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C'est un rapport très attendu par le gouvernement, bien décidé à mener sa réforme de la sûreté nucléaire : deux parlementaires recommandent, dans un projet de texte rendu public mardi, de fondre l'IRSN, l'expert technique de la sûreté, et l'ASN, gendarme du secteur, réforme controversée destinée à "fluidifier" les décisions sur fond de relance de l'atome.
"Regrouper les moyens humains et financiers actuellement alloués au contrôle, à l'expertise et à la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection, afin que ceux-ci relèvent à l'avenir d'une structure unique et indépendante" est la première des recommandations rédigées par le député Renaissance Jean-Luc Fugit et le sénateur LR Stéphane Piednoir, après des auditions à huis clos d'un large panel d'acteurs.
Ce texte, présenté comme une version provisoire du rapport et que l'AFP a consulté, doit être examiné mardi par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst), dont le positionnement dans son ensemble n'est pas connu.
En avril, le gouvernement avait échoué au Parlement à fondre en mode express l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales, sur fond de craintes pour la transparence, l'indépendance et la qualité de l'expertise. L'exécutif, qui a toujours dit son intention d'aller au bout de ce projet, attendait le rapport de l'Opecst. La réforme, décidée à huis clos à l'Élysée le 3 février, vise à "fluidifier" les décisions de l'ASN, alors qu'Emmanuel Macron veut relancer le nucléaire et faire construire six nouveaux réacteurs en France.
« AISNR »
Les auteurs de ce rapport recommandent de donner à la nouvelle autorité résultant de cette fusion "un nom rappelant son caractère indépendant", et proposent "Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection, ou AISNR".
Ils souhaitent "un calendrier resserré de mise en œuvre de la réforme, qui devrait idéalement avoir abouti d'ici fin 2024", mais appellent avant cela à "un texte législatif dûment débattu au Parlement". Les deux élus suggèrent également d'augmenter "significativement, dès 2024, les effectifs affectés aux activités de la sûreté nucléaire civile et de radioprotection, tant en matière de contrôle, d'expertise que de recherche".
Pour ce faire, ils préconisent de "renforcer l'attractivité des métiers, en particulier en veillant à rendre les rémunérations concurrentielles avec celles offertes par d'autres établissements publics et les entreprises du même secteur". Cette recommandation s'assimile à un moyen de rassurer les syndicats de l'IRSN, fermement opposés à cette réforme, qui pour eux place dans l'inconnu le sort de la recherche (aujourd'hui une grande part de l'activité de l'Institut) et risque d'entraîner une fuite des cerveaux vers d'autres acteurs du nucléaire.
Depuis l'annonce des intentions présidentielles, liées notamment au rapport d'un ancien dirigeant du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) classé "confidentiel défense", les salariés de l'IRSN mais aussi des scientifiques, des experts du nucléaire, des parlementaires, sont vent debout contre ce projet de regroupement des deux entités.
Le système dual actuel - à l'IRSN l'expertise, à l'ASN la décision - est né au début des années 2000 des leçons de la catastrophe de Tchernobyl puis des crises sanitaires des années 1990, avec la séparation entre les fonctions d'expertise et celles de gestion du risque: le travail de l'expert doit être guidé par le seul critère de sûreté, loin des préoccupations des exploitants.
Les critiques de la réforme se préoccupent aussi de la transparence, puisque la loi depuis 2016 imposait à l'IRSN de publier ses avis au fil de l'eau.
Parmi leurs recommandations, les deux parlementaires suggèrent de "maintenir une publication distincte des rapports d'expertise" et des décisions de l'autorité. Mais ils recommandent aussi de rendre ces deux publications désormais "concomitantes". Il en serait ainsi fini des expertises publiées en amont.