Le monde a dit « adieu aux énergies fossiles », il faut désormais aider le Sud, appelle le patron de l'AIE (interview)

  • AFP
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Désormais "la direction est claire": à la COP28 le monde a dit "adieu aux énergies fossiles", s'est félicité vendredi le patron de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), pour qui chacun peut désormais demander des comptes à son gouvernement ou aux industries pétro-gazières quant à leurs politiques énergétiques.

Dans un entretien à l'AFP, Fatih Birol voit cependant un grand oubli dans la réunion de Dubaï: le financement de la transition énergétique des pays du Sud, clé de la lutte contre le réchauffement climatique mondial.

Comment accueillez-vous cet accord ?

Dès que la décision est tombée, j'ai félicité Sultan Al-Jaber (le président de la COP28, ndlr) et tous les pays qui ont travaillé dur pour aboutir à cette issue.

Le plus important est que 200 pays se sont accordés sur la direction à donner au système énergétique mondial. Désormais gouvernements, secteur de l'énergie, investisseurs... devront dire clairement ce qu'ils font pour accélérer la transition hors des fossiles ces six prochaines années. Et désormais tout un chacun aura le droit de demander au dirigeant d'une compagnie pétrolière ou à un chef de gouvernement en quoi ses décisions contribuent à ce mouvement. C'est un point clé, et je suis content que nous en soyons là.

Nous avions fixé 5 conditions au succès (de la COP). Doubler la croissance de l'efficacité énergétique, tripler les énergies renouvelables, et le déclin des énergies fossiles ont été acceptés. Le méthane a été abordé. Ce qui manque, énormément, c'est comment aider les pays en développement à financer leur transition vers des énergies propres.

Cet accord ne fixe pas de trajectoire précise. Comment peut-il se traduire dans la vie réelle ?

Je pense qu'il donne un signal sans équivoque aux investisseurs: si vous continuez à investir dans les combustibles fossiles, vous prenez de sérieux risques en terme de business. C'est aussi un signal qui montre aux investisseurs que les énergies propres sont plus rentables que beaucoup l'imaginent.

Enfin, ce ne sont pas seulement les populations de Londres ou de Paris qui sonnent l'alerte sur le changement climatique: de plus en plus de gens, partout, de New Delhi à Jakarta, voient le lien avec les énergies fossiles, et cela va être un problème majeur pour le secteur des hydrocarbures et ses investisseurs.

Vous déplorez le manque de financements pour les énergies décarbonées dans les pays en développement. Voyez-vous ce sujet bouger ?

C'est un gros problème. Au moment de l'accord de Paris (en 2015, ndlr), les investissements mondiaux dans les énergies propres s'élevaient à 1 000 milliards de dollars. Cette année, c'est près de 2.000 milliards. Mais cette progression concerne les économies avancées et la Chine: l'investissement dans le reste du monde est complètement plat, aucune croissance! C'est un problème pour tous: même si par exemple l'Europe arrive à zéro émission, le dérèglement climatique restera inchangé si les émissions d'autres pays gardent leur trajectoire actuelle. Les émissions n'ont pas de passeport! Cela a été l'élément manquant de cette COP28.

Ce sujet ne sera-t-il pas le grand enjeu de la COP29 ?

Pousser ces financements sera une priorité majeure de l'AIE pour la COP de Bakou. Comment mettre en place les mécanismes appropriés, allant des moyens pour réduire le coût du capital à la fourniture de financements concessionnels par les institutions internationales... Nous proposerons une série de recommandations.

Accélérer les renouvelables et l'efficacité énergétique figurent désormais parmi les grands travaux des Etats. Le monde est-il sur la bonne voie ?

Nous ne sommes pas sur la bonne voie. La question est maintenant de savoir comment cet objectif va se traduire en actions concrètes dans les pays. Notre travail sera un travail de +transposition+ pour les pays.

Des experts ont déploré le silence à la COP sur le cas des plastiques, consommateurs de pétrole, ou la référence au gaz comme énergie de transition. Est-ce un problème ?

Nous ne voyons pas le gaz nous permettre de tenir l'objectif 1,5°C. Il doit décliner, et rapidement. Mais les cas sont différents: l'Europe n'est pas l'Afrique.

Mais pour moi, ce qui est clair est que 200 pays ont signé un document pour dire adieu aux énergies fossiles. La direction est très claire, et il n'y a pas moyen d'en changer maintenant: c'est trop tard, c'est terminé! Bien sûr l'énergie est utilisée dans la pétrochimie. Mais tout est énergie, et je n'essaierais pas de faire la distinction: nous parlons du système énergétique, et nous rendrons comptables les personnes qui ne prendront pas de décisions alignées avec la COP28, c'est très clair pour nous.

Commentaires

Papi G
Je pense que M Birol devrait relire plus attentivement l'accord...
jean-Pierre MANIN
Tout cela paraît idyllique et tout le monde se félicite du pseudo abandon des énergies fossiles. les promesses n'engagent que ceux qui les croient, comme dirait un ancien président (ou Ch Pasqua?) Quoi qu'il en soit c'est oublier que cela ne concerne que la combustion pour obtenir de l'énergie. Et pour les grosses puissances , engins de chantier, mega tracteurs, matériels militaires lourds etc.. l'énergie fossile restera encore qq temps utile du fait de sa concentration: 1kg de pétrole correspond à une énergie de 42MJ soit env 12kWh. Une éolienne c'est environ 0,6 kWh/m2 de balayé pour un vent de 10m/s ( 36 km/h) donc il faut des pales de 90m de diamètre et une section de 6360m2 pour équivaloir en une heure à l'énergie dégagée par 320 litres de pétrole. Quant au nucléaire 1 g d'uranium équivaut à 1,8 t de pétrole env. Ce sont bien sur des ordres de grandeurs pour saisir les différences de densité d'énergie qui explique la facilité d'utilisation des fossiles. et d e l'atome. Mais il restera le pétrole pour la pétrochimie, les plastiques, les engrais, votre smartphone, télévision, vêtements , le moteur électrique de votre voiture et ses isolants etc... On est nourris et gavés de pétrole. Alors quand on parle d'abandon des fossiles cela concerne surtout l'énergie électrique et les véhicules thermiques. Ne nous réjouissons pas trop vite, d'autant que le CO2 déja émis restera encore des centaines d'année dans l'atmosphère: au bout de 100ans il restera encore 40% et 8 à 20% dans 1000ans .
Albatros
Pour alimenter les chars russes, on fait comment, Monsieur Birol ?

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