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C'est la rentrée : sur les réseaux sociaux, un groupe de BTP recherche un ingénieur d'affaires en transition énergétique en Auvergne-Rhône-Alpes. Une filiale d'EDF cherche aussi en Occitanie. Et les écoles ont du mal à répondre à la demande croissante d'ingénieurs et techniciens.
Pourquoi des esprits scientifiques, chargés de concevoir des solutions industrielles, sont-ils à ce point sollicités pour répondre au défi du dérèglement climatique ? Pourquoi des ingénieurs et des techniciens sont-ils recherchés, alors que c'est précisément l'activité (industrielle) humaine qui émet du CO2 dans l'atmosphère, fait monter la température, déclenche la fonte des glaciers, brûle les forêts et accélère les inondations ?
Parce que la transition énergétique "va passer dans une phase de croissance plus importante qu'avant", répond Clarisse Magnin, directrice-générale du cabinet de conseil en stratégie McKinsey France, après un été brûlant.
Par transition, il faut entendre électrification du monde pour remplacer les énergies fossiles - charbon, pétrole et gaz. Il faut aussi entendre adaptation et "massivement former encore plus d'ingénieurs (...) tout en gardant la base d'excellence", résume Mme Magnin au cours d'un entretien avec l'AFP. "On a de très gros trous dans la production d'ingénieurs, même si on a un système de très grande qualité", ajoute-t-elle.
De nombreux employeurs, notamment dans les industries de pointe, "font part de leurs difficulté à recruter des profils techniques pour leurs usines", relève McKinsey dans le rapport "Redéfinir les stratégies industrielles à l'aune des grandes mutations récentes" publié cet été.
« Renaissance industrielle »
Or, selon l'association Ingénieurs et scientifiques de France (IESF), alors que la France aurait besoin de 60 000 ingénieurs supplémentaires chaque année, elle ne compte que 44 000 nouveaux diplômés par an.
Les chantiers de la transition des décennies à venir iront du recyclage de métaux et matériaux à l'invention de climatiseurs ou chauffages non polluants, en passant par le développement de batteries automobiles, d'électrolyseurs ou la rénovation énergétique de masse dans le secteur du bâtiment.
"Il va falloir surtout beaucoup d'ingénieurs dans la première phase, puis ensuite progressivement beaucoup de techniciens pour les mises en place", détaille Philippe Boucly, président de France Hydrogène, un organisme qui regroupe les acteurs de ce secteur en plein boom.
L'hydrogène est un cas d'école. Il doit muter du secteur de la chimie vers celui de l'énergie. L'hydrogène gris, fortement émetteur de CO2, produit aujourd'hui à partir de méthane, doit laisser la place à l'hydrogène propre, issu de l'électrolyse de l'eau avec de l'électricité décarbonée. Il doit remplacer le charbon fossile de la sidérurgie et servir au stockage de l'énergie renouvelable.
Autant de machines et de procédés nouveaux à lancer, qui caractérisent une "renaissance industrielle", selon Hugues Lavandier, co-auteur du rapport McKinsey.
« Attirer plus de jeunes-filles »
Pour Laurent Tardif, président de la Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication (FIEEC) et administrateur de Centrale-Supelec, l'une des plus grandes et des plus prestigieuses écoles d'ingénieurs françaises, la seule solution pour augmenter les effectifs sans baisser le niveau --c'est-à-dire sans supprimer les classes préparatoires sélectives de mathématiques et physique post-bac-- "c'est d'attirer plus de jeunes-filles" dans les prépas scientifiques, bastion encore très masculin.
Centrale Supelec a lancé depuis deux ans des "summer camps" à son siège de Saclay pendant l'été, accueillant des élèves de seconde et leurs familles, afin de leur montrer l'école, et leur expliquer ce que fait un ingénieur. "Nous avons eu 40 jeunes filles la première année et 150 l'an dernier, au concours d'entrée, nous avons aussi ouvert des places réservées aux élèves des prépas biologie, majoritairement féminines", explique M. Tardif.
D'autres initiatives sont promues, comme "Cap ingénieuse" qui vise à faire découvrir les sciences aux écoliers du primaire par des élèves ingénieurs et ingénieures, afin aussi de "déconstruire les préjugés de genre".
Mais les progrès peinent à se matérialiser. Depuis une décennie, les filles stagnent autour de 28% des élèves dans les 204 écoles françaises (154 publiques et 50 privées), selon IESF qui s'inquiète par ailleurs d'une "baisse de la satisfaction au travail" des jeunes ingénieurs, laquelle "alimente le discours sur le grand renoncement et la démission tranquille".