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Les États-Unis, deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre (GES), n'ont réduit leurs émissions que de 0,2% en 2024 par rapport à l'année précédente, bien loin de leurs objectifs climatiques, estime jeudi un rapport indépendant.
L'objectif de 2030 s'éloigne
Après un recul estimé à 3,3% en 2023, la baisse de ces émissions a quasiment stagné, selon une première estimation du centre de recherche américain Rhodium Group. Une projection qui écarte dangereusement les États-Unis de leur trajectoire, et ce avant même l'entrée en fonction le 20 janvier de Donald Trump, grand défenseur des énergies fossiles.
Washington s'est engagé dans le cadre de l'Accord de Paris à réduire ses émissions de moitié d'ici 2030 par rapport à 2005, et à atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050. Une perspective menacée par la lenteur du changement observé, selon les chercheurs du Rhodium Group.
Pour respecter un tel engagement, les États-Unis devront "maintenir une diminution annuelle ambitieuse de 7,6 % de leurs émissions entre 2025 et 2030", estiment-ils. Soit un "niveau que les États-Unis n'ont jamais connu de mémoire récente en dehors d'une récession", comme ce fut le cas pendant la pandémie du Covid-19.
Selon leurs calculs, "la baisse timide enregistrée en 2024" est principalement liée au ralentissement de la production manufacturière, notamment causé par des grèves et des catastrophes naturelles comme l'ouragan Hélène. Il est toutefois contrebalancé par l'augmentation des déplacements et la hausse de la demande en électricité due à un recours plus important à la climatisation au cours d'une année marquée par de multiples records de chaleur.
Dans l'ensemble, les émissions restent inférieures à celles enregistrées avant la pandémie et sont situées autour de - 20% par rapport à 2005, année de référence.
Découplage entre croissance économique et émissions
Ce bilan est "décevant", fustige Rachel Cleetus, de l'ONG américaine Union of Concerned Scientists.
Les projets ambitieux portés par le président sortant Joe Biden, notamment ses investissements dans la transition énergétique, devraient toutefois bientôt porter leurs fruits. Ils "accéléreront le rythme des réductions d'émissions dans les années à venir", estiment les chercheurs du Rhodium Group.
Les chiffres du rapport montrent par ailleurs la poursuite d'un "découplage entre la croissance économique et les émissions de gaz à effet de serre", pointe Ben King, co-auteur. "Si vous regardez les courbes d'il y a 10-15 ans, vous voyez que quand l'économie se développait, les émissions augmentaient", ce qui n'est plus tant le cas maintenant, explique-t-il à l'AFP.
Cette évolution est "souhaitable", abonde Michael Mann, de l'Université de Pennsylvanie, car les États-Unis, première puissance économique mondiale, comptent mener leur transition écologique en privilégiant leur croissance. Autre bonne nouvelle, note le rapport : "pour la première fois, la production combinée d'énergie solaire et éolienne a dépassé celle du charbon".
Incertitudes
Ces prévisions sont toutefois fondées sur des projections et pourraient être amenées à changer. Le Rhodium Group a ainsi réévalué récemment la baisse des émissions enregistrée en 2023 à - 3,3% contre - 1,9% évoqué dans un premier temps.
Quant à ses prévisions sur le long-terme, elles dépendront grandement des politiques que mettra en place le futur président Donald Trump. Les experts s'attendent à ce que le républicain, climatosceptique notoire, détricote nombre de régulations et de mesures prises par son prédécesseur pour réduire les émissions polluantes.
Dans un tel scénario, la baisse des émissions du pays, premier producteur mondial de pétrole et de gaz, ne devrait atteindre que les - 24 à - 40% en 2035, contre les - 61 à - 66% aujourd'hui prévus, estime le Rhodium Group.
Donald Trump pourrait également faire fi de cette feuille de route climatique en se désengageant de l'Accord de Paris, duquel les États-Unis étaient déjà sortis brièvement sous son premier mandat. Une projection qui inquiète, alors que d'autres grands acteurs économiques et industriels marquent également le pas.
Les émissions de l'Allemagne, première nation industrielle d'Europe, ont également diminué au ralenti en 2024, selon une étude publiée mardi.