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L'Algérie et l'Égypte avant Pâques, le Congo et l'Angola cette semaine, le Mozambique en mai : l'Italie s'est lancée dans une offensive diplomatique en Afrique pour sortir de sa dépendance au gaz russe.
Alors que la Russie fournit actuellement à la péninsule 45% de son gaz, le Premier ministre Mario Draghi souhaite changer cette situation en diversifiant au plus vite son portefeuille de fournisseurs. "Nous ne voulons plus dépendre du gaz russe, parce que la dépendance économique ne doit pas devenir une sujétion politique", a-t-il affirmé dimanche dans un entretien au quotidien Il Corriere della Sera. "La diversification est possible et peut être mise en œuvre relativement rapidement, plus vite que nous le pensions il y a seulement un mois", a-t-il estimé.
Dans ce but, Mario Draghi devait se rendre en personne mercredi à Luanda et jeudi à Brazzaville pour y conclure de nouveaux contrats de fourniture mais, positif au Covid, il a été remplacé au pied levé par son ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio, accompagné de son collègue de la Transition écologique Roberto Cingolani.
Rome exploite "les excellentes relations" que le géant énergétique italien Eni a nouées au cours de 69 ans de présence en Afrique, où il est le leader tant au niveau de la production que des réserves, souligne pour l'AFP Davide Tabarelli, patron du groupe de réflexion Nomisma Energia. Le patron d'Eni Claudio Descalzi accompagnera d'ailleurs les deux ministres dans leur périple.
Ces dernières semaines, Rome a déjà conclu des accords avec l'Algérie et l'Égypte. Alger, actuellement son deuxième fournisseur, contribue déjà pour environ 30% de sa consommation. Selon Eni, l'accord signé avec la compagnie nationale algérienne, Sonatrach, fera grimper les livraisons de gaz à travers le gazoduc sous-marin Transmed "jusqu'à 9 milliards de m3 par an" d'ici 2023-2024.
« Tentative velléitaire »
L'accord conclu avec l'Egypte pourrait en outre permettre de convoyer en Europe et en Italie jusqu'à trois milliards de m3 de gaz naturel liquéfié dès cette année, selon ENI.
Cette diversification des sources d'approvisionnement ne sera pas bon marché, car pour pouvoir importer davantage de gaz naturel liquéfié l'Italie envisage d'acheter ou de louer des unités flottantes des stockage et de regazéification. Ces dépenses pèseront sur les finances de la troisième économie de la zone euro, déjà très endettée, mettent en garde les experts, qui prédisent de nouvelles taxes retombant sur les entreprises et les particuliers.
Quoi qu'il en soit, l'idée de remplacer le gaz russe "à court terme" est "une tentative velléitaire", "il faudra au moins deux ou trois ans", estime Davide Tabarelli. Pour Francesco Galietti, qui dirige le cabinet de consultants Policy Sonar, "c'est une course contre la montre afin de s'assurer des réserves de gaz et de pétrole pour la prochaine saison hivernale".
Selon lui, Rome devrait faire feu de tout bois, y compris en augmentant la production d'énergies fossiles sur son propre territoire, alors que le ministère de la Transition écologique résilie au contraire des contrats. "Le fait que (le ministère) snobe ce pétrole et ce gaz (domestiques) retarde la sortie de la dépendance au gaz russe", met-il en garde.
« Opération Thermostat »
L'Italie est l'un des plus gros consommateurs européens de gaz, qui représente 42% de sa consommation énergétique, et elle importe 95% de son gaz. Le gouvernement espère aussi réduire cette dépendance en accélérant les investissements dans les renouvelables, notamment en allégeant les obstacles bureaucratiques à l'installation d'éoliennes et de panneaux solaires.
Mario Draghi a appelé ce mois-ci ses compatriotes à faire quelques sacrifices : "Voulons-nous la paix ou voulons-nous allumer la climatisation cet été" ? Son gouvernement s'est d'ores et déjà attelé à mettre sur pied "l'opération thermostat", qui vise à faire baisser le chauffage d'un degré dans les écoles et les administrations, et adopter une mesure équivalente pour cet été avec la climatisation.
Cette règle s'appliquerait aussi aux foyers et aux sociétés privées, bien qu'il semble difficile d'en surveiller l'application. Cette mesure pourrait faire économiser quelque 4 milliards de m3 de gaz par an, soit environ 14% du gaz importé de Russie, selon le quotidien La Stampa.