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Les géants de la tech se sont lancés dans une course à l'énergie abondante et décarbonée pour nourrir les appétits d'ogre de l'intelligence artificielle, mais leurs besoins en électricité doivent être mieux connus pour éviter la surchauffe du système, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
Défis importants
Les centres de données, ces millions de serveurs qui hébergent nos données informatiques, représentent certes seulement 1% de la consommation d'électricité mondiale, selon l'AIE.
Mais, à l'échelle locale, les réalités peuvent être plus complexes, a prévenu jeudi le directeur exécutif de l'AIE Fatih Birol lors d'une conférence inédite sur les implications de l'intelligence artificielle tant pour la transition énergétique que pour la sécurité énergétique.
Selon l'AIE, "le réseau est déjà confronté à des défis importants dans les zones où les centres de données sont concentrés", essentiellement aux États-Unis (Virginie, Texas, Californie), au Royaume-Uni, à Singapour et dans quelques centres urbains (Pékin, Shanghai, Tokyo, Francfort et Paris).
En 2023, plus de 20% de la demande d'électricité en Irlande provenait des centres de données, et plus de 25% dans l'État de Virginie aux États-Unis, selon l'AIE.
Les centres de données, qui peuvent chacun consommer autant d'électricité que 100.000 foyers, ont déjà fait grimper ces dernières années la demande d'énergie des géants du secteur, tels Google, Microsoft ou Amazon. C'était sans compter l'essor fulgurant de l'intelligence artificielle dite générative qui nécessite des quantités de données et de puissance de calcul encore plus colossales.
De plus, cette demande en énergie devrait continuer à croître, ajoute l'AIE, qui prévoit de publier au printemps son premier rapport sur le sujet.
"Même si la moyenne mondiale de la consommation d'électricité provenant de l'IA n'est peut-être pas si impressionnante aujourd'hui, elle est très impressionnante dans certains contextes locaux", a souligné M. Birol.
"Il y a trois choses que les entreprises de la tech veulent avoir": de l'électricité, des réseaux (électriques) et des autorisations, a-t-il résumé.
"Mais le secteur de l'énergie a aussi besoin de réponses urgentes à ses questions: tout d'abord, quelle sera la quantité d'électricité nécessaire? Ils ont besoin de le savoir pour planifier et déterminer à quelle vitesse et à quel endroit", a souligné M. Birol, dont l'agence a pour mission historique de veiller à la sécurité énergétique.
Sobriété
Pour une conférence internationale inédite, l'AIE avait invité mercredi et jeudi autour d'une même table des énergéticiens (EDF, TotalEnergies), des industriels, des représentants des États-Unis, de l'UE, du Japon, du Maroc, des Émirats arabes unis, de l'ONU, les géants de la tech tels que Microsoft, Google, Nvidia (micro-processeurs), en tout, environ 300 représentants de 40 pays.
Au coeur des discussions, les deux "faces de la médaille" de l'IA: d'un côté, cette "opportunité" qu'elle représente pour accélérer la transition énergétiques et l'innovation, par exemple dans la recherche de matériaux performants pour les batteries électriques; de l'autre côté, la facture énergétique qui enfle.
Dans les prochaines années, les centres de données représenteront le 3e moteur de la demande mondiale d'électricité, juste après les transports et la climatisation.
Mais faute de données suffisantes, il est difficile d'avoir une vision précise des besoins en énergie générés par l'IA. "C'est très difficile à évaluer parce que nous n'obtenons pas d'informations directes" de la part du secteur de la tech, a expliqué à l'AFP Arman Shehabi, chercheur au Lawrence Berkeley National Laboratory, en marge de la conférence.
En cinq ans, les émissions de CO2 de Google ont déjà bondi de 48%. Mais les géants de la tech promettent de la sobriété avec des procédés moins énergivores et le recours accru à de l'énergie décarbonée.
"Nous nous concentrons sur la réduction de l'énergie nécessaire pour alimenter l'IA", qu'il s'agisse de l'efficacité des modèles de calcul ou de la réduction des pics de consommation, a expliqué Melanie Nakagawa, responsable du développement durable chez Microsoft.
Pour décarboner leur consommation électrique, les géants de la tech se tournent déjà vers l'énergie solaire et éolienne, et misent désormais sur le nucléaire, qui n'émet presque pas de CO2, pour sécuriser leurs besoins.