- Source : Ifri
« Après l’invasion russe de l’Ukraine et les grandes manœuvres chinoises autour de Taïwan en 2022, 2023 et 2024, la dimension de sécurité nationale des politiques énergétiques, jusqu’alors confinée aux sphères des spécialistes, est entrée dans le débat public taïwanais ».
Dans la publication ci-après mise en ligne ce 22 octobre par le Centre Énergie & Climat de l'Ifri, le journaliste Adrien Simorre(1) décrit cette fragilité de Taïwan, acteur majeur des semi-conducteurs notamment dont l'approvisionnement énergétique constitue le « talon d'Achille ».
Le contexte
Taïwan est un archipel « grand comme la Belgique mais aussi peuplé que l’Australie (23 millions d’habitants) » avec « une population parmi les plus denses au monde et des industries de pointe très énergivores, concentrées à l’ouest d’une imposante chaîne de montagnes centrale traversant l’île du nord au sud », rappelle Adrien Simorre.
La consommation d’électricité de Taïwan est dominée par le secteur industriel, qui absorbe 6 fois plus d’énergie que les ménages. Le secteur électronique compte pour environ un tiers de cette consommation électrique industrielle (TSMC, leader mondial des semi-conducteurs, estime qu’elle consomme à elle seule « 8% de l’électricité taïwanaise en 2024, sans compter ses nombreux fournisseurs et sous-traitants »).
À l'heure actuelle, Taïwan importe 96% de son énergie et « apparaît hautement vulnérable à un embargo ou à une perturbation du trafic maritime ».
🇹🇼 Malgré des efforts pour renforcer l'autosuffisance énergétique et l'équilibre du réseau, les infrastructures de production thermiques de #Taïwan sont concentrées à l'ouest, face à la Chine, et vulnérables car dépendantes des infrastructures d'importations et du transport de… pic.twitter.com/CTbvIfs7Fa
— Institut français des relations internationales (@IFRI_) October 23, 2024
Un mix électrique très carboné
Près de 82% du mix électrique repose sur deux énergies fossiles : le charbon et le gaz (importé sous forme de GNL). « Cette dépendance va se maintenir après la sortie définitive du nucléaire en 2025 (un engagement pris par le Parti démocrate-progressiste [PDP] lors de son accession au pouvoir en 2016), malgré le développement rapide des énergies renouvelables », souligne Adrien Simorre.
Or, la consommation du secteur des semi-conducteurs taïwanais pourrait tripler d’ici 2030, « notamment sous l’effet d’une forte hausse attendue de la demande en produits électroniques liée au développement de l’intelligence artificielle et des voitures électriques ». La consommation électrique de Taïwan pourrait ainsi encore croître de 2,5% par an d’ici 2028, avec une hausse cumulée de 12 à 13 % d’ici 2030, selon les prévisions du gouvernement.
Un « moyen de pression privilégié »
En 2022, le Conseil national de développement a fixé pour objectif de porter entre 60 et 70% la part des énergies renouvelables dans l'approvisionnement électrique taïwanais à l'horizon 2050. Ce pays pourrait en particulier s'appuyer sur le solaire et l'éolien offshore avec des conditions très favorables dans le détroit de Taïwan, mais a pris du retard sur ses objectifs de développement(2).
Le gouvernement entend également diversifier ses fournisseurs d’énergies fossiles, augmenter ses capacités de stockage des combustibles et renforcer la sécurité du réseau électrique mais offre pour l'heure à Pékin un « moyen de pression privilégié », compte tenu des faiblesses de son système énergétique.
Sources / Notes
- Adrien Simorre est correspondant à Taïwan depuis cinq ans et travaille pour plusieurs médias francophones, dont Libération et Radio France.
- Taïwan avait, d'ici à 2025 un objectif de 20 GW de capacités solaires installées et de près de 6 GW pour l'éolien en mer.