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Ils fixent de nouveaux quotas chaque mois mais ne parviennent plus à les respecter : pourquoi les treize membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs dix partenaires (Opep+) s'obstinent-ils dans leur stratégie ? Explications et éléments de réponse à l'occasion de la réunion du cartel jeudi.
De quand date le problème ?
Loin de sa volonté d'ouvrir les vannes à hauteur de quelque 400 000 barils par jour, l'alliance n'a quasiment pas augmenté sa production au mois d'avril : seulement 10 000 barils quotidiens supplémentaires ont été comptabilisés, selon une enquête menée par l'agence Bloomberg.
Cette stratégie de hausse graduelle a été lancée en mai 2021 pour répondre à la reprise de la demande. Au plus fort de la pandémie de Covid-19, les vingt-trois membres avaient laissé volontairement sous terre des millions de barils pour ne pas inonder le marché avec un pétrole qu'il ne pouvait pas absorber du fait des confinements et restrictions sanitaires.
La recette a fonctionné : les prix, tombés en territoire négatif au printemps 2020, sont remontés sous l'effet de cette politique. L'accalmie revenue, l'Opep+ a alors décidé de réduire progressivement ses coupes.
Si au début, les quotas étaient respectés, la tâche s'est compliquée depuis l'automne 2021 et à l'exception de février dernier, le cartel a échoué à remplir son objectif renouvelé de mois en mois, lors de réunions par visioconférence devenues extrêmement rapides. Avant la crise du Covid, les producteurs ne se retrouvaient que deux fois par an à Vienne en Autriche, siège du cartel.
Pourquoi l'alliance n'atteint pas ses quotas ?
Le tableau est contrasté selon les pays membres.
Parmi les mauvais élèves, l'Angola, le Nigeria, le Congo, et la Guinée équatoriale ont du mal à augmenter leur production, certains "la voyant même chuter", explique à l'AFP Neil Wilson, de Markets.com. Raison principale : "un manque d'investissement" dans les infrastructures durant la pandémie et "une mauvaise gestion", souligne Tamas Varga, analyste chez PVM Energy.
Autre État "sous-performant", la Libye, en proie à une longue et grave crise politico-institutionnelle qui a entraîné le blocage de sites pétroliers. La Russie est "sur le point de rejoindre ce groupe" en raison des sanctions occidentales, en représailles de la guerre en Ukraine, ajoute l'expert. Washington et Londres ont décidé d'arrêter les importations d'hydrocarbures russes, tandis que la Commission européenne a présenté mercredi un projet visant la suspension totale des importations de brut dans les six mois et des produits raffinés d'ici fin 2022.
À l'inverse, l'Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut, et les Émirats arabes unis ont des réserves.
Pourquoi ne pas compenser la production des États défaillants ?
"Produire plus que les quotas autorisés pour compenser la perte de production des autres pays serait chaotique", souligne Ipek Ozkardeskaya, analyste pour Swissquote. "Pomper davantage entraînerait une baisse des prix pour tout le monde, de sorte que les pays qui produisent moins gagneraient moins pour les mêmes volumes", poursuit-elle. Or, selon M. Varga, Ryad et Abou Dhabi "ne voudraient pas mettre en péril la fragile cohésion du groupe en se portant volontaires pour combler le déficit d'approvisionnement".
Devant ces quotas qui n'ont plus vraiment de sens, "il est possible que l'Opep+ décide d'abandonner complètement sa stratégie d'augmentation de la production avant la date officielle, censée être fin 2022", imagine Mme Ozkardeskaya. "Il est avantageux pour eux de sous-produire parfois afin de maintenir des prix élevés, d'autant plus que de nombreux pays tentent maintenant de trouver des alternatives au pétrole russe", note Walid Koudmani, analyste chez XTB.
Mais pour Tamas Varga, le cartel est surtout "soucieux d'envoyer un message d'unité. La suspension ou la résiliation de l'accord signifierait que l'organisation est en déroute".