracturation de la roche ne se fait toutefois que par la pression hydraulique.
Le forage horizontal ou dévié
Emprisonné dans des couches souterraines horizontales, le gaz de schiste ne peut être extrait grâce à un puits vertical comme c’est le cas pour le gaz conventionnel. En traversant dans le sens de la longueur la roche, le forage horizontal dit « dirigé » permet d’extraire d’importantes quantités de gaz de schiste. Il est réalisé à l’aide d’une tête de forage rotative capable d’incliner progressivement l’axe de forage.
Ce type de forage permet d’élargir la couverture d’extraction sans déplacer les équipements de forage et d’augmenter la surface en contact avec le gisement.
Le drain horizontal est situé à plus de 2 000 m de la surface. (©Connaissance des Énergies)
Gisements et production
L’existence de réserves de gaz de schiste abondamment réparties dans le sous-sol terrestre permet de satisfaire des besoins énergétiques croissants en gaz naturel. Les ressources mondiales en gaz non conventionnels exploitables sont de même ordre que celles de gaz conventionnels exploitables (les réserves mondiales prouvées de gaz naturel sont estimées à environ 208 400 milliards de mètres cubes (1)), soit environ 65 ans de consommation annuelle au rythme actuel.
De nombreux gisements ont été identifiés en Amérique du Nord et du Sud, en Chine, en Australie, en Russie et dans plusieurs pays d’Europe (Pologne, France ou encore Royaume-Uni, Allemagne, Suède et Autriche ). Hors de l'Amérique du Nord, les estimations sont incertaines car la prospection ne fait que commencer.
Les États-Unis possèdent d’importantes ressources recouvrables de gaz de schiste sur la quasi-totalité du territoire, estimées à près de 24 000 milliards de m3.(3)
Les gisements de gaz de schiste ont un taux de récupération inférieur à celui des gisements de gaz conventionnel (taux n’étant pas pris en compte dans l’estimation des réserves mondiales de gaz). Il demeure que le taux actuel de récupération peut économiquement suffire à l’exploitation du gisement.
Depuis ces 15 dernières années, l’exploitation du gaz de schiste devient progressivement mondiale et d’importantes campagnes de prospection sont menées afin de trouver de nouveaux gisements. L’avenir du gaz de schiste dépendra de la prospection, afin de préciser les volumes de gaz de schiste présents dans le sous-sol et surtout de l’économie des procédés d’exploitation de ce gaz.
Une production mondiale et généralisée du gaz de schiste a remis en cause la géopolitique gazière et énergétique. L’exploitation des réserves situées aux États-Unis, en Europe ou en Asie offrirait la possibilité de diversifier les sources d’approvisionnement en gaz naturel. L’exploitation de gaz de schiste concurrencerait véritablement les relations d’échanges établies (ex : les échanges entre la Russie et l’Union Européenne).
La consommation mondiale de gaz naturel est supérieure à 3 000 milliards de mètres cubes.
Acteurs de la filière
Pionnières dans l’exploitation du gaz de schiste, les entreprises américaines productrices de gaz naturel telles que ExxonMobil, Devon Energy et ConocoPhillips disposent des techniques de prospection et d’exploitation nécessaires.
Progressivement, les entreprises européennes exploitant du gaz naturel telles que Shell, TotalEnergies et ENI cherchent à développer la production de gaz de schiste. Total a d’ailleurs obtenu un permis d’exploration d’un gisement en Ardèche, abrogé par le gouvernement en octobre 2011.
Depuis 2009, le consortium européen GASH regroupe différents industriels et instituts de recherche afin d’établir une cartographie des ressources de gaz de schiste en 2013.
La conférence internationale World Shale Gas regroupe tous les acteurs clés de l’exploitation de gaz de schiste. Elle surveille le développement de l’exploitation du gaz de schiste et son impact sur le marché mondial du gaz.
Avantages et inconvénients
L’exploitation du gaz de schiste se généralise progressivement. Elle représente pour beaucoup d’États une alternative possible au gaz naturel conventionnel :
L’opportunité pour les États de développer leur autonomie énergétique
Pour les États important de grandes quantités de gaz naturel (États-Unis, pays de l'Union Européenne), la valorisation du gaz de schiste présent sur leur territoire permet de réduire la dépendance énergétique développée auprès des pays exportateurs.
Ainsi aux États-Unis, l’exploitation du gaz de schiste s'est développée rapidement afin de réduire la dépendance énergétique développée vis-à-vis du Canada. Entre 2009 et 2021, sa production de gaz de schiste a augmenté de 71 %, lui permettant de désormais exporter cette énergie.
Une rentabilité sous condition
Aujourd’hui, la valorisation du gaz de schiste est principalement justifiée d'un point de vue économique lorsque la zone de consommation est proche.
Peu de temps après le premier forage d’exploitation, le débit du gaz extrait ralentit considérablement, affectant ainsi la rentabilité de l’exploitation. Il est alors nécessaire de réitérer le processus en creusant de nouveaux puits.
Le développement du gaz de schiste est plus lent en Europe où les coûts de production risquent d’être plus élevés et où les réserves sont situées dans des zones densément peuplées. Le respect des villes avoisinantes représente un coût supplémentaire susceptible de freiner le développement du gaz de schiste en Europe. Reste donc à démontrer que le gaz de schiste peut être produit de façon économique et durable en accord avec les populations.
Un impact environnemental
L’eau injectée dans le sous-sol pour briser la roche est mélangée à du sable et à des produits chimiques. Pour faciliter la remontée du gaz à la surface, de nombreux puits sont également creusés ce qui peut dénaturer le paysage et altérer la structure du sous-sol.
Cela représente un frein au développement des exploitations de gaz de schiste dans les zones habitées ou protégées. Il existe toutefois des moyens de limiter l'emprise au sol, en implantant notamment de multiples drains à partir de la même plateforme en surface.
Histoire : de la découverte à l'extraction
La première exploitation de gaz de schiste date du début du XIXe siècle (à Fredonia aux États-Unis). A la fin du XIXe siècle, de toutes petites quantités de gaz sont extraites. Ces gisements ne sont pas exploités car ils sont difficiles d’accès et plus coûteux que les gisements dits conventionnels dont le gaz remonte facilement à la surface.
Malgré les découvertes de nouveaux gisements de gaz conventionnel, les industriels cherchent dès les années 1980 à développer l’exploitation des gaz de schiste afin de pallier l’éventuel épuisement des réserves de gaz conventionnel.
Les innovations techniques (forage horizontal et fracturation hydraulique), les coûts de transport inférieurs et l’augmentation de la demande de gaz rendent accessibles et rentables de nombreux gisements de gaz de schiste.
C’est aux États-Unis que le développement des gaz de schiste est le plus rapide car ils y représentent les ⅔ des ressources de gaz non conventionnels domestiques et couvrent aujourd'hui leur consommation. Cela s’explique par des réserves abondantes dans le sous-sol américain, par le coût des forages et de la fracturation plus faible qu'ailleurs (puissance du secteur parapétrolier aux États-Unis), et aussi par le fait que les propriétaires de terrains y sont également propriétaires du sous-sol.
Le phénomène des gaz et huiles de schiste est d'ores et déjà un « game changer » au plan énergétique, économique, industriel et géopolitique, même s'il s'est concentré en Amérique du Nord. Grâce à l’exploitation de gaz non conventionnels, les États-Unis sont devenus dès 2009 le premier producteur gazier au monde. Sa production avait atteint 651 milliards de m3 en 2011 contre 607 milliards de m3 pour la Russie(4). Alors qu'ils ne représentaient que 1% de la production américaine en 2000, les gaz de schiste constituent 23% de la production gazière du pays en 2010 et pourraient dépasser 50% d'ici à 2030.
« L’arrivée du shale gas aux États-Unis a surpris par son caractère inattendu et la rapidité de son essor. Beaucoup dans l’industrie pétrolière considèrent que la percée technique qui a permis l’exploitation des gaz de schiste est une des innovations les plus importantes des 10 dernières années dans le domaine de l’offre d’énergie. » soulignait l'IFRI dans un rapport en janvier 2012(4).
Qu'est-ce que le schiste ?
Si cette idée reçue peut être considérée comme juste au premier abord, elle est discutable en raison de son imprécision dans l’emploi du terme « schiste ».
Les gaz que l’on désigne couramment comme « de schiste » sont des gaz composés principalement de méthane, emprisonnés dans des roches sédimentaires argileuses ou marneuses(5). Enfouies à des profondeurs de 2 000 à 4 000 m de la surface, ces roches sont des roches-mères, aussi appelées schistes sédimentaires argileux. Elles piègent les hydrocarbures formés par sédimentation lorsque ceux-ci migrent.
En géologie, on qualifie plus largement de schiste une roche dotée d’un aspect feuilleté qui se décompose en plaques fines. On en distingue deux grandes catégories : les schistes argileux qui contiennent donc des hydrocarbures non conventionnels et les schistes métamorphiques, tels que l’ardoise, qui n’en contiennent pas. Par conséquent, lesdits « gaz de schiste » ne sont pas occlus dans tous les schistes.
Les micaschistes, schistes métamorphiques, ne contiennent pas d'hydrocarbures. Ici en Namibie.
En fait, la notion de « gaz de schiste » a été galvaudée en raison d’une mauvaise traduction du mot anglais « shale ». Celui-ci désigne bien une roche sédimentaire argileuse tandis que l’équivalent utilisé en français s’avère inadapté car trop vague. Il serait préférable d’employer la formulation « gaz de roche-mère » ou « gaz de schiste argileux ».
Toutefois, le terme « gaz de schiste » est entré dans le débat public et continuera probablement d’être employé. La même imprécision réside dans l’emploi des termes « huile de schiste » ou « pétrole de schiste ».