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Hydrogène : la filière, « en marche et en panne », s'expose au salon Hyvolution

  • AFP
  • parue le

Le 8e salon Hyvolution, consacré à l'hydrogène qui sert à décarboner l'énergie, l'industrie et la mobilité, présente à partir de mardi à Paris la vitrine mondiale d'un secteur en marche sur le plan des besoins, mais en panne sur les financements.

« Il ne s'est rien passé en 2024 sur le plan institutionnel »

Illustration de l'appétit de développement du secteur : le salon de Paris accueille 530 exposants dont 33% viennent d'autres pays, alors qu'il a commencé il y a moins de 10 ans, en 2016, avec une trentaine d'exposants seulement.

En France, "la base manufacturière des giga-usines d'électrolyseurs se développe, on commence notamment à trouver les premières bennes à ordure à hydrogène à Dijon, une grande flotte d'un millier de taxis à Paris et des stations de recharge (...) mais il ne s'est rien passé en 2024 sur le plan institutionnel, nous attendons toujours la révision de la stratégie hydrogène nationale, ainsi que les soutiens budgétaires prévus à la production", relève le président de France Hydrogène, Philippe Boucly, qui coordonne le secteur.

Dans le monde entier, des volumes considérables d'hydrogène, parfois dit "vert", "renouvelable" ou "bas carbone", sont nécessaires pour décarboner l'industrie lourde, chimie, sidérurgie, ciments, chaux, engrais, ainsi que des pans entiers du transport, maritime ou aérien notamment.

En Europe, l'hydrogène vert est jugé stratégique par la plupart des grands acteurs du secteur, aussi bien pour respecter les engagements climatiques de l'UE que pour la pérennisation de l'industrie lourde sur le vieux continent.

Passer le cap du financement

Ceci suppose entre autres l'installation en amont d'usines fabriquant les électrolyseurs ou les composants, et, en aval, d'usines fabriquant les stations de recharge pour les véhicules à hydrogène, ainsi que la création de réseaux d'acheminement de l'hydrogène qui devra être importé de l'étranger.

Soit la création ex nihilo d'une filière industrielle qui nécessite outre de gigantesques capitaux, une alimentation massive en électricité bas carbone, et pour laquelle la Chine a déjà pris une longueur d'avance. Le hic, c'est l'argent.

"Moins de 3%" des projets d'infrastructures d'hydrogène annoncés en Europe ont obtenu un feu vert final pour l'investissement en 2024, ce qui représente environ 300 000 tonnes d'hydrogène décarboné sur les 10 millions de tonnes que l'Union européenne a prévu de produire d'ici 2030, souligne Alexis Gazzo, partenaire du cabinet de conseil EY.

"Un certain nombre de projets ont été décalés en 2024, en termes d'autorisations de financement, et même si on a de beaux actifs industriels, on est dans le dur avec un grand chemin à parcourir", ajoute-t-il.

Presque 920 millions de tonnes de CO2 en 2023

La méthode historique de production de l'hydrogène industriel, dite de "reformage de méthane à la vapeur" qui constitue plus de 95% de la production mondiale est très dommageable pour l'environnement et fortement émettrice de gaz à effet de serre.

La production totale d'hydrogène en 2023 s'est ainsi accompagnée de l'émission de presque 920 millions de tonnes de CO2, soit l'équivalent des émissions annuelles combinées de l'Indonésie et de la France, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Aussi pour fabriquer de l'hydrogène vert, il faut changer de méthode et passer par l'électrolyse de l'eau pour séparer l'hydrogène de l'oxygène contenus dans la molécule d'eau (H20), avec de l'électricité.

À condition aussi que l'électricité soit elle-même vertueuse sur le plan climatique, produite par des sources d'énergie faiblement émettrice de CO2 comme l'énergie solaire, éolienne, hydro-électrique ou nucléaire.

Carburants synthétiques pour l'aviation

Mais des doutes s'accumulent, notamment au sujet de la compétitivité de l'hydrogène vert.

Selon une étude publiée mi-janvier par l'Institut de Potsdam pour l'impact climatique (PIK), les problèmes de la montée en puissance d'une filière industrielle de l'hydrogène vert peuvent être attribués à trois sources : l'augmentation des coûts, un manque de volonté des clients de payer l'hydrogène vert plus cher que l'hydrogène gris issu du vaporeformage, et des incertitudes sur le montant des soutiens publics.

Au plan mondial, l'institut a calculé que des subventions de 1 000 milliards de dollars sont nécessaires pour réaliser tous les projets annoncés d'ici 2030, selon un des chercheurs Falko Ueckerdt, responsable de l'étude qui recommande la fixation de quotas pour booster le démarrage de la filière.

L'un des secteurs les plus prometteurs en Europe reposerait ainsi sur les carburants synthétiques pour l'aviation : à partir de 2030, 1,2% de tous les carburants aériens doivent avoir des carburants synthétiques basés sur l'hydrogène dans leur composition. Ce pourcentage devrait passer à 35% d'ici 2050, soulignent les chercheurs.

Commentaires

Silicate
quand on veut tuer son chien on lui demande d'être parfait...
Silicate
La surexigence vers les nouvelles filière ne sert qu'a retarder leur développemt au profit des anciennes filières qu'elle met en concurrence
Albatros
Il est idiot de parler de concurrence alors qu'il est question de faire une analyse sérieuse des choix à réaliser et d'éviter la dispersion actuelle qui, au nom de la panique climatique, confinerait au n'importe quoi. Je viens de rencontrer le Président du Conseil Supérieur de l'Energie qui nous a assuré "ne pas faire de choix", ce qui est très inquiétant.

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