Les énergies renouvelables vont apporter près de 31 milliards d'euros à l'État en 2022-2023, selon l'évaluation de la CRE

  • AFP
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Le secteur des énergies renouvelables, et notamment des éoliennes, va rapporter 30,9 milliards d'euros de recettes à l'Etat en 2022-23, a réévalué mardi la Commision de régulation de l'énergie (CRE).

Le gendarme de l'énergie, qui en juillet estimait ce montant à 8,6 milliards d'euros, a revu ses prévisions à la hausse, à la faveur de la montée des prix de marchés de l'électricité. "La CRE prévoit, dans les conditions actuelles de prix de gros, que toutes les filières d'énergies renouvelables en métropole continentale représenteront des recettes pour le budget de l'Etat", note-t-elle.

Dans cet ensemble, l'éolien apporte l'essentiel des recettes, à hauteur de 21,7 milliards d'euros, la filière photovoltaïque pour 3,5 milliards,la filière hydraulique pour 1,7 milliard, et le biométhane injecté dans les réseaux de gaz pour 0,9 milliard.

La France doit cette situation favorable à l'existence depuis 2003 d'un mécanisme de soutien aux renouvelables particulier: l'Etat garantit un certain niveau de prix d'achat de l'électricité aux opérateurs d'énergies renouvelables, qui en revanche reversent la différence quand les prix du marché dépassent ce prix garanti - ce qui est le cas aujourd'hui.

À ce rythme, le secteur des énergies renouvelables devrait ainsi avoir remboursé prochainement tout ce qu'il a reçu depuis vingt ans.

Ces recettes pour le budget de l'Etat contribueront à financer les boucliers tarifaires et amortisseurs destinés à protéger consommateurs et entreprises de la flambée des prix de l'énergie, rappelle la CRE.

Mais alors que le contexte des prix de marchés est plus favorable aux producteurs, la CRE alerte aussi mardi sur les résiliations anticipées de ces contrats de soutien par certains producteurs d'EnR: en juillet, ces demandes de résiliation concernaient une puissance installée cumulée de 1,3 gigawatt (GW); à fin septembre, ce volume dépassait 3,7 GW.

Ces annulations entraîneront une perte cumulée de 6 à 7 milliards d'euros pour l'Etat sur 2022 et 2023, estime à ce stade la CRE.

"Ces installations n'ont pu être développées que grâce au soutien financier de l'Etat dont elles ont bénéficié sur des durées généralement supérieures à 10 ans. Il est tout à fait anormal que les producteurs concernés sortent des contrats garantis par l'Etat à quelques années de leur échéance pour profiter des prix de gros élevés", ajoute la commission, qui recommande de renforcer la taxation des rentes infra-marginales prévues par l'UE pour ces installations.

Commentaires

APO
Est-ce que les taux d'intérêt de la Dette Nationale sont comptées sur : "" À ce rythme, le secteur des énergies renouvelables devrait ainsi avoir remboursé prochainement tout ce qu'il a reçu depuis vingt ans. ""
APO
Quand les rats quittent le Navire !!! : " Ces annulations entraîneront une perte cumulée de 6 à 7 milliards d'euros pour l'Etat sur 2022 et 2023, estime à ce stade la CRE. " --> Ce serait bien d'avoir les Noms et les Lieux d'implantation (ça ferait plaisir à certains voisins !) L'étonnement de la CRE est magnifique sur : "" Il est tout à fait anormal que les producteurs concernés sortent des contrats garantis par l'Etat à quelques années de leur échéance pour profiter des prix de gros élevés", ajoute la commission, "" ---> Que demande la Finance !?
Ppcqa
Et notre ministre de l'économie juge scandaleux que les producteurs ENR profitent du marché, mais il "ne sait pas ce qu'est un super profit" quand Total engrange 19 milliards de profit en 6 mois, en partie sur le dos du bouclier tarifaire financé par l'état. C'est amusant.
APO
@Ppcqa, Où sont les propos de notre pseudo ministre de l'économie dans l'article ci-dessus !? C'est la Commission de Régulation de l'Electricité qui s'y exprime !!! (la même qui a poussé à saigner EDF, bien national à 85%... donc pas un petit facteur de charges...). Pour Total qui fait en chiffres d'Affaires le montant du PIB du Portugal, c'est une autre Affaire. En notant au passage que son CA est largement fait Hors de France (mais certes avec en certains lieux des garanties de l'état français non négligeable, dont la présence de militaires...).
APO
A noter également que vu le prix actuel de l'énergie, beaucoup d'industriels vont réduire leur production en France et donc les recettes de l'état vont bien baisser dans les années à venir avec la très forte probabilité d'une crise sans précédent à venir dans quelques mois (en 73, il fallut 1 année pour entrer en crise économique ! l'inertie d'un gros système cela protège un petit moment mais pas sur la durée...)...
Bruno Pasqualini
Mais alors, ça veut dire qu'on nous vend l'électricité beaucoup trop cher. Encore des super-profits ! Aux dépens des consommateurs ! Mais au profit de l'Etat.
Fabienne Chapuis
mais quel total enfumage; ces inutiles machines qui ravagent toute la nature et les paysages ont coûté des milliards aux contribuables; et bien sûr, comme dans le scandaleux système Arenh, maintenant, ils résilient les contrats pour bénéficier des prix élevés; des profiteurs pour qui seul compte le business
Denis Margot
Jeu de dupes ! Si ma compréhension est bonne, les fournisseurs d’ENRi revendent leur production à… EDF. EDF est donc le dindon de la farce qui surpaye les fournisseurs qui reversent le surplus à l’État français en gardant au passage leur confortable rétribution. L’État gagne d’un côté un peu moins que ce qu’EDF perd de l’autre, l’affaire est vraiment géniale.
David Du Clary
En fait votre compréhension n'est pas tout à fait exacte. Les acteurs des ENR qui aujourd'hui donnent de l'argent à l'Etat sont ceux qui dépendent du régime du comptent de rémunération. Dans ce régime vous ne vendez pas à EDF mais vous vendez sur le marché SPOT et l'Etat complète directement la différence entre le prix auquel.vous avez vendu et votre prix de vente "de référence" qui est un prix cible. Si vous vendez plus cher au marché que votre prix de référence, vous reversez le bonus à l'Etat. C'est un système qui vous garantit un.certain niveau de rentabilité, pas moins, pas plus. Comme c'est l'opérateur ENR qui propose prix de référence on suppose à bon droit que ce niveau de rentabilité satisfait son objectif financier. Ceux qui vendent à EDF sont sous le régime de l'obligation d'achat. Ceux-là ne versent rien à l'Etat. Mais quand le tarif de l'OA est inférieur au prix de marché - ce qui est le cas ces temps-ci - EDF realise dessus un confortable bénéfice (et l'Etat ne compense rien à EDF).
APO
@David Du Clary, Etes-vous sur de votre propos : "" Mais quand le tarif de l'OA est inférieur au prix de marché - ce qui est le cas ces temps-ci - EDF realise dessus un confortable bénéfice (et l'Etat ne compense rien à EDF). "" --> EDF ne doit-elle pas reverser à l'état ces surplus !? (J'aurais aimé avoir la source de votre propos par curiosité !)
David Du Clary
Bonsoir APO, A ma connaissance EDF n'a aucune obligation de reverser à l'Etat les bénéfices qu'elle réalise sur ses activités de commerce d'électricité. Quand EDF-OA achète de l'électricité sous le régime de l'obligation d'achat elle en fait ce qu'elle veut. En général, elle la revend à l'un ou l'autre de ses clients. Et garde pour elle le bénéfice éventuel qu'elle réalise. Notons que jusqu'à l'explosion des prix de l'électricité fin 2021, cette situation ne s'était jamais présentée.
APO
Merci David du Clary pour votre réponse et les suivantes. Je pensais qu'EDF n'agissait qu'en tant que collecteur sur ce "segment" d'activité et donc faisait un rapport des + et des - sur l'année complète pour faire une "réclamation" à l'état des compensations... Les ENRi ou ENRv produisent de manière variable avec certes des prix "SPOT" bas (voir négatifs) lors des périodes venteuses, mais il y a toujours eu aussi des productions (souvent faibles) lors des pointes de consommation hivernale avec des prix "SPOT" très élevés et ce depuis l'ouverture du marché de l'électricité et l'inclusion des "achats" d'ENRi. Est ce que l'état n'aurait payé que la partie négative à EDF sans réclamer un allègement du fait des "surplus" réalisés à certaines périodes !? (j'en doute un peu...)
Denis Margot
@David : Je veux bien reconnaître que ma courte contribution comporte des simplifications, mais il me semble que la majorité des acteurs ENRi en France reversent leur électricité sur le réseau EDF et que c’est EDF qui leur verse le prix contractuellement convenu (prix qui est de l’ordre, ou supérieur au prix facturé au consommateur, ce qui implique qu’EDF perd de l’argent sur ces contrats). Dans ce cas, dire qu’EDF réalise un confortable bénéfice est un non-sens car cette électricité n’est pas revendue sur le marché mais directement fournie à ses clients avec une probable perte sur ces kWh. Et même si dans de rares configurations EDF réalise des bénéfices, la situation globale démontre que les nuages sont noirs au-dessus d’EDF et que sa perte est abyssale (sans compter sa dette qui l’est encore plus). On aimerait aussi connaître les détails de ce 21,7 G€, combien de MWh ? À supposer une « plus-value » moyenne de 200 € par MWh (ce qui est déjà aberrant), ça correspond à 109 TWh, bien au-delà de ce que produisent l’ensemble des ENRi en France en 1 année (47 TWh en 2019, tous types de contrats confondus). Et si vous connaissez la proportion de contrats ENRi en compte de rémunération, merci de l’indiquer, ça permettra d’affiner les calculs.
David Du Clary
Denis, Permettez-moi d'abord d'apporter une précision relative au réseau : le réseau électrique français est la propriété des collectivités locales, il est géré par Enedis pour ce qui est de la distribution et RTE pour ce qui est du transport. EDF n'est ni propriétaire, ni gestionnaire du réseau. En gros, il n'existe pas de "réseau EDF". Ceci rappelé, vous avez raison de dire que la majorité des producteurs d'ENR voient leur production rémunérée dans le cadre de l'obligation d'achat. C'est donc bien EDF-Obligation d'Achat (EDF OA, pour les intimes) qui leur paye leur production. Mais cette majorité en termes d'effectifs, n'est pas majoritaire en termes de production, car elle comporte les très nombreux générateurs de 3 kWc des particuliers dont la production cumulée reste modeste en regard de celle des grandes centrales PV. Je n'ai pas les chiffres sous la main (je suis en vacances loin de chez moi), mais je pourrais vous trouver ça. Notons par ailleurs que depuis 2018 ou 2019, les producteurs peuvent demander le transfert de leur contrat d'achat vers un fournisseur agréé, dans ce cas c'est le fournisseur en question qui paye directement la producteur (Enercoop par exemple) et non EDF. Quand EDF (simplifions) acheté cette production il la paye en effet plus cher que ce qu'il la vend. Dans ce cas, l'Etat rembourse à EDF la différence entre le prix d'obligation d'achat et le prix de marché (c'est une des fonctions de la CSPE). Cela crée une charge de service public pour l'Etat. Si le prix de marché est supérieur au tarif d'obligation d'achat, l'Etat ne rembourse rien à EDF. MAIS EDF peut décider de vendre cette électricité au prix du marché : pour 2023, le prix a terme est de l'ordre de 500 €/MWh, le tarif d'achat en cours est de 110 €/MWh, donc juteux bénéfices pour EDF. Quant aux producteurs sous complément de rémunération (tous les éoliens de 7 mâts et plus, plus tous kes éoliens récents (je crois) et tous les PV de plus de 500 kWc), ils NE VENDENT PAS A EDF mais sur le marché SPOT, soit directement, soit via un agrégateur. Si le prix de marché excède leur tarif de référence, ils versent le surplus à l'Etat, d'où les 30 et quelques milliards que NOUS ALLONS COLLECTIVEMENT (parce que l'Etat, c'est nous) empocher en 2023.
Denis Margot
@David Merci pour vos explications, elles clarifient certains points, mais pas tous ! D’abord, je ne vois pas comment un prix moyen de 500 €/MWh alors qu’il était plutôt autour de 50 il y a peu, peut globalement enrichir EDF, même si certaines configurations peuvent paraître gagnantes. EDF est déficitaire cette année et doit importer plus d’électricité qu’il n’en produit. Son prix de vente à ses clients (particuliers + entreprises) est de l’ordre de 100 à 200 €/MWh. Si EDF doit combler son déficit avec de l’électricité achetée 500 €, surtout avec le cadeau que lui a fait l’État avec cette overdose d’ ARENH (vente à 45 puis rachat à 500 €), il est impossible que cette opération soit positive. Et si elle l’est pour quelques acteurs, elle ne peut pas l’être globalement, il y a nécessairement plus de perdants que de gagnants. Est-ce EDF, Enedis, RTE, l’État ? Maintenant que l’État a repris EDF, mettons-lui le fardeau sur le dos, et revendiquer un gain extraordinaire de 31 G€ dans des circonstances hors norme cache forcément une perte venant compenser ce jackpot, les comptes d’EDF le démontrent d’ailleurs. Jeu de dupes dans un marché hors de contrôle qui fait perdre en compétitivité les entreprises européennes, et on ne parle plus de dizaines de G€ de pertes, mais de centaines, voire de milliers. Se satisfaire qu’un système hors de contrôle puisse, quand on le regarde sous un certain angle, rapporter 31 G€ alors que globalement, l’économie de l’ensemble des pays européens se trouve dans une situation délicate est, il me semble, un calcul plus que douteux.
David Du Clary
Denis, Le prix de l'électricité est le fruit de plusieurs mécanismes. C'est pour cela que c'est un peu compliqué de s'y retrouver. D'abord, il faut distinguer le TRVE (Tarif Réglementé de Vente d'Electricité) et les Offres "de marché". Le TRVE concerne uniquement les particuliers et les professionnels ayant souscrit une puissance de moins de 36 kVA. Tous les autres sont en offres de marché. Le TRVE et les offres de marche proposent un prix calculé sur la base d'une part de prix ARENH et d'une part de prix de marché. Le calcul du TRVE est fait par la CRE qui l'actualiser, je crois deux fois par an. Seule EDF peut proposer du TRVE. Les particuliers et les entreprises en offres de marché signent des contrats d'une durée de 1 à 3 ans, à prix fixe ou non. Les fournisseurs doivent être certains de pouvoir livrer les volumes qu'ils ont vendus, y compris ceux qui sont vendus pour 2025 (obligation réglementaire en tant que responsables d'équilibre). Ils vont donc se "couvrir" pour ces volumes sur le marché à terme. Le marché à terme est un marché de gros ou des acheteurs et des producteurs s'engagent mutuellement à payer un prix convenu a l'avance un volume donné d'électricité qui sera livré à une date future (entre quelques mois et trois ans). Et bien sûr ils vont tenir compte du prix sur ce marché à terme pour calculer le prix de leur offre. Pour une livraison en 2023, le prix a terme est d'environ 500 €/MWh, pour 2024, il doit être de l'ordre de 250 et 200 pour 2025 (je dis ça de memoire). Vous observerez que ce prix à terme est assez nettement différent du prix moyen constaté sur le marché SPOT (qui est le marché de gros pour les transactions avec livraison le lendemain), même en 2022. Il est en fait nettement supérieur. Cela parce que les producteurs anticipent des conditions de marché, notamment la disponibilité des moyens de production à telle ou telle période, le risque survenue d'épisodes froids, le cout de production prévisible, etc. C'est notamment parce que de nombreux réacteurs nucléaires d'EDF sont hors service que le prix 2023 est si élevé : les producteurs parient qu'EDF ne pourra pas les remettre en service avant l'hiver, qui pourrait bien être froid alors que le gaz est très cher... C'est une forme de spéculation, et le prix a terme pour une livraison en avril 2023 est proche de 1000€/MWh... Ainsi donc, le fait que le prix constaté il y a encore quelques mois (un peu plus d'un an) sur le marché SPOT ait été voisin de 50 €/MWh n'empêche nullement que le prix a terme sur 2023 soit de 500 €/MWh. EDF.vend une grande partie de sa production via des contrats pluriannuels. Les contrats qu'elle renouvelle ces temps-ci (nous sommes en plein dans la période de négociation) 'appuient sur ce prix a terme de 500 €/MWh. L'électricité vendue provient soit de la production d'EDF, soit précisément des quantités achetées au titre de l'obligation d'achat. Ces dernières étant par exemple payées 110 €/MWh, EDF va faire un bénéfice voisin de 390 €/MWh sur ces quantités-là. C'est ce que j'appelle un juteux bénéfice. Enfin, si EDF est déficitaire cette année cela tient à l'effondrement de sa production nucléaire qui devrait être en 2022 de 280 TWh environ au lieu de près de 400... Outre le manque à gagner, cette situation l'oblige - pour honorer ses contrats en cours - à acheter les volumes qu'elle ne parvient pas à produire sur le marché SPOT, à un prix probablement supérieur au prix des contrats en question, d'où déficit. J'attire votre attention sur le fait que cette situation n'est pas due à l'existence de l'ARENH, même si l'obligation de fournir les volumes d'ARENH l'aggrave.
Denis Margot
David, J’apprécie la clarté de vos explications, même si le système est loin d’être simple. Mais je crois que l’approche est biaisée. Je veux bien croire que certains recoins cachés et non nécessairement prévus de ce système de tarification favorisent, dans des circonstances inattendues, des gains exceptionnels, donc ces fameux 31 G€, mais c’est un peu à l’image d’un cycliste qui gravit une montagne, il va peut-être rencontrer de fortes descentes dans son ascension, mais au final, il devra fournir un effort qui dépend de la différence de niveau entre son point de départ et son point d’arrivée. On découvre donc, au hasard d’un chemin que personne ne connaissait (ou n’avait envisagé), une belle descente (à 31 G€), mais elle n’évite pas de devoir payer au total un prix forcément supérieur pour passer l’obstacle de cette montagne dont personne ne connaît l’altitude (le coût), par ailleurs. Et si EDF vend parfois des lots à un prix juteux, EDF doit aussi en acheter à des tarifs similaires mais en quantité plus grande encore, pour les revendre aux particuliers à des tarifs contractuels bien inférieurs à ces tarifs délirants. Les pertes abyssales d’EDF semblent confirmer que la somme des descentes et des montées va être très largement négative, d’où la nécessité pour l’État de voler à son secours. Au demeurant, l’énergie étant, on le constate encore plus en ce moment, incontournable et essentielle pour faire tourner l’économie, on ne peut se réjouir de voir les prix s’envoler. Les quelques arbres gagnants ne pourront cacher la forêt des pertes, licenciements, pertes de compétitivité, blackouts, faillites qui s’annoncent. Vivant actuellement au Canada, je paye l’électricité 0.045 $/kWh HT pour un prix TTC autour de 0.071 $/kWh ou 71 $ / MWh. Et HydroQuébec fait des bénéfices, c’est vous dire que les envolées européennes sont totalement hors-sol et démontrent que le système (compliqué !) de fixation des prix est aberrant. Un peu de simplicité ne nuirait pas…
David Du Clary
Denis, Il y a plusieurs questions à traiter dans votre réponse. 1. Le cycliste à 31 G€ ? A date, la hausse vertigineuse des prix de marché fait que les ENR (éolien et PV) vont rapporter une recette nette à l'Etat. Dans les 31 G€ il n'y a pas que les ENR, mais elles en représentent une large part. Ces recettes pourraient bien suffire à "rembourser" la totalité des sommes perçues au titre du soutien public aux ENR depuis que ce soutien existe (début des années 2000). Ça, c'est du factuel. Mais les contrats de soutien aux ENR ne vont pas tous expirer fin 2023, et donc des sommes supplémentaires seront payées par l'Etat dans le cadre de ce soutien public. Et en effet, rien ne prouve aujourd'hui que les conditions de marché futures permettront aussi aux ENR de rembourser ces futures subventions. Donc il se pourrait bien qu'après sa descente votre cycliste doivent affronter une nouvelle côte. Ce qui est certain, c'est que cette.nouvelle côte sera moins raide que la première car les tarifs d'achat et de référence ont très fortement diminué. Par contre, nul ne peut affirmer aujourd'hui qu'à la fin des fins, le bilan sera positif ou pas pour les finances publiques. Ce qui est probable est qu'il sera moins négatif qu'on le pensait jusqu'à ce jour. 2. Les pertes "abyssales d'EDF". Ces pertes ont plusieurs origines. D'abord - et je pense, surtout - le manque de production nucléaire. Cela représente environ 120 TWh de production en moins qu'attends, EDF à d'ailleurs évalué l'enfant de ce manque à gagner dans les 4 G€ si je ne m'abuse. Ensuite il y a le "mauvais coup" des 20 TWh supplémentaires d'ARENH pour 2022. EDF avait déjà vendu sa production sur des contrats de long terme et à donc dubracheter ces 20 TWh au prix de marché SPOT. Par chance le prix SPOT est nettement inférieur au prix à terme pour 2023 : il oscille grosso modo entre 80 et 200 €/MWh selon l'heure. Mais ça a quand même fait mal au portefeuille d'EDF. Parallèlement, EDF qui est seule à pouvoir vendre des contrats au tarif réglementé bénéficie sur ce segment - un peu paradoxalement - de la hausse des prix de marché car ils s'accompagnent d'une hausse du prix du tarif réglementé ce qui permet à EDF de vendre sa production un.peu plus cher. Notons que le bouclier tarifaire n'est pas financé par EDF (sauf pour sa composante "supplément d'ARENH") mais par la quasi suppression de la CSPE et les chèques énergie (qui.concernent peut-être plus l'engagement que l'électricité, à verifier). Au final j'ignore si EDF sera déficitaire ou pas sur l'exercice 2022, mais ça risque d'être le cas... 3. La fixation des prix sur le marché européen de l'électricité. Le marché de gros européen est fait de deux composants : le marché SPOT et le marché à terme. Le premier concerne des transactions payées au comptant pour une livraison le jour même où le lendemain (on parle alors du marché "Day ahead"). Le second concerne des transactions pour des livraisons plus éloignées (jusqu'à trois ans), pour lesquelles l'acheteur s'engage sur un prix qu'il paiera à la livraison. Le fonctionnement du marché Day ahead repose sur des enchères pour chaque tranche horaire du lendemain. Ce système privilégié donc les producteurs capables d'offrir au prix le plus bas. On appelle cela la "préséance économique" (merit order en engliche). Mais il doit rémunérer le dernier entrant, en l'occurrence le gaz. Sinon, ce dernier entrant préférera ne pas produire plutôt que de produire à perte, or il n'est pas envisageable de ne pas avoir toute la puissance appelée, ce qui causerait un potentiel Black out massif. Donc les acheteurs payent le prix. Les autres producteurs, moins chers, savent quel prix le producteur "gaz" va demander (c'est leur métier) et donc vont en fait offrir eux-mêmes un prix inférieur, mais voisin. De ce fait ils vont faire de très gros bénéfices (on parle de "rente inframarginale"). EDF est dans ce cas, donc tiré profit des prix élevés sur le marché. Les ENR aussi sont dans ce cas, mais leurs contrats de soutien leur imposent de rendre la totalité de cette rente inframarginale à l'Etat (ce sont les fameux 31 G€). Ce fonctionnement est très intéressant quand le gaz n'est pas cher, et très douloureux quand il est cher... Pas de bol. Si hydroQuébec arrive à fournir 100% de son besoin sans avoir recours au gaz (ou en achetant du gaz US à un prix plus faible que ce que payent les européens) elle peut pratiquer des prix bas ET faire des bénéfices. Alors même que le marché de l'électricité y fonctionne probablement dur le même modèle qu'en Europe. Sur le marché à terme, les choses sont différentes : les producteurs vont faire des anticipations de prix à long terme. Elles reposent sur des "paris" relatifs aux volumes consommés à telle période, à la disponibilité des moyens de production à ces périodes, à la nature de ces moyens, etc. Par exemple, les acteurs du marché font le pari qu'EDF ne pourra pas redémarrer tous ses réacteurs d'ici la venue du froid, et que l'hiver sera froid... cela conduit par exemple à des prix à terme pour livraison avril 2023 voisins de 1000 €/MWh ! Sur l'ensemble de l'année l'intégration de ces anticipations conduit à un prix moyen sur 2024 de presque 500 €/MWh. Ainsi, les contrats en offre de marché qui se négocient ces jours-ci le sont à des prix de cet ordre... Le moment venu, les fournisseurs (EDF y compris) achèteront les volumes qu'ils ont vendus sur le marché SPOT, à un prix sans doute inférieur et ils feront de très juteux bénéfices. EDF aura en plus l'avantage de vendre directement une partie de sa propre production qui lui coûte dans les 60 €/MWh, à ce prix de presque 500 €/MWh, et donc fera aussi de juteux bénéfices. Ce sont les utilisateurs finaux - les entreprises notamment - qui vont souffrir... d'où les dispositifs d'aide aux entreprises mis en place par l'Etat (et en partie financés par les 31 G€ des ENR ?). Le système du marché SPOT est-il aberrant ? Probablement. Le marché a terme est-il spéculatif ? Certainement. Mais, à part la fixation "arbitraire" des prix par une autorité régulatrice, on n'a pas trop d'alternatives. Et ce type de modèle n'est pas trop.en.odeur de sainteté auprès de la Commission européenne... Mais cela est en train d'évoluer doucement.
Denis Margot
Très intéressant, merci. Et bientôt, la taxe carbone viendra mettre son nez dans ce mikado. Ça promet !
APO
@Denis Margot, La Taxe Carbone est déjà appliquée aux productions électriques... D'ailleurs l'augmentation du Prix de la Tonne Carbone l'année dernière a fait augmenter le Prix de l'électricité également... Bien d'accord avec M. Du Clary pour dire que le "Marché de l'électricité" est tellement aléatoire que du coup les prix à terme sont hyper élevés et vont créer des opportunités de marge pour les Acteurs financiers (sans financer par ailleurs des nouveaux outils de production...). Pour mieux comprendre ces prix une "explication détendue" du "Marché de l'électricité" (et de ses cohérences vues d'une perspective de Marché et de ses incohérences vues des consommateurs divers...) - https://www.youtube.com/watch?v=ienoSbONyhw ---> Le Marché peut avoir du Bon quand tout va bien, mais tout ne va pas bien un Marché avec des règles mal définies et les consommateurs (petits et gros) trinquent...
Denis Margot
@APO. Remarquable vidéo qui démontre et explique la complexité du système de fixation des prix de l’électricité en Europe, merci. Est-ce le seul système possible, comme insistent certains ? Apparemment non, comme semble vouloir le reconnaître la commission européenne : https://www.transitionsenergies.com/solution-perenne-decouplage-prix-gaz-electricite/ . Je savais que le taxe carbone était ajoutée, mais sans savoir trop comment (droits à polluer ?). Je voulais souligner son importance future lorsqu’elle deviendra une part importante dans la différenciation entre les sources d’énergie. Aujourd’hui, en appliquant les critères de l’ADEME, cette taxe donnerait en arrondissant la taxe à 100 €/t de GES (par MWh) : N : 0,60 €/MWh É : 1,50 € / MWh PPV : 5,50 € / MWh Gaz : 41,80 € / MWh Charbon : 106 € / MWh Lorsque la t de GES passera à 200, 300 € ou davantage, le levier vers les sources décarbonées prendra toute son importance. J’ignore si ces taxes sont appliquées intégralement ou si des droits à polluer viennent en réduire l’effet.
Finzi
Le système du marché SPOT est-il aberrant ? Probablement. Le marché a terme est-il spéculatif ? Certainement. Mais, à part la fixation "arbitraire" des prix par une autorité régulatrice, on n'a pas trop d'alternatives. Et ce type de modèle n'est pas trop.en.odeur de sainteté auprès de la Commission européenne... Mais cela est en train d'évoluer doucement. J'ai eu beaucoup de mal je l'avoue à suivre l'intégralité de vos passionnant échanges, tant la complexité des systèmes existant est grande. A mon petit niveau, j'ai soufflé un "ouf" de soulagement lorsque j'ai lu vos conclusions rapportées ici plus haut. Il reste cependant une petite question dans un coin de mon esprit à laquelle vous pouvez peut-être répondre : Quand, d'après vous, allons-nous sortir du marché SPOT et de l'indexation sur les prix du gaz, tel que l'a évoqué Ursula von der Leyen ? C'est ce "Quand" qui m'inquiète (et en passant, "Comment") Merci par avance
APO
@Finzi, Pour une explication du "Marché SPOT" - https://www.youtube.com/watch?v=rZCKv0C6Dqs - Est ce qu'un "Marché pseudo-ouvert" pour définir le Prix de l'électricité est judicieux !??? Moi, je dirais que le quasi monopole d'EDF, que l'on avait dans le temps, était La meilleure solution... Nos apprentis libéralistes nous ont maintenant "enfermés" dans un Truc qui ne fera que couter de plus en plus cher et cela empêchera même la vision de long terme... Le Marché pour tout et partout est une bêtise sans nom (Avis Perso, mais certainement pas l'Avis des financiers qui ont une nouvelle plage pour faire "joujou"...)
David Du CLARY
Bonsoir Finzi, je ne suis même pas sûr que nous allons sortir du système de la rémunération du dernier entrant (le gaz) telle qu'elle se pratique aujourd'hui sur le marché de gros de l'électricité. Il est vrai que l'on en parle à l'UE, ce qui est une bonne chose, mais avec l'UE, il y a toujours loin de la coupe aux lèvres... Divers mécanismes pourraient être envisagés pour "sortir" le gaz (et autres fossiles) de la fixation du prix de gros. On pourrait par exemple confier le rôle de rémunérer les producteurs gaziers à hauteur de ce qu'ils demandent à une entité extérieure au marché. Puis laisser le marché fixer son prix global sur les autres sources (éolien, PV, nucléaire et hydro principalement). Le prix s'établirait probablement aux alentours de 80 - 100 €/MWh (en fonction des coûts de production du producteur le plus cher). Ceci fait, on répartirait ce qu'on a payé aux gaziers sur l'ensemble de la consommation. Comme le gaz ne représente que 6.5 à 7% de la production totale cela nous conduirait (avec par exemple un MWh gaz à 350 € et un prix moyen "hors gaz" de 90 €, une production de 523 TWh) à un prix final de 107 €/MWh. Soit 30.6% de ce que cela aurait coûté avec le fonctionnement actuel (proche des 350 €/MWh du gazier)... Bien sûr cela nécessiterait une autorité régulatrice, donc publique (mais pas forcément). Les Adorateurs du marché pousseraient des cris d'orfraie !
Hélène de la R…
Alors en plus d'être quasi illimitées dans le temps et de très peu polluer, il est donc aussi patent que les ENR rapportent de l'argent à l'Etat. On ne peut hélas pas en dire autant d'autres sources d'énergie.
jean-jacques Attia
Je vous propose une autre sémantique : - les ENR ne sont pas quasi illimitées dans le temps, mais renouvelables. - Quant à l'éolien et au PV, ils sont intermittents. On parle d'EnRi. Par ailleurs, écrire que ces EnRi sont très peu polluantes, c'est affaire d'opinion. Qu'en pensent les habitants des sites où l'on extrait les minerais indispensables à la partie magnétique des éoliennes ? De même pour le silicium des panneaux ? Qu'en pensent ceux qui habitent près des zones où l'on enterre les pales des éoliennes ? Qu'en pensent les pêcheurs des zones éoliennes marines ?... On pourrait évoquer la pollution visuelle subie par les riverains de ces EnRi, mais il s'agit là aussi d'opinion.
Hélène de la R…
Merci pour votre commentaire mais la logomachie n'y changera pas grand chose.
APO
@Hélène de la R..., Oui, vous avez bien raison pour cette année et probablement l'année prochaine. Concernant le Nucléaire, il n'a rien rapporté à EDF cette année avec l'ARENH fixé en volume et pas en % de la production comme c'était initialement annoncé... Par contre les tarifs et les volumes de l'ARENH ont permis à plein d' "épiciers" et à autres marchands de tapis de se faire de l'Argent... (sur le dos du contribuable français car EDF est très majoritairement public...)... Ces dits "épiciers" qui étaient censés investir dans la production l'ont au final en moyenne peu fait... (Mais le secteur Privé a gagné de l'Argent pas le secteur Public...) Nota : A voir à la fin de la période ARENH combien cela aura couté à EDF (et aux petits Français) en centaines de milliards en cumulé... (dur à estimer tant l'ARENH a biaisé le "Marché faussé de l'électricité" !!!)...
APO
@Hélène de la R..., Et le Nucléaire rapporte de l'argent à l'état Belge et à ENGIE (en Belgique, ils n'ont pas un marché faussé de l'électricité comme en France... via l'ARENH). https://www.lecho.be/entreprises/energie/resultats-dopes-chez-engie-qui-releve-ses-previsions-pour-2022/10427031.html Dommage que les plus de 33GW d'ENRi installés en France ne se voient pas imposés une production minimale garantie ... Dans les soirées hivernales froides et avec peu de vent, ce sera moins de 3/33GW de production (moins de 10% voir moins de 5%) à EDF d'assurer le reste... Quand les Cigales chantent, cela peut monter à plus de 20 GW de production (mais à ce moment-là les chauffages sont éteints...).
Alain
@ Hélène de la R. Il faudrait signaler à M. Attia que le nucléaire aussi est intermittent avec toutes ces problèmes de corrosion et ces arrêts intempestifs pour maintenance. Et lui proposer de se renseigner quant aux conditions d'exploitation de l'uranium au Niger (par ex.) autrement dramatiques pour les populations locales. Mais tout ça c'est subjectif selon lui, simplement des opinions.
APO
@Alain, L'intermittence du Nucléaire est bien caricatural sur une courte période... Par contre cette production de base a été très basse cette année. Et le charbon allemand bien dépanné la France... Si il n'y avait pas les problèmes de pollutions connexes, rien de tel que les hydrocarbures pour faire de l'électricité (CAPEX pas trop élevé et OPEX pendant longtemps faibles...), c'est d'ailleurs la 1ère source d'électricité mondiale et pour encore longtemps (Hélas !). En regardant la trajectoire actuelle allemande il est certain qu'ils mettront un temps fou à descendre annuellement sous les 200g de CO2... (les Anglais et les Espagnols eux sont en vois de le faire avec des parts de Nucléaire non nuls dans leur Mix, Cherchez l'erreur... ). Sur les problèmes de populations du Niger du fait de l'exploitation de l'Uranium, si vous avez des sources je suis preneur. Par contre le réchauffement climatique et l'augmentation exponentielle de leur population génèrent des problèmes difficilement solubles... Déjà qu'ils n'ont pas grand chose à exporter, si vous leur enlevez les exports de yellow cake, ils vont(en moyenne) ne pas être très content et cela se ressentira sur leurs niveaux de vie... Qu'on partage plus de panneaux PV avec eux serait une très bonne chose, plutôt que d'en mettre parfois dans des endroits absurdes en France et à des couts prohibitifs pour la communauté...
Alain
@ APO C'est vrai ? Vous n'êtes pas renseigné sur les conséquences sur les populations locales de l'exploitation de l'uranium au Niger ? Cela m'étonne vraiment de votre part, ce ne sont pourtant pas les sources qui manquent (Le Monde, Francetvinfo, L'observatoire des multinationales, Cairn.info... et bien sûr pléthore d'ONG environnementales)

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