Procès pour favoritisme : l'ex-PDG d'EDF réfute toute faute personnelle et plaide « l'efficacité »

  • AFP
  • parue le

"Je n'avais aucun intérêt personnel dans cette démarche autre que l'efficacité" : l'ex-PDG d'EDF, Henri Proglio, s'est vigoureusement défendu mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris d'avoir voulu "contourner les règles" en contractant avec des consultants sans mise en concurrence.

Environ 22 millions d'euros, montant jugé négligeable

Jugé pour "favoritisme" à cause de 44 contrats litigieux conclus pour environ 22 millions d'euros, l'ancien patron de l'électricien (2009-2014) a expliqué que les montants en question étaient négligeables comparés aux revenus de l'entreprise, qui se chiffraient en centaines de milliards.

La justice reproche à M. Proglio, 74 ans, et à EDF en tant que personne morale la manière dont l'entreprise a contracté avec des communicants, anciens dirigeants d'entreprises, magistrats, avocats ou journalistes, pour leur confier des missions de "conseil en communication", "conseil stratégique", "gestion des risques", "renseignement" ou "lobbying".

Ces missions, rémunérées de 40 000 à 4 millions d'euros sur plusieurs années, ont été conclues de gré à gré, alors qu'elles auraient dû faire l'objet d'une mise en concurrence, estime le parquet national financier (PNF).

Parmi les consultants, le parquet a décidé de ne pas poursuivre ceux ayant perçu moins de 400 000 euros. Onze personnes qui ont touché davantage sont cependant jugées pour "recel de favoritisme".

Elles doivent être entendues à partir de jeudi.

À la barre, M. Proglio, qui encourt deux ans de prison et 200 000 euros d'amende, a expliqué qu'à son arrivée à la tête de l'entreprise, en 2009, il avait voulu renforcer la "probité" en matière de contrats de consulting.

Il a insisté pour diminuer leur nombre, et demandé à l'un de ses collaborateurs - dont le dossier a été disjoint pour raisons de santé - de rédiger une note pour cadrer le processus. Elle recommandait de contourner la direction des achats de l'entreprise, et de choisir les consultants d'abord pour leur notoriété.

"J'avais trop vécu d'expériences traumatisantes, à cause de contrats signés avec des apporteurs d'affaires douteux ou des gens sortant de nulle part", a argumenté l'ancien dirigeant.

« Il n'était pas le seul spécialiste du nucléaire en France ? »

Parmi les contrats évoqués à l'audience, l'un concernait le physicien et ancien ministre Claude Allègre, payé 336 000 euros (hors taxe) pour exercer du lobbying pronucléaire.

"Il n'était pas le seul spécialiste du nucléaire en France ?", s'enquiert benoîtement le représentant du PNF, Sébastien de La Touane.

"Il avait une réputation, une crédibilité, et je n'en connaissais pas d'autres", répond M. Proglio. La réplique ironique du procureur est immédiate : "ce que prévoit la loi, c'est qu'en faisant un appel d'offres, on peut justement savoir si d'autres personnes ont la compétence !"

Un autre contrat concernait le consultant basé en Suisse Alessandro Benedetti, payé 4 millions d'euros parce qu'il avait aidé EDF à racheter en 2012 l'électricien italien Edison. Il était l'homme de la situation, pour sa connaissance du dossier et ses relations en Italie, explique en substance M. Proglio, pour qui l'alternative aurait été de faire appel à une banque d'affaires, ce qui aurait coûté 160 millions d'euros.

« Barbouzeries »

Le président Benjamin Blanchet se demande de son côté si M. Proglio n'aurait pas voulu "dissimuler certains contrats, compte tenu de leur caractère particulièrement sensible".

Par exemple, insiste-il, parce que certaines missions semblaient porter sur la situation personnelle du patron, notamment sur ses chances d'être reconduit dans ses fonctions - nommé sous Nicolas Sarkozy, en 2009, il sera finalement remercié sous François Hollande, en 2014.

"Je n'ai rien cherché à dissimuler", assure l'ex-PDG.

Autres questions dérangeantes pour le principal prévenu : celles concernant un étrange mémo d'une dizaine de pages, retrouvé par les enquêteurs chez Anne Méaux, patronne de l'agence de communication Image7.

On y lit que les consultants auraient été recrutés par M. Proglio afin de "promouvoir ses intérêts et lui rendre des services en tous genres". Et qu'un journaliste aurait été rémunéré par l'entreprise pour enterrer un livre sur Rachida Dati.

"C'est à dormir debout ! N'importe quoi", s'agace l'ancien patron, tandis que les avocats de la défense s'offusquent que le parquet donne crédit à de telles "barbouzeries".

Le procès est prévu jusqu'au 30 mai.

Ajouter un commentaire