- Source : Ifri
Aux États-Unis, le transport ferroviaire de passagers souffre depuis de nombreuses décennies de la concurrence de la voiture et de l'avion (le train bénéficie en revanche d'une activité très importante pour le transport de marchandises outre-Atlantique(1)). Malgré une riche histoire ferroviaire, notamment associée à la « Conquête de l'Ouest »(2), les États-Unis ont consacré trois fois plus d'argent fédéral aux autoroutes qu'au train entre 2007 et 2019.
Dans la note ci-après publiée le 6 février par l'Ifri dans le cadre de son programme Amérique du Nord(3), le journaliste indépendant Antoine Pecqueur(4) décrit comment Joe Biden, surnommé « Amtrak Joe » (du nom de l'entreprise publique ferroviaire), souhaite revitaliser aux États-Unis ce secteur ferroviaire qu'il affectionne particulièrement (en 2010 déjà, alors vice-président de Barack Obama, il avait publié un manifeste « Pourquoi l'Amérique a besoin de trains »(5)). L’Infrastructure Investment and Jobs Act de novembre 2021 prévoit entre autres de consacrer 66 milliards de dollars(6) à la modernisation et à l'extension du réseau ferroviaire.
Les États-Unis sont entre autres animés par la volonté de « rattraper le concurrent chinois », avec toutefois des ambitions et moyens plus limités (la Chine a fortement développé le train à grande vitesse sur son territoire depuis l'inauguration en 2008 de la première ligne de TGV entre Pékin et Tianjin). La compétition sino-américaine sur le ferroviaire est ainsi géopolitique mais aussi technologique, souligne Antoine Pecqueur : « Si ses TGV actuels ne dépassent pas les 350 kilomètres/heure, la Chine compte développer son système de trains Maglev, circulant à 600 kilomètres/heure grâce à une technologie par sustentation magnétique, déjà utilisée pour relier l’aéroport de Shanghai au centre-ville ».
Le soutien de Joe Biden au train répond également aux ambitions américaines en matière d'énergie et climat, sachant que les transports constituent aux États-Unis « le deuxième contributeur de CO2 du pays, derrière la production d’électricité » (le premier en France)(7). Sans que le recours au train constitue la solution miracle. Selon les chercheurs Mikhail Chester et Arpad Horvath cités dans cette note au sujet d'un projet de ligne TGV en Californie, « le train à grande vitesse peut réduire la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre par trajet, mais peut créer davantage d'émissions de SO2 (compte tenu du mix électrique américain), entraînant une acidification de l'environnement et des problèmes de santé humaine ».
Le bilan écologique du train dépend « également de son taux de remplissage, d’où la nécessité, en dernière analyse, de construire des lignes visant un taux de fréquentation élevé et durable », souligne également cette note qui rappelle que « de nombreuses lignes aux États-Unis ne sont pas électrifiées et qu’un grand nombre de trains, en particulier de marchandises, roulent toujours au diesel ». Notons que l’autorité des transports du comté de San Bernardino en Californie compte mettre un train à hydrogène en service en 2024.
Mais comme le souligne Antoine Pecqueur en conclusion, « les élections présidentielles de 2024 seront décisives pour confirmer ou interrompre cet essor du transport ferroviaire. Si les républicains emportent la Maison blanche, la relance observée n’aura été qu’une bulle, témoignage de la passion atypique d’un président des États-Unis pour ce mode de transport ».
Sources / Notes
- « En 2022, environ 40% du transport de marchandises sur longue distance est effectué par rail aux États-Unis, pour une moyenne mondiale de 9% ».
- La première ligne de chemins de fer outre-Atlantique a été créée en 1828, 3 ans seulement après la la première au monde en Angleterre.
- Le programme Amérique du Nord de l’Ifri publie une collection de notes en ligne sur les États-Unis nommées « Potomac Papers. Revues par des experts avant publication, ces notes présentent des analyses de la politique intérieure, étrangère et économique, ainsi que des évolutions sociales et des grands débats en cours aux États-Unis.
- Collaborateur à RFI, Mediapart, Alternatives économiques, Antoine Pecqueur traite des sujets culturels, économiques et internationaux et couvre plus spécifiquement les enjeux ferroviaires pour le magazine Ville, Rail et Transports.
- Why America Needs Trains, Joe Biden, mars 2010.
- « Un montant auquel on peut ajouter 36 milliards de dollars de financements autorisés ».
- Cette note rappelle l'estimation moyenne suivante de l'Ademe : « les émissions de CO2 d’un voyage en avion sont 45 fois supérieures à celle d’un déplacement en train à grande vitesse ».