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Face aux vives contestations contre le président de la COP28, patron de la compagnie pétrolière nationale émiratie, le chef de l'ONU Climat Simon Stiell salue "l'éclairage unique" que Sultan al-Jaber apporte aux négociations grâce à son expérience dans les énergies fossiles comme dans les renouvelables.
Le processus de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) "est un processus inclusif : une personne, une entité, un pays n'a pas toutes les réponses, il faut la contribution et les connaissances de tous", déclare son secrétaire exécutif dans un entretien à l'AFP, à l'ouverture des négociations climat de Bonn, à six mois de la COP28 à Dubaï.
Et "avoir l'expérience de M. Sultan, sa connaissance de l'industrie, ce qu'il a fait à la fois dans le secteur du gaz et du pétrole mais aussi des énergies renouvelables lui donne un éclairage unique", souligne Simon Stiell, lui-même ancien négociateur pour son pays, la Grenade, qui s'est illustré en défendant agressivement les intérêts des nations les plus vulnérables du monde face au réchauffement climatique.
La nomination en janvier pour présider la COP28 d'un puissant patron pétrolier, industrie dont les émissions avec le charbon sont la principale cause du réchauffement climatique, ne cesse de susciter la controverse chez les militants environnementaux, jusqu'à un récent appel à la démission venue de parlementaires américains et européens.
"Une COP légitime est une COP sans énergies fossiles", ont répété plusieurs représentants d'ONG lundi à Bonn à l'ouverture des débats.
Pour le patron de l'ONU Climat, cette situation peut s'avérer une "chance" d'affronter sérieusement la question de la sortie des énergies fossiles. "La science est claire : nous devons réduire et sortir de toutes les énergies fossiles. Il nous faut aussi accélérer le déploiement des énergies renouvelables, ce sont les deux côtés de l'équation", rappelle M. Stiell
"Est-ce que les parties vont saisir cette chance d'explorer et de produire des décisions alignées avec la science ? Cela reste encore à voir", met-il en garde.
« Moment de vérité »
La prochaine COP, en décembre à Dubaï, fera suite au tout premier "bilan mondial" prévu par l'accord de Paris de 2015, et qui chiffrera en septembre les progrès accomplis par les nations pour réduire leur émissions.
"La finalisation de ce bilan mondial sera un moment de vérité : nous savons que nous sommes loin de la trajectoire, nous savons que le fossé est énorme entre là où nous sommes et là où nous devrions être", dit-il.
Mais le temps presse et les négociations à Bonn ont déjà commencé par un bras de fer politique sur la mise ou non à l'agenda de discussions supplémentaires sur la réduction des émissions. "Le processus multilatéral pour essayer d'amener près de 200 pays à aller dans la même direction n'est pas une chose facile", tente de rassurer le chef de l'ONU climat. "Il arrive souvent que des points de l'ordre du jour soient pris en otage, non pas parce qu'ils sont déplaisants (...) mais parce que certaines parties pensent qu'elles ont quelque chose d'autre à gagner plus tard dans les négociations".
Autre sujet de controverse: l'accent mis par l'industrie fossile dans les technologies controversées de captage de CO2.
"Pour atteindre une réduction drastique des émissions, toutes les technologies, tous les leviers doivent être utilisés", admet Simon Stiell. Ainsi cette technologie "a un rôle à jouer. Mais c'est une technologie qui n'est pas mûre et loin de fournir la réponse complète".
"Nous sommes dans des temps très difficiles, mais il y a de l'espoir", conclut l'ancien ministre de la Grenade, citant l'accélération en cours du développement des énergies renouvelables comme cause d'optimisme.
"Il existe encore un déséquilibre géographique sur les progrès réalisés. Mais il y a vraiment des signes positifs indiquant que des points de basculement potentiels se profilent à l'horizon", assure le chef de l'ONU Climat. "Et cela contrebalance les aspects négatifs, à savoir l'absence d'action et de progrès".