Vue du digesteur, du post-digesteur et de la cuve de stockage de digestat sur le site de méthanisation de la ferme de la Tremblaye. (©ARENE-C. Bertolin)
Un nouvel appel à projets vient d’être lancé en Île-de-France pour développer la méthanisation dans la région. Plusieurs études ont par ailleurs rappelé récemment le potentiel de développement du biogaz en France et en Europe. État des lieux.
Un nouvel appel d’offres francilien pour tous types d’installations
La région Île-de-France a lancé en octobre avec l’Ademe son 4e appel à projets pour soutenir le développement d’installations de méthanisation(1). Le schéma francilien « Climat Air Énergie » (SRCAE) prévoit que 11% de la consommation régionale d’énergie soit couverte par les énergies renouvelables en 2020, dont près d’un cinquième grâce au biogaz de méthanisation (avec un objectif de production de 2 TWh/an en 2020, soit environ 7 fois la production annuelle de la région à l’heure actuelle). A l’horizon 2050, le biogaz devrait constituer « la première énergie d’origine locale et renouvelable en Île-de-France » selon la région.
L’appel à projets francilien vise à favoriser l’émergence d’installations variées de méthanisation, « qu’elles soient à la ferme, territoriales, industrielles ou en station d’épuration ». Pour rappel, les méthaniseurs permettent de transformer par fermentation anaérobie(2) des matières organiques pourrissables (effluents d’élevage, boues d’épuration, déchets alimentaires, etc.) en biogaz et en digestat. Du biogaz produit naturellement est également récupéré dans des installations de stockage de déchets (ISND) : ce « gaz de décharge » compte pour la majorité du biogaz produit en France.
Le biogaz peut être utilisé pour la production de chaleur, d’électricité ou être injecté dans les réseaux gaziers après une étape de purification (il est alors qualifié de « biométhane »). A fin juin 2017, la France comptait 519 installations produisant de l’électricité à partir de biogaz(3) (plus de la moitié de ces sites utilisant des effluents « à la ferme ») et 35 installations injectant du biométhane dans les réseaux gaziers(4) (avec une capacité d’injection en hausse de 30% par rapport à fin 2016).
Des objectifs chiffrés de développement
Le biogaz est appelé à jouer un rôle croissant au sein des énergies renouvelables dans le mix énergétique français. La loi de transition énergétique pour la croissance verte adoptée à l’été 2015 a fixé pour objectif de porter à 10% la part des EnR dans la consommation française de gaz en 2030. En 2013 déjà, la France avait lancé un plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA) visant à développer « 1 000 méthaniseurs à la ferme » à l’horizon 2020.
La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a fixé plus récemment différents objectifs pour développer le biogaz en France dans les années à venir, avec des cibles propres pour chaque usage (pour la production électrique, l’objectif est de porter à 137 MW la puissance des installations de méthanisation à fin 2018, puis entre 237 et 300 MW à fin 2023, contre 110 MW à fin 2016).
Le recours au biogaz et au biométhane dans une logique d’économie circulaire entraîne des bénéfices environnementaux « très significatifs », rappelle IFP Énergies nouvelles dans une note récente(5). Leur développement nécessite toutefois un soutien public important, faute de compétitivité par rapport aux coûts de marché actuels.
En France, des tarifs d’achat garantis existent pour soutenir la production d’électricité par des installations utilisant principalement du biogaz ainsi que l’injection de biométhane dans les réseaux gaziers : le tarif d’achat garanti pour l’injection de biométhane par des ISND est par exemple compris entre 45 et 95 €/MWh sur 15 ans alors que les prix de marché du gaz en Europe avoisinent 15 €/MWh, rappelle IFP Énergies nouvelles. Les fonds déchets et chaleur contribuent également à soutenir les projets de méthanisation.
Selon une étude coordonnée par le cabinet ENEA publiée le 26 octobre, une réduction de 30% des coûts de production actuels du biométhane est « accessible d’ici 5 à 10 ans »(6). Il est rappelé que la quantité de biométhane injectée dans les réseaux gaziers français a été multipliée par 3 depuis 2015. Les contraintes administratives et financières sont toutefois encore évoquées par la filière pour expliquer le retard du développement du biogaz en France par rapport au voisin allemand(7).
Le biogaz, une culture beaucoup plus développée en Allemagne
Au niveau européen, le biogaz a compté pour 8% de la production d’énergies renouvelables en 2015 selon les dernières chiffres d’IFP Énergies nouvelles (et pour l’équivalent de 4% de la consommation européenne de gaz cette année-là). La production de biogaz de l’Union européenne a atteint 15,6 Mtep en 2015(8), dont la moitié provenait de l’Allemagne (7,8 Mtep en 2015).
Suivent le Royaume-Uni et l’Italie (de l’ordre de 2 Mtep chacun en 2015), puis la République tchèque et la France (0,5 Mtep en 2015). Près de 62% de la production européenne de biogaz est valorisée sous forme d’électricité (27% sous forme de chaleur, le reste sous forme de biométhane).
En France, le potentiel technique de développement du biogaz est estimé par plusieurs études entre 14 et 24 Mtep par an à l’horizon 2040, avec une contribution dans le futur de la gazéification et du « power to gas » (associé à la méthanation).