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Depuis que le dernier puits de charbon de Whitehaven a fermé il y a 37 ans, cette ville minière du nord-ouest de l'Angleterre, autrefois si fière, a connu des temps durs.
Aujourd'hui le projet d'ouvrir dans cette région côtière reculée la première mine du pays depuis des décennies provoque des espoirs de renouveau économique mais aussi inquiétudes, alors que le Royaume-Uni veut atteindre la neutralité carbone en 2050.
"Vu l'état de la planète, nous ne voulons pas d'une autre mine de charbon", critique Peggy Robinson, une fonctionnaire à la retraite, rencontrée par l'AFP sur place. Pour Jean McKendry, âgé de 72 ans, il n'y a "aucune justification" à cette mine, étant donné le changement climatique. Il veut encore croire que "le bon sens l'emportera".
En revanche, Martin Branney, 50 ans, "soutient totalement" le projet. "Nous sommes trop dépendants des autres. Regardez où nous en sommes au niveau de l'énergie (...). Nous sommes vulnérables", dit-il en promenant ses chiens au-dessus de ce qui devrait devenir les nouveaux puits de mine.
Construction en septembre
Le projet a été approuvé en décembre par le gouvernement britannique. Ce charbon devrait être utilisé dans la production d'acier et alimenter des aciéries au Royaume-Uni et en Europe. Friends of the Earth et d'autres organisations de défense de l'Environnement ont déposé des recours en justice.
Mais West Cumbria Mining (WCM), l'entreprise en charge du projet, veut commencer les travaux le mois prochain, en vue d'une construction en septembre. L'objectif est que la mine soit opérationnelle d'ici à 2025, avec l'extraction d'environ 2,7 millions de tonnes de charbon par an, et à la clé la création de 500 emplois directs.
Face aux critiques, l'entreprise affirme qu'elle mettra en œuvre un "système juridiquement contraignant de réduction des émissions", aligné sur les engagements du Royaume-Uni pour le climat. Cela comprendra des engins entièrement électriques dans la mine souterraine, un captage du méthane et une compensation des émissions de carbone.
Mais il en faudra plus pour faire taire les critiques, y compris la militante suédoise Greta Thunberg, qui avait écrit sur Twitter en 2020 que le refus du gouvernement de bloquer cette mine montrait que son plan zéro émission pour 2050 "ne signifie rien en réalité".
Une étude du think tank Green Alliance publiée le mois dernier assure que la mine relâchera 17 500 tonnes de méthane par an, et que les sidérurgistes britanniques n'utiliseront même pas ce charbon.
Teneur en soufre
De fait, le marché britannique se rétrécit. British Steel a annoncé la semaine dernière qu'il fermera ses fours à coke à Scunthorpe (nord-est de l'Angleterre). Tata Steel dans le sud du Pays de Galles aura les seuls fours restants dans le pays.
Des experts du secteur notent que les gisements de Whitehaven ont une teneur en soufre relativement élevée, ce qui obligera les sidérurgistes à mélanger ce charbon à d'autres, de meilleure qualité.
WCM met en avant son intention d'exporter sa production vers l'Europe, ce qui est "bien plus respectueux de l'environnement" que faire venir le charbon d'autres continents.
Le maire conservateur de Whitehaven, Mike Starkie, va jusqu'à affirmer que la mine contribuera à la transition vers le zéro émission. "Si vous voulez une révolution industrielle verte (...) toutes ces (technologies renouvelables, ndlr) nécessitent une quantité importante d'acier", dit-il à l'AFP.
Ancrée dans la culture
"Cela va donner un coup de fouet à l'économie et faire naitre de nombreuses opportunités pour de nouvelles entreprises", affirme l'édile. Malgré la désindustrialisation des années 1980, relève-t-il, l'exploitation minière, tout comme la ligue de rugby, est "ancrée dans la culture" : "Il y a très peu de familles dans la région de Whitehaven qui n'ont pas quelqu'un qui est allé dans les mines, même si la dernière a fermé il y a près de 40 ans".
"Le charbon fait partie de l'histoire de Whitehaven, et les gens ont appris par expérience que lorsqu'elles sont en activité, les mines peuvent fournir des emplois", admet Pancho Lewis, un chercheur travaillant sur le projet "Citoyens du climat" à l'université de Lancaster.
"Tant que les emplois verts resteront une promesse largement rhétorique au lieu de se manifester concrètement dans la vie des gens, alors le soutien aux projets fossiles est susceptible de se poursuivre - à Whitehaven et dans d'autres régions".