- Source : Ifri
En juillet 2006, la découverte du gisement pétrolier géant de Tupi, aujourd’hui dénommé Lula, dans les couches présalifères (le « pré-sal ») devait faire du Brésil l’un des géants pétroliers. Près d’une décennie plus tard, le pays n’est encore que le 13e producteur mondial. Ce pays d’environ 200 millions d’habitants a uniquement atteint son indépendance pétrolière durant 2 ans, en 2007 et 2008, et le secteur des hydrocarbures y est aujourd’hui confronté à d’importantes difficultés, imputables en partie à la loi pétrolière de 2010 et au scandale de corruption lié à l’affaire « lava jato » qui touche Petrobras ainsi que les principales sociétés brésiliennes du BTP.
Dans cette note publiée par le Centre Énergie de l’Ifri, Philippe Sébille-Lopez, spécialiste de la géopolitique de l’énergie, effectue un état des lieux du secteur du pétrole et du gaz naturel au Brésil. Il montre en quoi la gestion politique de ce secteur (par le Parti des Travailleurs depuis 2003) a nui à son développement. Dans une dernière partie, l’auteur pointe également les difficultés du secteur électrique : électricité parmi les plus chères au monde, coupures à répétition, manque de capacités, etc.
La loi pétrolière de 2010, adoptée après deux ans de débats, entend favoriser Petrobras (dont l’État détient plus de 50% des parts) en introduisant un nouveau régime : le contrat de partage de production (CPP). Celui-ci attribue le statut d’opérateur unique à Petrobras sur les zones stratégiques du pré-sal et oblige l’entreprise à détenir une participation minimale de 30% sur les zones d’exploitation attribuées lors des différents appels d’offres. Cette disposition assez lourde pour le groupe brésilien (et qui réduit la participation des compagnies étrangères) pourrait évoluer d’après les déclarations de mai 2015 du nouveau ministre en charge de l’énergie Eduardo Braga.
Malgré des coûts de production importants, Petrobras déclare avoir décidé ses investissements dans le pré-sal sur la base d’un prix du baril d'environ 45 $. Ces investissements nuisent aux autres programmes du groupe, notamment en matière de construction de nouvelles raffineries (programme qui était censé assurer au pays son autosuffisance en produits raffinés à l’horizon 2020). Rappelons ici que le Brésil est le second producteur mondial d’éthanol (production à partir de canne à sucre) derrière les États-Unis (production à partir de maïs) mais cette production constitue une alternative « incomplète » selon l’auteur pour combler les besoins internes de produits pétroliers.
Le développement du secteur gazier du Brésil est à l’heure actuelle très limité alors que le pays dispose des secondes réserves de gaz naturel (500 milliards de m3 à fin 2014, soit près de 0,3% des réserves mondiales) en Amérique du Sud, loin toutefois derrière le Venezuela. D’importants volumes de gaz naturel liquéfié (GNL) sont d'ailleurs importés à des fins de production d’électricité.
Rappelons enfin que les énergies renouvelables comptent pour près de 79% de la production électrique brésilienne en 2013, ce qui fait du pays l’un des leaders mondiaux de ces énergies. L’essentiel de cette production provient toutefois de ses énormes capacités hydroélectriques qui sont menacées par la baisse de la pluviométrie (en 2014 a eu lieu la plus grave sécheresse du pays depuis 84 ans). Le pays, doté par ailleurs de 2 réacteurs nucléaires, est régulièrement victimes de grandes pannes électriques. En période de pointe, les capacités de production sont insuffisantes. La restauration fin 2013 du système de triples fuseaux horaires dans le pays a permis de diluer dans le temps les pics de demande électrique mais cette mesure ne constitue pas une réponse suffisante à la forte hausse de la demande intérieure (+3,9% par an au cours des dernières années).