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ExxonMobil a exposé mercredi sa vision d'un avenir à "faible émission en carbone" mettant l'accent sur la capture du CO2 tout en continuant à pomper à plein, un projet qui laisse sceptiques certains activistes poussant le géant pétrolier à devenir plus vert.
L'entreprise américaine, qui a lancé début février une filiale dédiée aux énergies moins polluantes, "se concentrera dans un premier temps" sur les technologies de capture et de stockage du carbone.
Ces dernières consistent à capter le CO2 produit par des activités industrielles et à le réinjecter dans des réservoirs géologiques hermétiques pour l'y stocker définitivement.
ExxonMobil y travaille depuis plusieurs décennies et estime que son coût est "bien inférieur" à d'autres technologies de réduction des émissions.
Toujours dans l'optique d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris de limiter l'augmentation de la température, ExxonMobil veut parallèlement miser sur l'hydrogène.
Négociant le tournant des impératifs du changement climatique, ExxonMobil avait déjà annoncé la diminution de 15% à 20% de l'intensité des émissions de ses activités d'exploration et d'exploitation du pétrole d'ici 2025 par rapport à 2016.
Le groupe a aussi nommé lundi à son conseil d'administration Jeffrey Ubben, co-fondateur d'une société d'investissement qui promeut des pratiques prenant plus en compte l'environnement.
Prix carbone
ExxonMobil prévoit au total d'investir 3 milliards de dollars dans les solutions visant à abaisser les émissions d'ici 2025.
Cela reste très loin des montants promis par d'autres géants du secteur, comme le britannique BP qui souhaite multiplier par 10 ses investissements dans les énergies à faible émission carbone d'ici 2030, pour atteindre alors 5 milliards de dollars par an.
Cette somme est aussi bien loin des 20 à 25 milliards de dollars au total que le groupe prévoit de dépenser chaque année entre 2022 et 2025 pour alimenter sa croissance, principalement via de nouveaux projets d'exploration de pétrole et de gaz.
Les responsables d'ExxonMobil ont aussi insisté mercredi sur le fait que le développement des technologies destinées à lutter contre le changement climatique dépendrait des incitations financières proposées par les gouvernements.
"Nous ne savons pas encore comment parvenir à la neutralité carbone", a reconnu le PDG d'ExxonMobil, Darren Woods, auprès de journalistes. "Mais une fois que certaines innovations auront été faites, on pourra s'engager plus franchement", a-t-il ajouté.
Surtout, instaurer un prix au carbone est à ses yeux "fondamental" pour permettre au marché "d'allouer efficacement les ressources afin de réduire les émissions de CO2 au coût le moins élevé possible pour la société".
Certains groupes accueillaient fraîchement les annonces d'ExxonMobil.
Engine N°1, un actionnaire qui milite pour que la major pétrolière envisage plus sérieusement les énergies alternatives, a ainsi déploré dans un communiqué "le manque d'efforts sérieux de diversification" et "l'espoir que la capture du carbone va permettre à l'entreprise d'éviter d'avoir à évoluer à long terme".
Les techniques de capture et stockage du carbone se heurtent encore à de nombreux obstacles techniques et financiers.
Les ONG de défense de l'environnement sont depuis longtemps dubitatives face aux risques de fuite du CO2 stocké ou au fait que cela justifie la poursuite des émissions.
La "Coalition unie pour un Exxon responsable", un ensemble regroupant des ONG, des fonds de pension et des fondations, a aussi estimé mercredi que la société pétrolière devait "s'engager pour un tournant plus profond et à plus long terme de sa stratégie d'allocation du capital" pour se concentrer sur les actifs les plus rentables et réduire ses émissions.
Il reste encore beaucoup de questions sur la façon dont ExxonMobil peut vraiment donner de l'ampleur à la capture de carbone et à l'hydrogène, auxquelles l'entreprise n'accordait que peu d'attention jusqu'ici, souligne également Peter McNally, analyste pour Third Bridge.
Le groupe, qui a perdu 22 milliards de dollars en 2020 face à l'effondrement des prix du pétrole, a aussi "clairement indiqué (mercredi) que les flux de trésorerie excédentaires iraient à la réduction de la dette et non à des investissements de portefeuille supplémentaires", dans le pétrole ou les énergies renouvelables, a-t-il noté.
Au moins, ExxonMobil semble avoir cessé de viser à tout crin une hausse à long terme de la production d'hydrocarbures, remarque Andrew Logan de l'ONG Ceres. Mais "même si Exxon évolue" sur la question de l'environnement, "le fossé entre son action et celle de ses concurrents s'agrandit", estime-t-il.