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Le président émirati de la 28e conférence de l'ONU sur le climat a proposé lundi un projet d'accord en vue de la réduction de la place des énergies fossiles dans le monde, immédiatement rejeté par les pays qui attendent un appel clair à la "sortie" du pétrole, du gaz et du charbon responsables du réchauffement planétaire.
"Nous avons fait des progrès mais nous avons encore beaucoup à faire", a admis Sultan Al Jaber, reconnaissant implicitement que le texte serait encore amendé dans les prochaines heures, avant la fin supposée de la COP28 mardi.
"Nous avons un texte et nous devons nous mettre d'accord sur le texte. Le temps des discussions touche à sa fin et le moment n'est pas aux hésitations. Il est temps de décider".
L'Union européenne a jugé le texte "insuffisant", les Etats-Unis ont appelé à "substantiellement" le renforcer et les petites îles ont appelé à son rejet, tandis qu'ONG et experts ont dénoncé un projet pas assez ambitieux, énumérant trop d'options énergétiques vagues sans explicitement privilégier la fin des énergies fossiles.
Mais, comme l'a indiqué une source à la présidence émiratie de la COP28 : "C'est un mouvement d'ouverture, il va falloir construire à partir de cela".
Sultan Al Jaber réunit à partir de 21H00 (17H00 GMT), à huis clos, les chefs des délégations des 194 pays et de l'UE signataires de l'accord de Paris.
Ce que dit le projet
Voici ce que ce texte de 21 pages indique. Dans le paragraphe le plus scruté, il y est reconnu la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre et on y appelle les parties à prendre des actions qui "pourraient" inclure plusieurs éléments. Ce conditionnel à lui seul affaiblit la suite.
Il y a certes la "réduction à la fois de la consommation et de la production des énergies fossiles d'une manière juste, ordonnée et équitable, de façon à atteindre zéro net (neutralité carbone, NDLR) d'ici, avant ou autour de 2050, comme préconisé par la science".
Mais il ne mentionne plus le mot de "sortie" des énergies fossiles. Et il inclut désormais toutes sortes de voeux du camp des pays producteurs ou exportateurs de pétrole, comme les technologies balbutiantes de captage et de stockage du carbone, exigées par eux pour continuer à pomper des hydrocarbures.
Une "liste de shopping", ont ironisé des experts.
Sur le charbon, le texte appelle à "réduire rapidement le charbon sans captage de carbone" mais aussi à des "limites sur les permis accordés pour de nouvelles centrales au charbon" sans captage de CO2, ce qui constitue en fait un recul par rapport à la COP de Glasgow il y a deux ans, où aucun blanc seing n'avait été accordé pour de nouvelles centrales.
Un paragraphe cite aussi les technologies "à basses émissions", dont le nucléaire, le captage de carbone et l'hydrogène "bas carbone", "afin d'améliorer les efforts pour remplacer les énergies fossiles sans captage (unabated) dans les systèmes énergétiques".
Cette formulation fait écho à la déclaration commune de Sunnylands signée en novembre par la Chine et les Etats-Unis. Les deux premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre (41% à eux deux) évitaient de parler de "sortie" des énergies fossiles mais soulignaient que les énergies renouvelables (solaire, éolien, etc.) devaient graduellement s'y substituer.
Déception
"Une liste d'actions cruciales est devenue un menu dans lequel piocher", a déclaré Dave Jones, du centre d'experts sur l'énergie Ember. Un texte "choisissez votre aventure", selon Jean Su, du Center for Biological Diversity.
"Nos voix ne sont pas entendues" et le projet est "totalement insuffisant" sur la question des énergies fossiles, a dénoncé le ministre samoan Cedric Schuster, qui préside l'alliance des petits Etats insulaires (Aosis).
Le texte "représente une régression importante par rapport aux versions précédentes", a déclaré Harjeet Singh, le chef de la stratégie politique mondiale au CAN, qui représente plus de mille associations et participe aux travaux de la COP en tant qu'observateur. "De façon stupéfiante, il n'inclut plus de formule explicite sur la sortie des énergies fossiles".
Une source parmi les négociateurs européens, contactée par l'AFP, juge que ce texte "est loin de ce dont a besoin le climat aujourd'hui. Une chose est claire : nous n'y arriverons pas d'ici à mardi 11 heures", l'heure à laquelle Sultan Al Jaber souhaitait clore la COP28.