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Avec plus de 80 projets en développement dans le monde, les petits réacteurs modulaires (SMR) devraient encore une fois tenir la vedette lors du salon mondial du nucléaire civil (WNE) du 28 au 30 novembre à Paris.
Une attention particulière y sera portée aux réacteurs les plus innovants, dits de 4e génération, à horizon plus lointain.
SMR et AMR, de quoi parle-t-on ?
Selon leurs promoteurs, ces SMR ("small modular reactors") pourraient jouer un rôle central dans la décarbonation et la transition énergétique, grâce à une architecture compacte et simplifiée, une conception en modules réduisant les coûts et la durée de construction, et un usage multiple.
"La petite puissance du SMR en fait un outil de décarbonation du mix énergétique à l'échelle locale en se substituant aux centrales à charbon, mais aussi grâce à ses applications non électrogènes (production de chaleur ou d'hydrogène)", souligne Jean-Michel Ruggieri, directeur de l'Institut de recherche sur les systèmes nucléaires pour la production d'énergie bas carbone (Iresne) au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).
"Un SMR n'est pas seulement un +petit+ réacteur", il s'agit d'"adapter le réacteur à sa petite puissance, inférieure à 300 MW", a-t-il expliqué aux journalistes lors d'une visite au centre de recherche du CEA de Cadarache (Bouches-du-Rhône).
Modulaires, ces réacteurs seront dotés de composants pouvant être fabriqués en usine et facilement transportés sur leur lieu d'implantation, promettant ainsi des délais et coûts de fabrication inférieurs.
Autre atout du SMR: sa petite puissance - en comparaison aux modèles actuels dans le monde offrant des puissances de 900 à 1.750 MW - le rend moins gourmand en combustible et permet d'avoir une "sûreté intrinsèque avec des systèmes passifs intégrés" ne nécessitant pas d'énergie en cas d'incident, poursuit M. Ruggieri, ancien chef du programme SMR au CEA.
Course à l'innovation
A ce jour, les seuls SMR en service se trouvent en Russie, où la première centrale nucléaire flottante au monde produit de l'énergie à partir de deux SMR de 35 MW chacun. D'autres SMR sont en construction ou au stade de l'autorisation en Argentine, au Canada, en Chine, en Corée du Sud. En France, le premier modèle - le projet Nuward - est attendu en 2030, pour le premier béton de la tête de série.
Aux Etats-Unis, l'entreprise NuScale a annoncé la semaine dernière la suspension de la commercialisation du premier SMR américain, faute de clients, refroidis par l'annonce récente d'une hausse des coûts.
Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), plus de 80 projets sont en cours de développement dans 18 pays. Ces SMR ciblent des puissances variées et différentes applications, comme l'électricité, les systèmes énergétiques hybrides, le chauffage, le dessalement de l'eau de mer ou encore la vapeur pour les applications industrielles.
En France, pays le plus nucléarisé au monde avec 56 réacteurs pour 68 millions d'habitants, le projet de SMR Nuward, porté par EDF en partenariat avec le CEA, Navalgroup, Framatome et Tractebel, utilise une technologie de réacteur à eau pressurisée (REP) utilisée dans le parc électro-nucléaire français actuel, mais bénéficie de technologies innovantes avec notamment des générateurs de vapeur à plaques intégrés dans la cuve, qui en font l'un des plus compacts de sa catégorie (moins de 15 m de hauteur).
Immergée dans un bassin d'eau pressurisée, la cuve contient deux réacteurs de 170 MW, pour une puissance globale (340 MW) comparable à celle d'une centrale à charbon, et est multi-usages, pouvant produire de l'électricité mais aussi de la chaleur ou de l'hydrogène.
Et après ?
A plus long terme, à l'horizon 2050, voire 2080, d'autres réacteurs innovants (AMR, "advanced modular reactors"), présentant des "ruptures technologiques", seront capables de digérer les déchets nucléaires existants, affirme M. Ruggieri.
"L'objectif est de fermer le cycle du combustible nucléaire", en utilisant "au maximum les matières, comme l'uranium à 100%, et en minimisant l'ensemble des déchets", insiste-t-il.
Au printemps, le CEA, premier organisme de recherche déposant de brevets en Europe, a ainsi lancé deux start-ups pour développer cette nouvelle génération de petits réacteurs nucléaires. Toutes deux s'appuient sur les technologies développées au CEA, avec des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium ou à sels fondus, qui pourront réutiliser non seulement leurs propres déchets mais également ceux des réacteurs conventionnels.