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Un quart des actions en justice liées au changement climatique depuis les années 1980 l'ont été au cours des deux dernières années, selon une étude qui montre une montée en puissance des affaires judiciaires contre des gouvernements ou des entreprises.
Ce rapport, qui souligne le poids croissant des tribunaux dans l'action de lutte contre le réchauffement climatique, a été publié jeudi, le jour même où la très conservatrice Cour suprême des Etats-Unis a limité les moyens de l'Etat fédéral de lutter contre les gaz à effet de serre.
Des recours en justice pour forcer les gouvernements à réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre, comme "l'Affaire du siècle" en France, aux plaintes contre des entreprises pour "greenwashing" (une communication trompeuse sur l'engagement en faveur de l'environnement), le nombre, l'étendue et les ambitions des contentieux liés au climat s'accroissent, constatent les experts du Grantham Research Institute de la London School of Economics.
Selon ce rapport, sur environ 2 000 procédures judiciaires lancées depuis 1986, 475 l'ont été depuis le début 2020.
"C'est un processus constant. Et il devrait continuer à croître", indique à l'AFP une des co-auteurs du rapport, Catherine Higham, analyste politique du Grantham Research Institute. De plus en plus souvent, les plaignants espèrent ainsi parvenir à des changements en profondeur des politiques ou des comportements.
La plupart des affaires sont lancées contre des gouvernements. La décision la plus éclatante reste certainement celle de la Cour suprême des Pays-Bas qui avait ordonné en 2019 à l'Etat de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins 25% d'ici à la fin 2020.
Ces actions en justice portent moins sur le fait de savoir si les gouvernements doivent agir que sur les moyens de le faire, indique Catherine Higham.
"Il est actuellement très rare qu'un gouvernement remette en cause la science climatique", dit-elle.
Dédommagements
De plus en plus d'actions en justice visent la production et la consommation de pétrole, de charbon et de gaz, et les poursuites judiciaires jouent un "rôle important" dans le mouvement de sortie des énergies fossiles, selon le rapport.
Le nombre d'actions en justice augmente aussi dans les pays en développement, les plaignants contestant des projets de développement d'énergies fossiles qui les rendraient dépendants de ces énergies polluantes pour plusieurs décennies.
Les procédures contre les entreprises de tout type sont également en hausse, avec plus de la moitié en 2021 s'attaquant à des activités dans les secteurs alimentaires, l'agriculture, les transports, les plastiques et la finance. Certaines visent à obliger les entreprises à réduire leurs émissions, d'autres s'en prennent à des déclarations jugées trompeuses en termes d'action climatique.
Mais certains peuvent aller devant les tribunaux pour d'autres raisons, comme remettre en cause des régulations ou des politiques publiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Des craintes existent que les gouvernements ne soient obligés de verser des milliards de dollards aux compagnies pétrolières au titre de dédommagements. C'est le cas par exemple avec le Traité sur la Charte de l'énergie (TCE) que l'Union européenne veut réformer. Il permet à des entreprises de réclamer, devant un tribunal d'arbitrage privé, des dédommagements à un Etat dont les décisions affectent la rentabilité de leurs investissements... même lorsqu'il s'agit de politiques pro-climat.
Ceci pourrait avoir un "impact dévastateur", avertit Catherine Higham. "Que ce soit la Cour suprême aux Etats-Unis ou un de ces tribunaux d'arbitrage, les tribunaux ont une influence potentielle énorme sur l'orientation des politiques climatiques et cela peut aller dans les deux directions", dit-elle.