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L'accès à l'électricité va reculer en Afrique cette année en raison de la crise du Covid-19, s'alarme le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans un entretien à l'AFP. Mais Fatih Birol souligne également, à l'occasion d'un forum ministériel virtuel co-organisé avec l'Union africaine mardi, le "potentiel énorme" en énergie solaire du continent, à condition de pouvoir attirer les investisseurs.
L'accès à l'énergie et notamment à l'électricité en Afrique est un défi depuis longtemps. Est-ce que la crise du Covid a aggravé les choses ?
Même si la pandémie n'a pas affecté l'Afrique autant que d'autres parties du monde, les économies africaines ont été durement touchées et, selon nos chiffres, le revenu par habitant a décliné d'environ 6% cette année. Cela va conduire à de gros problèmes de dette et dans certains cas peut-être des défauts de paiement pour certains pays.
Cette situation grave se reflète bien sûr dans le secteur de l'électricité. Nous suivons d'année en année le nombre de personnes qui ont accès à l'électricité en Afrique. Et nous voyons pour la première fois (depuis des années) que le nombre de personnes sans accès va augmenter. Ce chiffre avait décliné ces sept dernières années mais il augmentera cette année, ce qui est inquiétant.
L'autre mauvaise nouvelle, c'est que les investissements dans le secteur électrique doivent décliner de 30% cette année. C'est principalement parce que les gouvernements ont d'autres priorités et, pour les investisseurs, le risque accru dans ces économies - particulièrement en Afrique subsaharienne - augmente le coût du financement. Donc l'appétit des investisseurs disparaît.
Comment l'Afrique peut-elle développer son énorme potentiel, notamment dans le solaire ?
Même si les défis sont énormes en terme d'électrification de l'Afrique, il y a un point positif : le solaire est en train de devenir bon marché dans le monde entier. Nos chiffres montrent que le solaire est la source de production d'électricité la moins chère presque partout.
L'Afrique à elle seule reçoit 40% des radiations solaires dans le monde. Pourtant elle n'utilise que 1% de l'énergie solaire mondiale.
Les capacités installées aux Pays-Bas atteignent 5 GW, l'équivalent de l'ensemble de l'Afrique subsaharienne. Donc cela montre le potentiel énorme qui y réside.
Les raisons d'investir dans le solaire africain ne sont pas seulement "humanitaires" mais peuvent aussi se traduire par des retours sur investissement significatifs. Donc c'est la raison pour laquelle nous nous réunissons avec les ministres et essayons de trouver un cadre d'investissement pour rendre moins risqués les investissements en Afrique et fournir un terrain fertile pour les investisseurs du monde entier.
Certains pays comme l'Angola dépendent beaucoup de la manne pétrolière mais les cours sont très bas avec la crise. Comment peuvent-ils s'en sortir ?
Ce sera un de mes messages aux ministres cet après-midi, pour l'Angola mais aussi le Nigeria ou l'Algérie. Les économies de ces pays dépendent énormément des revenus du pétrole et j'ai une mauvaise nouvelle pour eux: nous ne nous attendons pas à ce que la demande pétrolière augmente beaucoup ces prochaines années. Et les cours du pétrole vont aussi être plutôt bas, donc leurs revenus vont certainement être très affectés. Donc c'est le bon moment pour diversifier leurs économies et leurs systèmes énergétiques - ce à quoi nous allons travailler avec tous ces pays.
La deuxième chose à retenir c'est que ces pays ont une opportunité énorme d'utiliser d'autres sources d'énergie, comme le solaire encore une fois mais aussi dans certains cas le gaz naturel. Ils pourront avoir besoin du gaz en plus des renouvelables pour faire tourner le secteur industriel.