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Une semaine à peine après avoir annoncé la possibilité de vendre à perte les carburants, l'exécutif a renoncé, devant la levée de boucliers des distributeurs, un rétropédalage qui illustre la difficulté à préserver le pouvoir d'achat des Français, entre fin du quoi qu'il en coûte et volonté affichée de verdir l'économie.
Plus de vente à perte, mais une vente à prix coûtant ?
Après le front commun des distributeurs de carburants et TotalEnergies contre la vente à perte, Emmanuel Macron a annoncé dimanche soir qu'il n'y aurait plus de projet de loi autorisant cette mesure, pourtant voulue par la Première ministre Elisabeth Borne. En revanche, il a indiqué que Mme Borne allait "rassembler tous les acteurs de la filière cette semaine et leur demander de faire à prix coûtant". La rencontre aura lieu mardi après-midi à Matignon, a précisé lundi l'entourage de la Première ministre.
De l'avis des différents acteurs, cet appel aura un impact limité : "plusieurs enseignes la pratiquent déjà de manière régulière", a ainsi déclaré Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD). Et du côté des 2 400 stations indépendantes, ce mot d'ordre est impossible à appliquer : "on va continuer à creuser les écarts avec nous, les fameux 2 400 qui n'avons pas les moyens d'avoir notre bouclier tarifaire comme chez les 3 400 de chez TotalEnergies", qui a déjà mis en place un plafond de 1,99 euro par litre, a indiqué Francis Pousse, président du syndicat professionnel Mobilians, représentant 5 800 stations-service hors grandes surfaces.
"Ce sera assez marginal", a renchéri Patrice Geoffron, professeur à l'université Paris-Dauphine et directeur de l'équipe énergie-climat, qui a rappelé que la grande distribution vend les carburants avec des marges de "quelques centimes", donc "ça ne changera pas la donne, d'où le fait de ressortir un chèque carburant".
Quel impact pour le chèque carburant ?
Le chef de l'État a en effet annoncé dimanche une aide directe, "limitée aux travailleurs" et aux plus modestes, de "100 euros par voiture et par an". Il s'agit en fait d'une reconduction de "l'indemnité carburant travailleur" mise en œuvre début 2023, a expliqué Bercy. La mesure s'appliquera début 2024, après son passage au Parlement, et devrait coûter environ 500 millions d'euros.
Selon Bercy, cela correspond à une aide de 20 centimes par litre pendant six mois pour un automobiliste roulant 12 200 km/an avec un véhicule consommant 6,5 litres aux 100 km. Un calcul optimiste, de l'avis général des observateurs interrogés par l'AFP : "100 euros, ça correspond à dix centimes d'aide annuelle pour quelqu'un qui roule 12 000 kilomètres, ce qui est la moyenne nationale des Français", a estimé Francis Pousse.
Baisser les taxes, une option réaliste ?
Entre août 2003 et août 2023, les prix du gazole et de l'essence ont respectivement augmenté de 138% et de 92%, selon un calcul de l'AFP à partir de données de l'Insee.
"La hausse du prix des carburants s'explique par des phénomènes de fond sur lesquels le gouvernement français a peu de prise", a souligné le cabinet Asterès, qui rappelle que la principale cause est "la hausse du prix du baril" de pétrole, passé de 75 dollars en juin pour le baril de Brent à plus de 90 dollars en septembre, du fait de la volonté de l'Arabie Saoudite et de la Russie de brider la production pour soutenir les prix.
Et le phénomène va se poursuivre, selon le président de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) Fatih Birol, pour qui il faut s'attendre à "un resserrement des marchés" d'ici décembre.
Ne reste donc comme levier qu'une baisse des taxes, qui comptent en France environ pour 60% des prix à la pompe, une option exclue par l'exécutif, qui tient au "verdissement" de la fiscalité et a prononcé la fin du quoi qu'il en coûte. De nombreuses voix dans l'opposition la réclament, mais cette option n'est "pas souhaitable" pour Patrice Geoffron : "accélérer la transition, sur la route en particulier, c'est non seulement un impératif environnemental (...) mais c'est aussi un impératif économique" et un impératif d'indépendance, selon lui. Réduire de 30% les émissions de CO2 permettrait selon lui, d'économiser "100 milliards d'euros de pétrole et de carburants" d'ici 2030.