Malgré une déconvenue, les petits réacteurs nucléaires américains vont de l'avant

  • AFP
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L'annulation d'un projet majeur et la flambée des coûts représentent de nouveaux obstacles pour l'industrie naissante des petits réacteurs nucléaires américains, qui croit néanmoins toujours à de premières mises en service d'ici la fin de la décennie.

L'année 2023 s'est mal terminée pour les SMR (small modular reactor), réacteurs de nouvelle génération considérés comme l'avenir du secteur, avec l'annulation de la construction du site de la startup NuScale dans l'Idaho.

Son projet était d'autant plus scruté que son SMR était le seul à avoir été homologué par la Commission américaine de régulation du nucléaire (NRC).

Le désengagement de certaines collectivités et l'explosion de la facture estimée, passée de 5,3 à 9,3 milliards de dollars, ont eu raison de l'infrastructure.

"L'effondrement du projet de NuScale devrait annoncer la fin des SMR", exhortait même M.V. Ramana, professeur à l'université canadienne de Colombie britannique (UBC), spécialisé dans la sécurité énergétique, dans une tribune publiée sur le site Utility Dive.

"C'est facile de se concentrer sur le négatif mais il y a eu aussi beaucoup de développements positifs" ces derniers mois, tempère Mason Lester, analyste de S&P Global Commodity Insights.

Il mentionne le site de Darlington, en Ontario (Canada), toujours sur les rails et dont l'échéance est la plus rapprochée en Amérique du Nord, avec une mise en service de réacteurs BWRX-300 de la société commune GE Hitachi prévue pour 2029.

"Sous réserve du feu vert des régulateurs, la construction nucléaire démarrera en 2025", indique à l'AFP l'opérateur Ontario Power Generation (OPG).

La Tennessee Valley Authority (TVA), agence fédérale qui alimente en électricité plusieurs régions du sud des Etats-Unis, a également investi dans le développement du BWRX-300.

Le dossier NuScale "n'était qu'un projet" parmi d'autres, souligne John Kotek, de l'organisation professionnelle Nuclear Energy Institute.

Pour lui, "le problème n'était pas le coût initial du projet, mais le risque de le voir gonfler".

Pour éviter de nouvelles déconvenues, dit-il, "nous travaillons avec les élus pour trouver une manière de répartir les risques afin d'aider à franchir le palier de la construction des premiers modèles".

- "Standardiser" -

"Le prix de l'acier augmente, comme celui de l'uranium ou de la main d'oeuvre", reconnaît Marcia Burkey, directrice financière de la startup TerraPower, qui compte mettre en chantier son réacteur en juin sur le site d'une centrale à charbon en fin de vie, à Kemmerer (Wyoming).

"Donc je peux comprendre que les gens se disent: ça recommence avec le nucléaire", lesté par sa réputation de gouffre financier, dit la dirigeante.

"Mais nous sommes plus déterminés que jamais et nous espérons que l'innovation va nous permettre d'aller plus vite" et ainsi d'alléger la facture.

Egalement partenaire de GE Hitachi, TerraPower --soutenue par un groupe d'investisseurs, dont Bill Gates-- s'appuie sur la technologie dite du sodium liquide, qui ne nécessite pas d'enceinte de confinement classique et qui requiert moins de matériaux et de main d'oeuvre, fait valoir Marcia Burkey.

Selon elle, les SMR veulent rompre avec l'industrie nucléaire traditionnelle américaine, qui n'est jamais parvenue à produire des réacteurs en série, à la différence de la France.

"Pour abaisser les coûts rapidement, il faut standardiser", insiste Mme Burkey.

Le Natrium de TerraPower ou le MMR (Micro-Modular Reactor) d'un autre nouveau venu, Ultra Safe Nuclear Corporation (USNC), ont été conçus pour être construits à la chaîne.

USNC table ainsi sur la fabrication de dix MMR par an dans son usine de Gadsden (Alabama), qui devrait ouvrir en 2027.

Si Chine et Russie disposent déjà chacune d'un SMR opérationnel, les Etats-Unis restent mieux positionnés que l'Europe dans la course aux petits réacteurs, selon Sylvain Cognet-Dauphin, de S&P Global Insights.

"Des discussions sont en cours et des projets ont été proposés, mais rien d'aussi avancé que pour (les fournisseurs d'électricité) OPG, TVA, ou d'autres" en Amérique du Nord, dit-il.

Sur le plan réglementaire, la Chambre des représentants a adopté fin février un texte accélérant l'examen des candidatures à l'homologation de SMR, qui doit maintenant être réconcilié avec une proposition similaire votée au Sénat.

"C'est un grand pas" vers la mise en service de petits réacteurs, considère Mason Lester.

Et, malgré la défection des collectivités dans le dossier NuScale, la demande émerge progressivement.

Mi-mars, Google, Microsoft et l'aciériste Nucor ont acté leur association dans l'achat d'énergie renouvelable, mentionnant notamment la technologie nucléaire de nouvelle génération.

De son côté, le fournisseur d'énergie PacifiCorp étudie actuellement l'intégration de plusieurs Natrium à son réseau.

"Il y a de l'intérêt mais, tant que ce n'est pas une réalité", décrit Sylvain Cognet-Dauphin, "cela reste un peu difficile. (...) Il faut faire la démonstration que ça marche."

tu/rle

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