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Un outil crucial contre le changement climatique: la Chine a lancé vendredi son "marché carbone", qui devrait l'aider à réduire ses rejets de gaz à effet de serre -- dont elle est la première émettrice mondiale.
Conscient des risques environnementaux et sociétaux posés par le réchauffement, le pays asiatique, plus gros investisseur dans les énergies nouvelles, entend être un des leaders planétaires sur la question du climat.
La Chine, qui s'est engagée à atteindre le pic de ses émissions carbonées (d'ici 2030) puis la "neutralité carbone" (d'ici 2060), devrait ainsi être une actrice majeure du sommet de l'ONU sur le climat en novembre à Glasgow (COP26).
Concrètement, le nouveau marché chinois du carbone lancé vendredi obligera des milliers d'entreprises du pays à réduire leurs émissions polluantes, sous peine de subir des pertes économiques.
Mais comment marche ce système?
Il fixe pour la première fois des plafonds de pollution pour les entreprises. Si ces dernières sont incapables de respecter ces quotas, elles doivent acheter des "droit de polluer" à d'autres entreprises ayant une empreinte carbone plus faible.
Des interrogations subsistent toutefois quant à l'ampleur (réduite par rapport au projet initial) et à l'efficacité du système (avec un faible prix attribué à la pollution).
La Chine évoquait l'idée d'un marché carbone depuis déjà une décennie. Mais les progrès étaient régulièrement entravés par les industriels du charbon et par des politiques publiques favorisant une croissance rapide au détriment de l'environnement.
- Faible prix -
Le système couvrira initialement 2.162 producteurs chinois d'électricité, a annoncé vendredi Huang Runqiu, le ministre chinois de l'Environnement.
Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIA), ces compagnies génèrent environ un septième des émissions mondiales de carbone dues à la combustion d'énergies fossiles.
La banque américaine Citigroup estime que 800 millions de dollars de "permis de polluer" seront achetés cette année en Chine, puis 25 milliards d'ici 2030.
Le marché carbone chinois devrait alors représenter en valeur commerciale environ un tiers de celui de l'Union européenne (UE) -- actuellement le plus important.
Selon l'agence de presse Chine nouvelle, le nouveau système chinois d'échanges de quotas d'émissions est toutefois déjà "le plus grand du monde" en termes de quantité d'émissions couvertes.
À l'origine, le dispositif mis en place par Pékin devait toutefois avoir une portée beaucoup plus large, couvrant sept secteurs, dont l'aviation et la pétrochimie.
Mais le gouvernement a "revu ses ambitions à la baisse", la croissance économique étant considérée comme prioritaire dans le contexte de la relance post-Covid, note Lauri Myllyvirta, analyste du Centre de recherche sur l'énergie et l'air pur (CREA).
Autre souci des écologistes: le faible prix de la pollution.
La première transaction fixait ainsi vendredi matin à 52,7 yuans (8 dollars) la tonne de carbone.
- "Instabilité sociale" -
Et le prix moyen ne devrait tourner qu'aux alentours de 4,60 dollars cette année en Chine, soit bien moins que les 49,40 dollars dans l'UE, selon une récente note de la banque chinoise Citic Securities.
D'après l'organisation britannique TransitionZero, la distribution de permis de polluer gratuits et l'imposition d'amendes modestes en cas de non-respect des règles vont maintenir les prix à un niveau bas.
Bref, si la politique environnementale de la Chine semble désormais s'aligner sur ses objectifs climatiques, "il reste encore un long chemin à parcourir", estime Zhang Jianyu, de l'association écologiste américaine Environmental Defense Fund.
Mais Pékin a souligné que le marché carbone n'en est qu'à ses balbutiements.
Le programme sera étendu aux producteurs de ciment et aux fabricants d'aluminium dès l'année prochaine, a indiqué Zhang Xiliang, concepteur du nouveau système.
"L'objectif est de couvrir jusqu'à 10.000 entreprises émettrices, responsables d'environ 5 milliards de tonnes de carbone d'émissions supplémentaires par an", a-t-il souligné.
D'autres facteurs pourraient ralentir les progrès, comme le manque de savoir-faire technique ou encore la pression des puissants lobbies du charbon et de l'acier.
Les provinces dont la croissance dépend du charbon et des industries très "carbonées" ont traîné des pieds, note Huw Slater, de l'organisation China Carbon Forum (CCF).
"Les responsables politiques (locaux) craignent que s'ils réduisent la pollution trop rapidement, cela pourrait entraîner des suppressions d'emplois et donc de l'instabilité sociale", selon M. Slater.