L'automobile à hydrogène : un segment de niche mais une vision d'avenir

  • AFP
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Propulser des voitures, bus ou camions sans aucune émission polluante, c'est la promesse de la pile à hydrogène, dont la filière démarre lentement mais pourrait s'imposer à terme face aux batteries rechargeables.

Des véhicules à hydrogène roulent déjà dans de nombreuses villes du monde. À Paris, les taxis de la société Hype transportent des clients depuis 2015 dans des berlines coréennes ou japonaises à la livrée bleue facilement reconnaissable.

Cela reste un segment de niche. Hyundai, qui revendique le premier rang mondial, a vendu 5 000 exemplaires de son modèle Nexo cette année, plus que la Toyota Mirai, dans un marché mondial de plusieurs dizaines de millions de voitures.

Ces véhicules sont avant tout une vision d'avenir. En embarquant un réservoir à hydrogène, transformé en électricité via une pile qui alimente un moteur, ils offrent les avantages du 100% électrique (accélération, couple, silence de fonctionnement), ne rejettent aucun polluant, juste de la vapeur d'eau, tout en offrant une autonomie supérieure et des recharges aussi rapides qu'un plein d'essence.

Problème : la production d'hydrogène reste aujourd'hui fortement émettrice de CO2, l'un des principaux gaz à effet de serre, car elle résulte essentiellement du reformage de méthane. Les stations de recharge, très coûteuses, restent rares, tandis que les prix des véhicules sont encore prohibitifs.

"Aujourd'hui, on sait faire des véhicules à hydrogène, mais il y a encore énormément d'étapes à franchir pour en faire des véhicules économiquement viables", souligne Marc Mortureux, directeur de la Plateforme automobile (PFA) qui représente constructeurs et équipementiers français.

"On est clairement satisfaits de la mobilisation" des pouvoirs publics, a-t-il réagi mardi à l'annonce d'un plan de 7 milliards d'euros du gouvernement français pour développer la filière hydrogène. L'Allemagne a récemment mis 9 milliards sur la table, dans une course à l'innovation face à la Chine, à la Corée du Sud, au Japon et aux Etats-Unis.

Hydrogène décarboné

Le premier enjeu est la production massive d'hydrogène décarboné, défi que les énergéticiens pensent relever grâce à l'électrolyse de l'eau à partir d'énergies renouvelables (éolien, solaire) ou de nucléaire.

"À partir de 2021 ou 2022, on va voir arriver des camions, des camionnettes, des bus à hydrogène dans pas mal de villes d'Europe", prévoit Marc Perraudin, directeur de la division Nouvelles Energies chez Plastic Omnium. L'équipementier français, spécialiste du stockage de carburant, a engagé 200 millions d'euros d'investissements sur cinq ans pour développer des réservoirs à hydrogène, déjà commercialisés, mais aussi des piles à combustible.

La flambée de l'action du fabricant américain de camions à hydrogène Nikola, dès son entrée en bourse en juin, a souligné les espoirs de certains investisseurs, dont encore General Motors qui en a pris 11% mardi. Selon M. Perraudin, les véhicules électriques purement à batteries "ne répondent pas aux besoins" des transports lourds, par manque d'autonomie.

Les automobiles, qui ont besoin d'un maillage étroit de stations de recharge, se développeront "après 2025", estime Plastic Omnium qui table, à l'horizon 2030, sur un marché mondial de 2 millions de véhicules, dont 1,6 million de voitures particulières.

En fin d'année dernière, Renault, pionnier en France, a introduit dans son catalogue une version hydrogène de son fourgon Kangoo, dont il a produit 200 exemplaires. Un deuxième modèle, plus grand, le Master, suivra l'an prochain. Ces versions coûtent près de 50% plus cher qu'une électrique classique. Mais "avec l'hydrogène, on double l'autonomie pratique pour l'utilisateur", souligne Philippe Diviné, directeur de la stratégie des véhicules utilitaires du groupe.

La pile est fournie par le spécialiste Symbio, co-entreprise de Faurecia et Michelin qui équipe aussi le fabricant de bus français Safra. En plein essor, l'entreprise française emploie 250 personnes, contre une cinquantaine il y a deux ans, et vise une production annuelle de 25.000 unités en 2025.

Chez PSA, qui avait sorti sept démonstrateurs technologiques de 2000 à 2010, de premiers véhicules utilitaires à hydrogène (Peugeot Expert, Citroën Jumpy et Opel Vivaro) seront lancés fin 2021, une offre complémentaire aux véhicules électriques classiques. "Aujourd'hui les temps de recharge des batteries sont pénalisants" pour certaines utilisations professionnelles intensives, tandis que l'hydrogène permet de faire un plein en 2 ou 3 minutes, explique Carla Gohin, directrice de l'innovation du constructeur.

Commentaires

jean-pierre Arlie

Il ne faut pas oublier que la réaction chimique dans la pile à combustible, H2+O2 nécessite un catalyseur qui est encore le platine. La disponibilité mondiale du platine est de 200 tonnes par an La moitié sera disponible pour les véhicules à hydrogène. Or il faut en moyenne ,dixit Toyota, 27 grammes de platine par véhicule à hydrogène ce qui limite à environ 3 millions par an de voitures à hydrogène. Evidement on peut avancer que grâce à la Ret D on pourra trouver un catalyseur sans platine; les essais ont montré que la réaction chimique avec le rhodium ou d'autres éléments de la classification périodique étaient moins efficaces. .Alors le véhicule à hydrogène aura un avenir modeste par rapport au vécule électrique avec le lithium puis le sodium dont la disponibilité ne pose aucun problème.

Marc Diedisheim

Monsieur Arlie, votre commentaire est out à fait en accord avec nos calculs ! On peut également ajouter que le rendement global de la "chaîne hydrogène" dans la mobilité terrestre est trois fois (!) moins bon que la "chaîne batteries". Il faut trois fois plus d'électricité pour faire 1 km en Véhicule Hydrogène qu'en Véhicule Batteries.
Et le catalyseur efficace sans Platine n'est pas en vue, malgré des dizaines d'années de R&D.

On peut donc se demander quel est le véritable objectif du "plan hydrogène"du gouvernement français ...

C'est vers les utilisations directes de l'hydrogène qu'il faut se diriger, c'est-à-dire dans de manièrer proritaire vers ses applications indstrielles.
Bonne Journée.

Goldorak

C'est simple, la cible de l'hydrogène, ce ne sont pas les voitures individuelles mais tout le reste.
Pour le platine, celui ci est déjà utilisé pour les FAP des véhicule actuels (diesel en particulier), qui sont amené a diminuer dans le temps.

Renzo BEE

Le début du développement de la mobilité à l'H2, est beaucoup plus simple en mettant le réformeur sous le capot et en faisant le plein de Méthane (bio ou pas). En effet faire le plein de Méthane (GNV ou CNG en anglais) est déjà une réalité dans beaucoup de pays, avec beaucoup de stations GNV (italie, Pologne, Pays-Bas, Tchékie, voire même Egypte) et les problèmes de sécurité liés à la réalisation du plein au Méthane sont très bien maitrisées. En revanche faire le plein de H2 gazeux ou liquide, est extremement dangereux (environ 20x plus que le Gaz Nat). Si certains parkings rechignent à laisser entrer les voitures au GPL, avec de l hydrogène stocké dans la voiture, ce sera interdit.
Le modèle sera bien de commencer par stocker du Gaz Nat, le réformer dans la voiture pour une production immédiate de l'H2 qui sera consommé aussitôt. Un réservoir de Gaz Nat coûte nettement moins cher.
La RD devra travailler sur le minireforming, ce que font les Japonais. Ces derniers (ENEOS en particulier) implante un réformeur dans une station service raccordée sur le réseau gaz naturel, ce qui est un autre modèle, mais qui reste dangereux lorsque cette technologie sera disséminée.
Par expérience, je suis convaincu que les transitions de développement de l'Hydrogène, s'appuieront sur l'existant = le réforming du Gaz Nat pris dans le réseau Gaz Nat existant. Le développement sera beaucoup plus rapide. La transition impliquera une maitrise des risques sécurité du gaz le plus dangereux (H2), pour l'usager lambda. Si d'aventure, le modèle consiste à faire le plein de H2 en station service, je n'ose pas imaginer l'usine à gaz réglementaire qui ralentira le développement, voire l'éteindra...

Marc Diedisheim

Le malheur dans ce scénario est que la ressource de BioMéthane "vert" est très faible au regard de la demande tous usages confondus. Par ailleurs, ajouter deux transformations supplémentaires (méthane - H2 -Electricité) dégrade encore plus un rendement global déja faible.
Mieux vaut rester au bin vieux moteur thermique à gaz.

Renzo BEE

je comprends votre remarque. Disposer d'un réseau de distribution de H2 (pour la mobilité particulièrement) à partir du réseau existant de gaznat, permet alors de disposer d'un parc véhicule H2 suffisant pour entrevoir une production H2 différente. Mon expérience des réseaux de distribution de gaz en bouteille, (la poule et l'oeuf), montre à quel point disposer d'un existant amorti économiquement est LE levier accélérateur.
Au Japon il existe depuis les années 2005-2009 des unités domestiques Reformer+Fuelcell pour une cogénération domestique électricité-chaleur à partir de bouteilles de propane (qui se révèle le seul carburant propre disponible après un tremblement de terre). La raison de ce développement est liée à un changement de modèle après la catastrophe de Fukushima : il faut trouver une alternative à la production d'électricité centralisée. Ainsi grace à une unité Reformer+Fuelcell + bouteille de propane, chaque maison produit de l'électricité en réseau, ce qui rend les maisons très autonomes en cas de tremblement de terre.

Marc Diedisheim

En effet, mais quelle est l'origine de ce propane ? Si elle est fossile, elle ne satisfait pas l'objectif inscrit dans la loi de ne plus tirer d'énergie à partir de ressources fossiles ... .
Maintenant, il reste 30 ans avant 2050. Peut-être le loi connaitra-t-elle des assouplissements ?

Renzo BEE

Ce propane est majoritairement fossile (des unités de bioGPL sont en développement à partir de Biogaz ou de production de BioDiesel). Je ne considère pas essentiel que le propane utilisé soit fossile ou non. le critère fossile ne conduit pas à une décision éthique vis à vis des populations n'ayant aucune alternative que de détruire la forêt (cuisson en Afrique) ou de rester dans la pauvreté (essayez de convaincre un Indien, que parce que ça consomme du fossile, il n' a pas le droit de posséder une mobylette, j'en ai fait l'expérience).
commençons déjà à résoudre les problèmes avec ce que l'on a de moins cher et efficace, (spécialement hors d'Europe), car finalement le développement humain est primordial. Ensuite on prépare la transition vers le tout électrique, en respectant systématiquement le coût du Kwh le plus faible possible.

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