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L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a demandé des éclaircissements à l'Iran, jugeant "non crédibles techniquement" les informations fournies sur un site suspect, selon un rapport particulièrement scruté après la présidentielle américaine qui a vu la défaite de Donald Trump.
Après un bras-de-fer de plusieurs mois, Téhéran avait fait montre de coopération en autorisant, en septembre, des inspecteurs à accéder à deux sites soupçonnés d'avoir abrité dans le passé des activités nucléaires non déclarées. Les résultats d'analyses ne sont pas encore disponibles mais un troisième site pose question, et c'est celui-là qu'a pointé l'AIEA dans ce document consulté mercredi par l'AFP.
L'agence onusienne, qui déplore "le temps" perdu, réclame "des explications complètes et rapides de l'Iran concernant la présence de particules d'uranium anthropogénique (résultant d'activités humaines) sur un site non déclaré". Sa localisation n'a jamais été précisée officiellement, mais des sources diplomatiques ont indiqué à l'AFP qu'il s'agissait d'un entrepôt du district de Turquzabad de la capitale, dénoncé par le gouvernement israélien.
Le directeur général de l'AIEA, Rafael Grossi, avait déjà fait part en mars de son inquiétude à ce sujet. "Évitons les commentaires hâtifs", a répliqué l'ambassadeur iranien auprès de l'AIEA, Kazem Gharib Abadi. "Malgré les différences techniques entre les deux parties, les interactions continuent afin de parvenir à une résolution de la question", a-t-il écrit sur Twitter.
12 fois la limite autorisée
Sans surprise, Téhéran continue par ailleurs à accumuler de l'uranium, même si le rythme a légèrement ralenti : la quantité d'uranium faiblement enrichi dépasse désormais de 12 fois la limite autorisée, d'après le rapport. Elle atteignait à la date du 2 novembre 2 442,9 kilos pour une limite autorisée à 202,8 kg (ou 300 kg équivalent UF6). Dans le précédent rapport remontant à septembre, ce stock était de 2 105,4 kg.
Le rapport confirme également l'installation de "centrifugeuses avancées" dans une partie souterraine de l'usine de Natanz (centre), après qu'une autre installation du site a été touchée début juillet par une explosion qualifiée de "sabotage" par Téhéran. L'Iran poursuit donc sa trajectoire de production d'uranium, en riposte au retrait américain de l'accord signé en 2015 à Vienne et au rétablissement par l'administration Trump des sanctions qui ont plongé le pays dans une profonde récession.
Pour le président iranien Hassan Rohani, l'élection de Joe Biden offre aux États-Unis la possibilité "de se rattraper" pour leurs "erreurs passées". "Notre but est de briser la pression des sanctions qui accable notre peuple", a-t-il insisté mercredi, appelant à saisir chaque occasion.
En cas de levée des sanctions, et à ces conditions seulement, l'Iran a promis de revenir au respect de ses engagements pris dans le cadre de l'accord de 2015 (JCPOA), qui avait été conclu après de fastidieuses années de négociations. Depuis que les États-Unis s'en sont retirés en 2018, ce pacte ne tient qu'à un fil, soutenu à bout de bras par les Européens (Allemagne, France, Grande-Bretagne), aux côtés de la Russie et de la Chine.
« Du temps »
Tous les regards sont maintenant tournés vers le président américain élu. Joe Biden a promis de "changer de cap" après la campagne de "pression maximale" exercée par Donald Trump, coupable selon le démocrate d'avoir rapproché "l'Iran de la bombe atomique".
"La quantité (d'uranium enrichi) augmente de mois en mois", avait souligné M. Grossi dans la presse autrichienne en octobre. Ce stock est cependant "bien moindre" qu'en 2015, avait-il précisé, rappelant que l'Iran n'avait pas à ce stade les moyens requis pour la fabrication d'une bombe.
Alors l'élection de Joe Biden va-t-elle provoquer "un sursaut diplomatique" ? "Il sera intéressant de voir" comment se positionnera la mission américaine, lors du Conseil des gouverneurs de l'AIEA prévu la semaine prochaine, confie une source diplomatique à Vienne. Elle met en garde cependant contre un excès d'enthousiasme. Il faudra "du temps" avant que ne se dessine "un changement de position complet", dit-il. "Il y a tout un tas de mikado juridiques que l'administration américaine va devoir lever".
La période propice est en outre de courte durée car moins de cinq mois sépareront l'investiture de Joe Biden (20 janvier) de la présidentielle iranienne (18 juin), qui pourrait sonner le glas de l'alliance des réformateurs et modérés formée autour de M. Rohani.