Mozambique : les ambitions gazières de Total contrariées mais certainement pas stoppées

  • AFP
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Les violences au Mozambique risquent a minima de retarder un projet géant mené dans le gaz naturel liquéfié (GNL) par le groupe français Total, qui a toutefois d'autres moyens de se développer dans cette activité hautement stratégique.

Des dizaines de civils ont été tués ces derniers jours lors d'une spectaculaire attaque djihadiste dans le nord du pays, dans la ville de Palma, tandis que des milliers de personnes fuyaient la zone.

Total a annoncé samedi la suspension de ses opérations sur l'important projet gazier qu'il mène à une dizaine de kilomètres de la ville. Et ce seulement quelques jours après avoir annoncé la reprise de la construction, gelée pendant des mois, de ce complexe qui doit, à terme, liquéfier, stocker et expédier du gaz naturel exploité dans la zone.

Le projet Mozambique LNG, mené par Total au sein d'un consortium, représente un investissement total de 20 milliards. Un financement de près de 15 milliards, le plus gros jamais signé en Afrique, avait été bouclé l'été dernier.

Le PDG de Total Patrick Pouyanné assurait en février que le projet, hérité de l'américain Anadarko, était encore "sur les rails" pour produire en 2024. Il indiquait s'être mis d'accord avec le président mozambicain Filipe Nyusi pour qu'une "zone d'au moins 25 km autour de ce site" soit sécurisée par les autorités avant la reprise de l'activité. Un objectif désormais lointain, alors que Palma est tombée aux mains des djihadistes.

« Peut-être deux ans »

"Est-ce que Total reviendra ? Pas à court terme. Cela prendra peut-être deux ans pour que des instructeurs américains, portugais et autres forment une armée en état de combattre", estime Joseph Hanlon, un expert de la région à l'Open University britannique.

"Je pense que Total n'abandonnera pas, mais pourrait tout geler pendant le temps nécessaire, une année, deux années", juge pour sa part Michel Cahen, spécialiste de l'Afrique lusophone au CNRS.

"Je n'ai aucun doute sur le fait que le projet sera développé et entrera en production en dépit du degré très élevé de risque politique et de ce qui vient de se passer à Palma" même s'il "peut évidemment être reporté", abonde Francis Perrin, chercheur associé au Policy Center for the New South (Rabat) et directeur de recherche à l'IRIS (Paris).

Ce dernier souligne toutefois que Total s'est quoi qu'il en soit suffisamment diversifié pour ne pas dépendre de ce seul projet. "Ils ont actuellement en exploitation dans le monde dix usines de liquéfaction du gaz naturel" et "couvrant les grandes régions mondiales", souligne-t-il. Ainsi même sans le Mozambique, Total "resterait un grand du GNL".

Le GNL représente en effet un pilier très important de la stratégie de Total dans sa quête de diversification et de verdissement.

Manne gazière

La demande pour cette énergie, moins émettrice de CO2 que le pétrole et surtout le charbon lors de la combustion, a d'ailleurs continué à croître l'an dernier, malgré la crise sanitaire et économique, quand les autres sources d'énergie fossile déclinaient.

Ce gaz refroidi à - 163 degrés Celsius, relativement bon marché, peut de plus être facilement acheminé par bateau au plus près des lieux de consommation.

Total, qui s'est hissé au deuxième rang mondial des compagnies privées (derrière Shell) dans ce domaine, n'a donc pas mis tous ses œufs dans le même panier. "Total a d'autres intérêts en Afrique, n'a dépensé qu'une petite partie des 20 milliards du projet et peut toujours s'en aller. Et même s'ils reviennent plus tard, ils demanderont un accord beaucoup plus favorable au Mozambique", souligne pour sa part Joseph Hanlon.

Si Total peut potentiellement se passer de ce gaz, le gouvernement du Mozambique a misé gros sur l'espoir de devenir l'un des plus gros exportateurs de GNL au monde. Un deuxième projet géant (Rovuma LNG) doit aussi être mené par l'américain ExxonMobil et l'italien Eni.

Selon le cabinet spécialisé WoodMackenzie, le projet Mozambique LNG doit à lui seul rapporter 3 milliards de dollars par an de revenus à l'Etat à partir du début des années 2030. Soit une manne extraordinaire pour ce pays dont le PIB est de quelque 15 milliards de dollars.

"Cette nouvelle guerre civile n'a pas été directement provoquée par la découverte de ces ressources gazières", observe au passage Michel Cahen, pour qui l'origine du conflit est à chercher dans une "dissidence salafiste locale", non dans une lutte pour le contrôle des ressources. "Si Total est attaqué, c'est en tant qu'allié du gouvernement mozambicain", juge le spécialiste.

Commentaires

Robert Mioche
"Total a d'autres intérêts en Afrique, n'a dépensé qu'une petite partie des 20 milliards du projet et peut toujours s'en aller. Et même s'ils reviennent plus tard, ils demanderont un accord beaucoup plus favorable au Mozambique", souligne pour sa part Joseph Hanlon. Joseph Hanlon est journaliste pas expert en project management. Sait-il que les contrats du projet sont principalement lump sum avec des clauses d'annulation extrêmement strictes? L'exposition de TOTAL sur le cout total du projet est majeure et devrait être vérifiée par les auteurs de cet article

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