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Lorsque Kristal Lee et son mari ont acheté leur maison en Caroline du Nord (est des États-Unis) il y a deux ans, ils pensaient s'y installer "pour toujours". Mais un projet de mine de lithium à proximité leur fait passer des nuits blanches.
Le sous-sol du comté de Gaston attire les convoitises
"Nous n'avons pas vraiment l'option de déménager en ce moment, en particulier à cause de la situation économique et de l'inflation", confie Kristal Lee, 41 ans, à l'AFP. "Nous nous inquiétons beaucoup depuis que nous en avons entendu parler", ajoute-t-elle, au sujet du projet à 1,2 milliard de dollars de Piedmont Lithium d'extraire ce métal crucial dans le comté de Gaston pour les batteries des véhicules électriques.
Le président Joe Biden s'active pour développer une industrie américaine de véhicules électriques et de batteries dans le cadre de la transition électrique mais aussi pour réduire toute dépendance de l'étranger, en particulier de la Chine.
Derrière la domination chinoise, les principaux acteurs de l'industrie du lithium sont le Chili et l'Argentine. Aux États-Unis, il est présent en grandes quantités dans le Nevada, la Californie et la Caroline du Nord, où le sous-sol du comté de Gaston attire les convoitises.
La demande en batteries lithium-ion devrait bondir de près de 30% par an entre 2022 et 2030, selon le cabinet McKinsey. Mais les craintes environnementales suscitées par les divers projets d'extraction illustre le scepticisme de certains habitants concernant les bénéfices à long terme des politiques publiques.
Sols éventrés
Parmi les risques les plus importants liés aux exploitations minières, Aimee Boulanger cite la pollution de l'eau et la menace pour l'approvisionnement en eau.
"Déplacer des roches pour atteindre le minerai éventre les sols, avec le risque que la terre et les métaux normalement enfermés dans le sous-sol s'écoulent dans les ruisseaux, les rivières et l'eau potable", explique Mme Boulanger, directrice exécutive de l'Initiative pour l'assurance d'une exploitation minière responsable (IRMA).
Piedmont compte analyser et traiter l'eau qui s'écoulera dans la mine, avant de l'utiliser ou de l'évacuer. Mais Mme Lee craint les potentielles défaillances. Pour calmer les inquiétudes, le projet de Piedmont évoque la possibilité de creuser de nouveaux puits et d'en laisser l'accès au réseau municipal d'eau potable, ou de fournir des bouteilles d'eau minérale. Mais cela n'est pas suffisant pour apaiser les habitants.
Kristal Lee, mère de cinq enfants, s'inquiète aussi de la poussière et du bruit émanant de la mine à ciel ouvert où Piedmont compte mener des explosions quotidiennement. La société affirme que cela n'endommagera pas les structures alentours. Relevant les retombées positives de ces projets miniers, Mme Boulanger prévient qu'il faut aussi "s'assurer qu'ils ne causent pas des dommages plus importants ou durables que leurs avantages".
Pour Jim McMahan, un autre habitant, l'exploitation de la mine pendant dix ans est également problématique.
« Petite quantité » ?
"Ils vont fournir des emplois pendant une période de temps limitée", relève ce retraité de 65 ans, qui s'est lancé dans l'agriculture. Mais "les emplois vont partir et, peut-être, les exploitations agricoles auront disparu".
"Je veux un air pur", lance Locke Bell, 73 ans, ancien procureur de comté, "mais je ne veux pas d'une destruction insouciante des sols et de l'eau pour produire une petite quantité de lithium".
Piedmont Lithium a reçu en mai un permis d'exploitation de l'État de Caroline du Nord mais d'autres, au niveau local, restent nécessaires. Chad Brown, président du conseil du comté de Gaston, reconnaît la nécessité d'"agir convenablement. Ils doivent nous donner des garanties". Selon lui, une décision pourrait intervenir en novembre.
Kristal Lee habite ce comté depuis près de dix ans mais elle a eu connaissance du projet de Piedmont un an après avoir emménagé dans sa maison actuelle, lorsqu'elle a reçu un cadeau - du café - et une note envoyés par l'entreprise.
Piedmont compte produire 30 000 tonnes d'hydroxyde de lithium annuellement, accroissant "significativement" la capacité américaine. Albemarle, plus gros producteur au monde, prévoit de réactiver une mine désaffectée à Kings Mountain, petite ville de Caroline du Nord.
Le groupe a expliqué profiter de mesures adoptées par l'administration Biden, comme l'Inflation Reduction Act (IRA), et avoir reçu près de 150 millions de dollars de subventions. Mais, dans le comté de Gaston, ces dispositions gouvernementales favorables au climat laissent un goût amer. Pour Jim McMahan, le processus d'exploitation du lithium est "invasif".